Les Faucheurs II - Maléfice Lunaire

Chapitre 6. II.

Les dormeuses étaient des sorcières capables de pénétrer dans les rêves des autres et de le modeler à leur guise. C'était un don extrêmement puissant et dangereux. Beaucoup des servantes de la Lune s'en étaient servies pour tourmenter et causer la folie chez leurs victimes.

Valentin avait tué de nombreuses sorcières. Parmi les différents pouvoirs qu'il avait récupérés de toutes ses diverses traques, des pouvoirs qu'il n'utilisait presque jamais, se trouvait celui des dormeuses. Il avait le don d'infiltrer les rêves de qui il désirait, qu'il soit à proximité ou à distance, à la condition que la personne concernée ne protège pas son esprit par des runes magiques.

S'asseyant dans on lit, il appela à lui un corbeau. La présence de son totem réchauffa le tatouage de l'oiseau sur sa poitrine dont les ailes s'étendaient jusqu'à ses épaules. Il caressa les plumes de l'animal. Sa présence lui permettrait de mieux la localiser. Prenant une grande inspiration, le jeune homme ferma les yeux, faisant appel à une magie bénie par la Lune.

Lorsqu'il ouvrit à nouveau les yeux, il se trouvait dans un paysage gris. Tout était gris, le ciel, le champ, les arbres au loin... Comme si un voile de brume s'était emparé du monde. Assis sur un grand rocher, Valentin observa ce paysage si familier.

Tant de gris, tant d'équilibre...

Enfin, son regard se posa sur une silhouette féminine : la propriétaire du rêve envahi. De longs cheveux gris que le jeune homme connaissait lisses et qui étaient pourtant ondulés cette nuit cascadaient sur les robustes épaules d'une femme. Ses traits, communs, étaient ceux d'une femme d'un peu moins d'une trentaine d'années alors qu'elle en avait bien plus. Quant à ses yeux, ils étaient d'un gris aussi vif que l'argent de la chaîne qu'elle portait autour de son cou. Les lèvres fines étaient étirées en un sourire qui réchauffa le cœur de Valentin.

Elle n'était pas belle, elle n'était plus aussi jeune, elle n'était plus immortelle. Mais c'était Gretel.

La jeune femme avait vieillis depuis la dernière fois maintenant que le Temps avait repris sa course pour elle. C'était un don de la Mort. Une fois que la Faucheuse avait tué son frère, empêchant l'avènement du mal, la déesse l'avait récompensé par une nouvelle vie en tant que mortelle. Elle les avait récompensé puisque Hansel était également en vie, aux côtés de sa sœur. Pourtant, cette nuit, elle était seule en compagnie du faucheur qui l'admirait, la tête rejetée en arrière tandis qu'elle le dépassait – lui assis, elle debout. D'une voix rauque, elle murmura :

« Bonsoir Valentin.

— Bonsoir, ma belle.

— Cela faisait longtemps que tu n'étais pas venu durant mes rêves.

Il ne répondit pas. Au lieu de cela, il attrapa les hanches de la jeune femme et l'attira à lui pour la serrer contre lui, posant se tête contre le ventre plat. Avec douceur, Gretel caressa les cheveux bruns du faucheur. Le tueur de sorcière ferma les yeux un instant, se laissant aller à un élan de faiblesse. Il avait besoin de souffler, de laisser tomber le masque. S'il n'aimait plus la jumelle comme auparavant, elle restait la seule personne avec qui il ne s'était jamais montré aussi honnête.

— Tu sais que je t'adore Val, mais ça ne te ressemble pas d'être aussi...

— Faible ?

Il releva la tête, plongeant dans ses yeux bleus dans ceux, gris de l'ex faucheuse qui cherchait ses maux.

— Aussi soucieux, le corrigea-t-elle. Que se passe-t-il ?

— Depuis que vous êtes partis, ton frère et toi, le monde semble marcher sur la tête.

— Il le fallait bien. Ton père... n'aurait pas accepté de nous libérer.