Les Faucheurs II - Maléfice Lunaire

Chapitre 13. I.

« Toc, toc.
— Qui est là ?
Le petit Chaperon rouge, qui entendit la grosse voix du Loup, eut peur d'abord, mais, croyant que sa mère-grand était enrhumée, répondit :
— C'est votre fille, le petit Chaperon rouge, qui vous apporte une galette et un petit pot de beurre, que ma mère vous envoie.
Le Loup lui cria en adoucissant un peu sa voix :
— Tire la chevillette et la bobinette cherra.
Le petit Chaperon rouge tira la chevillette, et la porte s'ouvrit. »

Le petit chaperon rouge, Charles Perrault.

*

Pour les faucheurs, les nuits étaient souvent sans rêves ni cauchemars. Comme si leurs esprits, conscients que ce monde d'illusion qu'était le monde onirique pouvait représenter un danger, cherchaient à s'en préserver. Ainsi, malgré son endormissement paisible et profond, le petit chaperon rouge ne rêvait jamais. Hyperactive, lorsqu'elle sombrait dans le royaume de Morphée c'était d'un sommeil si lourd que rien ne pouvait le troubler.

Hormis les souvenirs. Les souvenirs sanglants d'une vie mortelle censée être oubliée. Mais les faucheurs n'oubliaient jamais vraiment...

Lorsque Scarlett se réveilla, elle se sentait bien, confortable et sereine. Le soleil levant la réchauffait de ses rayons délicats qui se perdaient sur sa peau. Mais ce n'était pas au soleil que la jeune femme devait la félicité dans laquelle elle baignait.

C'était plutôt dû au fait qu'elle avait émergé de l'inconscience du sommeil dans les bras grands et solides du géant roux, qui avait repris forme humaine et qui dormait, blotti contre elle. Elle lui tournait le dos mais elle le sentait tandis qu'il la serrait contre lui, un bras jeté par-dessus sa hanche, l'autre sous sa tête et surtout, son immense poitrail collé à son dos. Elle avait l'impression d'être une peluche humaine dans les bras de Lowell qui la tenait avec ferveur et douceur, le nez enfoui dans sa chevelure blonde.

Une des mains de Lowell s'était perdue son le ventre de la jeune femme, là où sa chemise s'était légèrement relevée, et sa peau contre la sienne brûlait d'une façon presque trop agréable. L'immortelle ne put s'empêcher de soupirer. Sa respiration s'était faite erratique bien qu'elle tentait de la calmer pour ne pas se trahir. Elle avait chaud, très chaud. Et pourtant, c'était une chaleur dont elle ne voulait pas se débarrasser. Au contraire, elle voulait s'y complaire, s'en imprégner. Elle brûlait de se retourner, de le voir, de l'admirer et qui sait, de peut-être caresser les traits si rudes du visage du mortel maudit. Mais paradoxalement, elle craignait que le moindre mouvement rompe le charme du moment. Son cœur battait à rompre dans sa poitrine et son sang pulsait difficilement dans ses veines.

Cela ressemblait bien trop à du désir.

Un désir que ressentait également Lowell ayant émergé du sommeil à son tour. Tous ses muscles lui étaient douloureux, rappel de la nuit en tant que monstre qu'il venait de passer. Mais cette douleur n'était rien comparée à la sensation de tenir dans ses bras la jeune femme. Il se sentait humain, ainsi. Humain et surtout bien. Il n'avait pas été aussi bien depuis des années. Pour la première fois, il avait l'impression d'atteindre un tel bonheur que cela lui était douloureux. Aussi douloureux que le fait d'être blotti contre la sublime créature sans pourtant pouvoir laisser libre court à son désir.

Soudain, il se décala, effrayé par tout cela, se relevant et reculant de quelques pas. Ses yeux étaient écarquillés de stupeur tandis qu'il observait la blonde encore étendue au sol. Il ne pouvait pas voir son visage mais il sentait au fond de lui l'envie terrible de retourner se blottir contre elle. Malheureusement, les images de sa perte de contrôle lui revinrent en mémoire l'empêchant de céder à ses désirs. Il n'avait pas le droit. Il ne méritait pas. Il devait s'éloigner !