Chapitre 2

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Sam et Roxanne n'habitaient pas dans le même quartier, et cette dernière partit donc seule de son côté. La nuit était douce. La grosse chaleur de la journée avait été chassée par un vent frais, au plus grand bonheur de Roxanne. Cette dernière décida de rentrer à pied et de profiter d'un petit moment seule à marcher en ville. Elle n'en avait pas pour très longtemps. En à peine quinze minutes, et elle arriverait chez elle. Elle en profita pour flâner un peu dans le centre-ville, et regarder les vitrines éteintes des magasins. Elle ne croisa pas beaucoup de monde dans les rues, et c'était d'autant plus agréable.

La jeune femme fut néanmoins soudainement ramenée à la réalité quand quelqu'un l'accosta en lui tirant le bras. C'était un homme de grande taille, assez trapu, et à en croire son haleine, plutôt éméché. Roxanne fit quelques pas en arrière, de manière à essayer de se dégager de son étreinte, mais l'homme lui tenait le bas fermement. Il la regarda droit dans les yeux avant de lui donner un prospectus et de lui crier des phrases incompréhensibles. Enfin, il finit par la lâcher et s'en alla comme si de rien n'était. Roxanne souffla un grand coup de soulagement, et continua d'avancer pour s'éloigner de l'homme. Elle jeta un coup d'œil au feuillet qu'elle tenait en main.

« Votez Freeman pour une société viable et en sécurité ».

Elle leva un sourcil. C'était le slogan de campagne d'un des deux derniers candidats aux présentielles. Sous la phrase d'accroche, la photo d'un homme blanc aux traits carrés, aux cheveux bruns et à l'air digne. Il croisait les bras pour se donner une contenance, et affichait un sourire poli. Cette photo inspirait la confiance. Elle tourna le prospectus pour voir ce qu'il était écrit derrière. C'était la liste de ses projets s'il était élu. Roxanne n'eut pas besoin de les lire. Elle les connaissait déjà par cœur. Cela faisait des mois que Freeman rabâchait les mêmes discours, et faisait des apparitions multiples partout où on pouvait s'attendre à le voir. Du fait de son grand nombre de partisans, c'était le candidat favori des élections, au grand dam de Roxanne, qui ne voyait en lui qu'un extrémiste. L'homme qui lui avait donné le papier devait être un de ceux qui voyait en lui celui qui allait sauver leur société. Roxanne roula le papier en boule, et le jeta dans la poubelle la plus proche. Pour elle c'était sûr, cet homme n'apporterait rien de bon au pays.

Elle arriva enfin devant la maison qu'elle occupait avec ses parents. Elle sortit la clé de sa poche et rentra à l'intérieur. La lumière du salon était encore allumée, signe que ses parents n'étaient pas encore couchés. C'était plutôt rare qu'ils soient encore debout à cette heure. Ils avaient dû l'attendre. Après s'être déchaussée, Roxanne alla leur dire bonsoir. Sa mère regardait une émission à la télé, et son père était confortablement assis dans un fauteuil pour lire un livre, comme à son habitude.

« Tu rentres tard ce soir ma chérie, constata sa mère. Tu étais chez Iris ? Tu lui as souhaité un bon anniversaire de notre part j'espère ?

-Tu sais bien que oui maman. Elle est contente, elle a été prise à l'hôpital ici.

-C'est bien pour elle, affirma son père. Ses parents doivent être fiers d'elle. »

Les parents de Roxanne avaient énormément d'affection pour Iris, qu'ils avaient vu grandir en même temps que leur fille. Avec un seul enfant, comme tous les couples du pays, ils la considéraient presque comme leur deuxième fille. Depuis petite, elle passait tellement de temps à la maison avec eux. Le fait de ne pouvoir avoir qu'un enfant n'avait cependant jamais semblé peiner les parents de Roxanne. Son père, Ed, qui travaillait aux services du Contrôle, n'aurait de toutes façons jamais osé remettre en question les décisions du Gouvernement. Alors, s'ils avaient jugé bon de mettre en place un contrôle des natalités pour pallier la grandissante surpopulation, c'était la bonne décision. Et quand plus tard, la politique de l'enfant unique avait été imposée aux familles, Ed avait défendu cette décision à tous ses détracteurs. Quant à la mère de Roxanne, Sarah, elle n'avait jamais semblé en souffrir non plus. Comme elle le disait elle-même, c'est déjà assez compliqué de s'occuper correctement d'un enfant, alors pourquoi se compliquer les choses en en ayant deux ! Et puis du fait de son métier d'institutrice, elle était entourée d'enfants au quotidien, cela lui suffisait amplement. Sa mère adorait son métier plus que tout. Elle ramenait constamment des dessins que ses élèves lui avaient offert, et elle les accrochait un peu partout dans la maison. Quand elle était enfant, Roxanne avait été un peu jalouse de l'attention que donnait sa mère à d'autres enfants, mais cela lui était rapidement passé.

La FuiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant