|sombrer dans les abysses|

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(la musique est à écouter pendant la lecture afin de créer une ambiance plus apte à ressentir tout ce que texte peut faire naître)

Je nage, je plane, je vole, je flotte, je coule, je m'effondre, me relève, tombe, chute, plongeant dans les ténèbres abyssales, mon corps tout entier aspiré, attiré, emporté, toujours plus fort, toujours plus profond, toujours plus vite dans ce vide vertigineux. Il fait de plus en plus sombre, le noir m'oppresse, m'étouffe, me serre, me colle à la peau, me chuchote aux creux des oreilles, me fait vriller les tympans tandis que mon âme dérive, se détourne, divague, cherchant une échappatoire, la douce lueur d'un éclat de rire,la tendre chaleur d'un souvenir oublié, d'une main serrée, de doigts enlacés. Le souffle chaud d'un amant dans le cou, le goût salé d'un baiser volé, le frisson d'une caresse sur la hanche. Tout m'échappe entre les doigts. Je suis perdue. Perdue dans le flot de mes pensées, dans la chambre de mes secrets, dans le tourbillon de mes émotions, dans l'ouragan de mes sentiments, dans l'incompréhension, dans la peur, l'angoisse, l'anxiété qui me ronge inexorablement de l'intérieur, dans le brasier de mon amour qui me consume et fait des pages noircies à l'encre rouge du recueil de mes péchés des colonnes de fumée denses, brouillant ma vue, piquant mes yeux, bouchant mes oreilles, asséchant ma gorge, faisant tourner ma tête. Je brûle. Les paroles marqués au fer rouge d'une relation interdite m'irritent, me font souffrir, et plus je gratte, plus la douleur s'intensifie, plus mes ongles s'enfoncent dans ma peau et plus le sang s'écoule, le bruit sourd des gouttes ocres s'écrasant contre le parquet glacé résonnent contre les barreaux de mensonges de la cage dans laquelle je suis condamné. Je brûle, les flammes sont semblables à des monstres de feu et font de ma peau de la chair calcinée et de mes pensées un enchevêtrement de paroles vides de sens. Je crie, je crie de toute mes forces, je crie pour faire ressortir ma douleur, ma culpabilité, ma haine, je crie pour refermer les plaies béantes de mon cœur, pour retirer les couteaux enfoncés dans ma poitrine, pour tenter d'oublier, et pour me souvenir. Une toute dernière fois. Je crie, mais je me noie, les sons n'ont plus de pouvoir, et mes hurlements plus de sens. Je me fais manipulée par le courant telle une plume dans le vent. Je vois. Je vois la lumière aveuglante d'une Etoile transpercer la masse fluide et compact de l'eau, une armée de rayon de clarté traverser la distance qui me sépare de la surface. Je tends ma main, tente par tous les moyens d'atteindre cet éclat, ce fragment d'étoile, de toucher cet étincelle du bout des doigts. J'essaye, un peu plus, encore un peu, j'y suis presque, je suis sur le point d'y arriver, puis plus rien. Les ombres reprennent possession des lieux. Il fait froid. C'est désormais dans une eau glaciale que je sombre, mes membres frigorifiés, me recroquevillant sur moi-même. Je gèle. Je veux sortir. A l'aide. Je ferme les yeux, mes paupières gelées se referment pour la dernière fois sur elles.

Je t'attend. Dépêche-toi.

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Dimanche 23 août
commencé à 10h42 et fini à 00:00

𝔪𝔦𝔡𝔫𝔦𝔤𝔥𝔱 𝔱𝔥𝔬𝔲𝔤𝔥𝔱𝔰Où les histoires vivent. Découvrez maintenant