Anastasia, la poupée diabolique

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Je m'appelle Amy Bringsley, et quand j'avais dix ans, mes parents et moi déménagèrent dans une vieille et grande maison que ma mère avait hérité d'une grand-tante. C'était une demeure immense, et il y régnait une atmosphère inquiétante. Cela nous changeait de notre petit appartement exigu. Il y avait tellement d'espace dans cette maison, qu'au début il m'arrivait de me perdre dans les couloirs.

Un jour, lors d'une de mes explorations, je découvris une pièce au deuxième étage qui ressemblait à un grenier. Elle était remplie de vieux meubles poussiéreux, et dans un coin, je trouvai une grande malle en bois. Je l'ouvris et y trouvai une magnifique poupée qui avait l'air très ancienne, mais qui paradoxalement, était en parfait état. Je me dis que la petite fille à laquelle elle avait autrefois appartenue devait être très soigneuse. Une grande quantité de vêtements de rechange et d'accessoires étaient également rangés dans la malle. Ils portaient tous une petite étiquette brodée à la main sur laquelle on pouvait lire : Anastasia. J'en conclu que c'était le prénom de la poupée. Je m'empressai de redescendre pour montrer ma découverte à ma mère, qui me permit de garder la poupée. J'étais plus que ravie. Je n'en avais jamais eu d'aussi belle, et à partir de ce moment, Anastasia et moi devînmes inséparables. Elle m'accompagnait partout où j'allais. Je l'adorais et je lui parlais comme à une amie. Parfois, j'avais même l'impression qu'elle m'écoutait et me comprenait telle une vraie personne. Comme j'étais fille unique et que je n'avais pas encore d'amis dans le quartier, Anastasia était comme une petite sœur, pour moi, et je la traitais comme une véritable petite fille. Ma mère s'en agaçait, pensant que je me renfermais sur moi-même en passant tout mon temps à la maison avec ma poupée. Elle m'encourageait à sortir et à jouer avec les enfants des maisons voisines, mais je n'en avais pas très envie. De plus, quand ils me voyaient avec ma poupée, ils s'éloignaient et refusaient de jouer avec moi. Je ne comprenais pas pourquoi ils se comportaient ainsi. Anastasia était si belle et si gentille. Elle était plus qu'une poupée, pour moi. Je la considérais comme une personne à part entière.

Aussi, quand elle commença à me répondre quand je lui parlais, tout d'abord par des hochements de tête, puis avec une petite voix angélique, je me dis que mon vœu qu'Anastasia devienne réelle était en train de se réaliser. Mais je ne savais pas qu'en émettant ce souhait, j'avais réveillé la chose enfouie à l'intérieur d'Anastasia, une chose qui n'avait rien d'angélique.

Je m'en rendis compte lorsqu'elle commença à devenir cruelle et à me demander de commettre des méfaits. Je ne lui obéissais pas, bien sûr, mais je compris peu à peu qu'Anastasia était une méchante poupée. Elle s'animait de plus en plus, et je commençais sérieusement à regretter mon vœu. J'avais peur d'elle, à présent. Elle me racontait des histoires effrayantes sur sa vie humaine, car oui, d'après ce qu'elle me disait, avant d'être piégée à l'intérieur de cette poupée, elle était une femme de chair et de sang, et elle n'était pas très gentille. Je ne comprenais pas que plus j'entretenais ces conversations avec elle, plus elle devenait forte et puissante.

Une nuit, je la vis au pied de mon lit, mais ce n'était plus ma poupée, c'était une vieille femme laide et effrayante. Je poussai un cri strident qui réveilla mes parents. Quand ils arrivèrent dans ma chambre, il n'y avait plus personne, mais je leur racontai ce que j'avais vu. Bien sûr, ils me répondirent que j'avais sûrement fait un cauchemar.

Étrangement, le lendemain, ma poupée semblait être une poupée tout à fait normale. Elle ne parlait plus, ne remuait plus. Anastasia s'en était échappée. C'était ma faute, et j'avais peur de ce qu'elle allait faire, à présent.

Quelques jours passèrent, et Anastasia se fit discrète. Ma poupée, quant à elle, était de plus en plus pitoyable. Ses cheveux tombaient, ses vêtements étaient en lambeaux, et sa peau et ses yeux se décoloraient peu à peu. J'avais peur de ce qui se passerait quand Anastasia se manifesterait de nouveau. Mais je me disais qu'elle était peut-être partie, après tout.

Jusqu'à ce qu'elle apparaisse au beau milieu du salon un soir. Mes parents la virent, cette fois, et ils furent obligés de me croire.

À partir de là, notre vie dans la maison devint un véritable enfer. Anastasia ne cessait de nous tourmenter et de nous effrayer. Elle lançait des objets sur nous et faisait bouger nos lits. Nous ne dormions plus. La maison était sans cesse en désordre, et il y régnait un chaos permanent.

Un soir, Anastasia fit tomber ma mère dans les escaliers. Elle ne fut pas grièvement blessée, mais mes parents décidèrent qu'il était temps que tout cela cesse.

Le lendemain, à la première heure, nous quittâmes la maison avec seulement quelques affaires, laissant toute notre vie derrière nous. Mes parents revendirent la maison et nous n'y mîmes plus jamais les pieds. Nous n'entendîmes plus jamais parler d'Anastasia, mais des années plus tard, en me baladant dans un vide-grenier, je tombai sur un vieil album photo. Je le feuilletai, et sur l'une des pages, je vis le portrait d'une femme dont le visage m'était familier. Sous la photo, il était écrit : Anastasia Kurski épouse Berlinski. Je la reconnus immédiatement. J'achetai l'album, ainsi qu'une boite qui était vendue avec, et après l'avoir entièrement exploré, j'appris qu'Anastasia Berlinski était la femme de mon arrière-arrière-grand-oncle. Je fis quelques recherches, et je découvris que de son vivant, elle avait pratiqué le satanisme et le vaudou, et qu'elle était morte dans des circonstances très étranges.

Je compris donc que l'esprit qui hantait ma poupée et ma maison quand j'avais dix ans était celui de cette femme malveillante et malfaisante. Je me dis alors qu'en quittant cette maison, nous avions échappé au pire. Mais un peu plus tard ce jour-là, j'ouvris la boite qui accompagnait l'album, pensant y trouver d'autres photos, mais la vérité était toute autre. À l'intérieur de cette boite se trouvait une poupée qui ressemblait trait pour trait à celle que j'avais trouvée dans ma maison vingt ans plus tôt. Et sur sa robe était cousu une étiquette brodée à la main sur laquelle on pouvait lire : Anastasia.

Esprit, es-tu là? (Recueil de nouvelles)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant