Le mouton noir

Chapitre 5

          Shanna était allongée devant nous. Autour d'elle, il y avait une dizaine de bouquet de fleurs que la famille et les amis ont envoyé. Ils y avaient ajouté des lettres que je n'ai plus jamais revu après ce jour-là. Les murs étaient blancs, il n'y avait pas de fenêtre. C'était triste. L'atmosphère était lourde, comme si toutes les autres personnes mortes avant Shanna avaient laissé leur dernier brin de vie dans ces lieux.

            Nous étions nombreux dans cette petite pièce. Il y avait la famille proche, mes parents, mes quatre grands-parents, mes oncles, mes tantes et moi. Mais il y avait aussi les amis de mes parents que je considère presque comme ma famille, puisqu'ils nous ont vu naitre. On pleurait tous. Plus ou moins silencieusement.

            Shanna était dans un cercueil en boit de chêne. Elle portait une robe noire. Ses yeux, à peine maquillés, étaient fermés, sans vie, et ses mains se rejoignaient sur son ventre. Elle portait le pendentif qu'elle mettait tout le temps. Ma mère lui avait fabriqué avec la pierre d'émeraude qu'elle lui avait ramener de l'une de leur recherche.

            Un homme est entré dans la pièce. Je savais que c'était lui qu'on attendait pour la mise en bière.

« - C'est le moment de lui dire au revoir pour la dernière fois, dit l'homme en ignorant les quelques personnes qui sanglotaient de plus belle »

            De mon côté, je me tenais droite en face du cercueil. Je fixais sa peu pâle et son torse qui ne bougeait plus. Elle ne respirait plus. Je me demandais quand est-ce que j'allais me réveiller de cet horrible cauchemar. J'avais perdu ma sœur, ma jumelle, ma moitié. Comment pourrais-je continuer à vivre ma vie sans elle ? Je ne pourrais pas, je le savais. Je ne pourrais jamais rire comme je le faisais, ou alors je culpabiliserais de le faire. Est-ce une vie ? Ou du moins, est-ce la vie que j'avais envie de mener ? Non... La fille pleine de vie et toujours de bonne humeur a disparu le jour de l'accident.

« BOOOM ! »

            C'est donc ce bruit sourd qui marque la dernière fois que je vis ma sœur en chair et en os.

~

            L'arrivée à l'église fut pour moi un moment horrible. Toutes les personnes moins proches de la famille, nous attendaient déjà sur place. Quand je suis descendue de la voiture, tout le monde s'est approché de moi pour me prendre dans leur bras. Mais je déteste ça, surtout venant de gens que je n'ai vu qu'une seule fois dans ma vie. Ça puait la pitié. Les gens se sentent toujours obliger d'en faire des tonnes pour se faire remarquer, même dans les pires moments. Bienvenue dans le monde des vivants. Est-ce différent là-haut ? Si seulement Shanna pouvait me répondre.

            J'étais la fille qui ne fallait pas approcher. Je n'allais voir personne de mon plein gré. Et quand on me présentait à des invités, je ne répondais pas, et puis je partais. C'est à ce moment là que ma froideur est apparue. J'ai commencé à voir les défauts des uns et des autres ce qui les rendaient insupportables.

            J'étais assise au premier rang à côté de mes parents. Autour de moi, tout le monde pleurait, mais moi non. Ce n'était pas que je ne voulais pas, mais je n'y arrivais pas. Il était impossible pour moi de briser la carapace que je me suis construite depuis ma naissance, même pour une seule journée.

            Le prêtre lit des choses en latins que je ne comprenais pas. Où peut-être était-ce du français ? Dans tous les cas, ce n'était pas intéressant. Je préférais me perdre dans mes pensées plutôt que d'écouter un homme raconter la vie de Shanna comme s'il l'a connaissait.

            Je repensais à toutes ses parties de cartes qui finissaient en bataille d'oreiller parce que nous n'étions jamais d'accord sur les règles. Bien sûr il y avait une énorme mauvaise fois. J'eu une petite pensée à tous les coussins que l'on a déchiré puis caché sous le lit pour que nos parents ne nous engueule pas. D'ailleurs, je suis étonnée qu'ils n'aient pas remarqué qu'il manquait des coussins.

            Le prêtre me sortit de mes pensées et nous demanda, à mes parents et à moi de nous mettre autour du cercueil avec des bougies. J'étais vraiment mal à l'aise, tout le monde nous regardait. Je ne comprenais pas pourquoi nous étions obligés de faire ça. C'est en rapport avec la montée au ciel, ou quelque chose comme ça ? Décidément, ce jour-là, il y avait beaucoup de choses que je ne comprenais pas.

            Après une dizaine de minute debout avec les bougies dans les mains, le prêtre nous fit signe de les poser sur le cercueil, et nous invita à nous rassoir.

            La cérémonie terminée, nous remontions dans les voitures et nous dirigions vers le cimetière. Quatre jeunes hommes en costard posèrent le cercueil dans le trou. Je pense que Shanna se serait fait une joie de les mater quelques minutes. C'était peut-être ce qu'elle faisait de là où elle était, qui sait ? Ou alors peut-être qu'elle avait bien mieux dans le royaume des morts, dans ce cas, la moindre des choses se serait de m'informer pour partager.