L'homme du tableau

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Je m'appelle Shelby Patterson, et je vis à Bâton-Rouge, en Louisiane. Il y a une dizaine d'années, lorsque j'étais encore étudiante, je vivais dans un appartement du centre-ville. Un jour, mon meilleur ami, Noah, m'appela pour me dire qu'il venait de rompre avec sa petite amie et qu'il était à la rue. Je lui proposai donc d'emménager chez moi. Il y avait deux chambres et suffisamment de place pour deux. Il vint donc s'y installer et nous devînmes colocataires. La cohabitation se passait très bien entre nous. Noah et moi nous connaissions depuis l'école primaire et étions depuis lors inséparables. Tout se déroulait donc à merveille, jusqu'au jour où un événement des plus étranges et des plus terrifiants vint bouleverser nos vies.

C'était une soirée ordinaire et je sortais de mon bain. Je me dirigeai vers ma chambre pour y prendre des chaussettes, lorsqu'en passant dans le couloir, j'eus une vision qui me glaça le sang. En effet, sur l'un des murs de ce couloir se trouvait un tableau représentant un homme, et je vis tout à coup une silhouette sombre en sortir et se diriger vers ma chambre située juste en face. Je poussai un cri d'effroi, et Noah, qui se trouvait dans le salon, se précipita dans le couloir pour voir ce qui se passait. Il me trouva en pleurs, tremblant de tous mes membres, complètement terrorisée. Il me demanda alors ce qui m'était arrivé, et je lui racontai ce que j'avais vu. Il me prit tout de suite au sérieux. Il était à moitié cajun et avait de nombreuses croyances. Une fois un peu remise de mes émotions, il m'accompagna jusqu'à ma chambre qu'il inspecta minutieusement à la recherche de la moindre silhouette fantomatique, mais bien entendu, il n'y avait plus personne. Il me proposa alors de dormir avec moi pour me rassurer, mais je lui dis que ce n'était pas la peine. Au fond de moi, j'étais complètement terrorisée, mais étant une fille rationnelle, contrairement à Noah, je me disais qu'après tout, j'étais peut-être restée trop longtemps dans mon bain, et la vision que j'avais eu était peut-être une hallucination liée à la fatigue. Cependant, je ne réussis pas à fermer l'œil, cette nuit là.

Le lendemain, je me levai exténuée par cette nuit blanche, et je trouvai Noah dans la cuisine en train de préparer le petit-déjeuner. Il me confia que lui non plus n'avait pas beaucoup dormi, et qu'il avait beaucoup réfléchi. Il me demanda alors où j'avais eu ce tableau, et je lui répondis que je l'avais trouvé dans le grenier de ma grand-mère six mois plus tôt, alors que je cherchais de la déco pour l'appartement. Ce tableau m'avait plu et ma grand-mère avait accepté de me le donner. Noah me demanda si je savais où ma grand-mère l'avait eu, et je lui répondis que je n'en savais rien. Il me conseilla alors de lui rendre visite pour lui poser des questions, et je décidai de me rendre chez elle dès le lendemain. Je filai ensuite en cours, accompagnée de Noah.

Le soir venu, Noah et moi dinâmes et regardâmes une série à la télé. Au bout d'un moment, le rideau situé juste en face de nous se mit à bouger, puis à se soulever, et enfin, nous distinguâmes une silhouette, comme si quelqu'un était caché sous le rideau. De plus, il commença à faire très froid dans la pièce, à tel point que de la buée nous sortait de la bouche. Noah se leva pour aller voir, mais une fois de plus, il n'y avait personne. La fenêtre était verrouillée, et quand bien même, il n'y avait pas un brin de vent dehors. Noah commença vraiment à s'inquiéter. Il était de plus en plus convaincu qu'un fantôme hantait notre appartement, et qu'il avait un rapport avec le tableau du couloir. Quant à moi, même si je ne croyais pas vraiment à toutes ces choses, je commençais vraiment à me poser des questions.

Le lendemain après-midi, je me rendis donc chez ma grand-mère comme je l'avais prévu. Nous nous installâmes dans le salon avec une tasse de thé et des biscuits, et nous commençâmes à discuter de tout et de rien, puis je me mis à lui parler du fameux tableau, sans faire allusion aux phénomènes étranges qui avaient lieu chez moi. Je lui demandai où elle l'avait eu, et elle me répondit qu'il était dans la famille depuis des siècles et qu'il se transmettait de génération en génération. Elle me confia que l'homme représenté sur ce tableau était l'un de nos ancêtres et qu'il s'appelait James Caldwell. D'après ma grand-mère, c'était un homme extrêmement riche qui possédait une propriété immense, et l'une des plus grandes plantations de canne à sucre de la région durant la guerre de Sécession. Apparemment, c'était un homme cupide et très cruel qui traitait son entourage et ses employés comme des moins que rien. C'était un véritable esclavagiste et il était détesté de tous. Toujours d'après ma grand-mère et ce qu'elle avait entendu de la bouche de sa propre grand-mère, James Caldwell avait eu une liaison avec l'une de ses esclaves, une véritable artiste. C'était elle qui avait peint le portrait de James. Il avait profité d'elle et de ses charmes, puis s'étant lassé, il la chassa. Pour se venger, et selon ce qui se murmurait à l'époque, elle avait jeté une malédiction sur son ancien amant et sa plantation. C'est alors qu'en l'espace de quelques mois, il avait été complètement ruiné. Sa femme l'avait quitté en emmenant les enfants, et lui avait fini par devenir à moitié fou. Il avait été retrouvé mort dans un champ près de la maison de son ancienne maîtresse et esclave. Le bruit disait que ce jour-là, James serait venu la supplier de lever la malédiction. Apparemment, elle n'avait pas accédé à sa requête, ce qui l'avait mis dans une rage folle, et il était mort d'une crise cardiaque sur le chemin du retour. C'est tout ce que ma grand-mère savait, mais c'était bien plus que ce à quoi je m'attendais.

Esprit, es-tu là? (Recueil de nouvelles)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant