Maladie.

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Il a une boule au ventre, une envie de vomir. Il est allé voir un psychiatre. Comme l'a dit Mio. Il adore Mio. Il la chérit, il ne peut pas vivre sans elle à ses côtés, il en est certain. Après s'être énervé contre elle lorsqu'elle a émis cette hypothèse, il a regretté. Tellement regretté. Autant qu'après l'avoir frappée, la première fois. Et maintenant ? Il attend le verdict de la jeune femme en face de lui, celle qui est censée l'aider et l'éclairer. C'est son métier après tout. Elle appelle sa mère. Le jeune homme serre les poings. Si elle veut voir sa mère... C'est grave ?  

- Mademoiselle, j'ai réfléchi quant à votre fils...

Tout de suite, Tao perd le fil. Que ce soit en cours, devant un film, un jeu, ou quand quelqu'un parle... Il n'arrive plus à se concentrer. Ses notes ont encore chuté. Il perçoit des bribes de mots, des passages intéressants. Mais ce n'est que du blabla. Des formalités. Des trucs pour dire qu'il va bien et que ce n'est pas grave, que c'est quelque chose à accepter, qu'il a besoin d'être entouré. Pourquoi ne pas en venir directement au fait, dire qu'il est mal, qu'il va mal, que quelque chose ne marche pas dans sa tête ? Il hausse les épaules et sort l'aiguille stérilisée qu'il garde toujours dans sa poche, et sa bobine de fil à coudre rouge. Ses meilleurs amis du moment. Comme d'habitude, comme des dizaines de fois avant, il enfonce l'épine dans sa peau blanche, la ressortant lorsqu'il voit le sang couler. Ça pique. Tao esquisse un sourire. 

- Tao...?

Tao sent le regard de la psychiatre sur son bras, recousu sur toute la longueur avec le fil écarlate, alors qu'il ne s'est jamais blessé. Il ne relève pas les yeux de son travail, il balance les pieds sous sa chaise. Il coupe le fil et fait un nœud après un énième point de suture. 

- C'est artistique. 

Il sent la surprise désagréable, le malaise, le dégoût suinter des murs. Encore une fois, il n'écoute pas. Ça ne l'intéresse pas. Il n'a pas envie de savoir, il a peur de savoir. Il sait que cette femme qui ne sert à rien va lui demander depuis combien de temps il fait ça, et pourquoi. Il soupire avant qu'elle ne pose la question. Ou bien elle l'a déjà fait, mais il ne s'en est pas rendu compte. 

- Je fais ça depuis deux semaines, quand je suis allé voir Mio à l'hôpital. Pourquoi ? Ça occupe, je suis calme quand je fais ça, ça fait du bien, et personne y a pensé. C'est tout.

~~~

Vint l'année des quinze ans. Normalement, quinze ans, c'est quand même un âge important, on mûrit beaucoup d'un coup, la plupart des garçons commencent leur ascension vers le jour où ils seront des hommes. Pour Tao, les quinze ans, ce n'est pas comme ça. Les sorties entre amis, les soirées sympas, les nuits blanches passées à regarder des films avec les potes. Tout ça, il ne connaitra pas, ça s'est détruit avant même d'exister. 

- Tao, tu es malade.

"Malade". Il le sait déjà qu'il est malade. Depuis qu'il est né, il est malade. Il ne peut pas rester trop longtemps au soleil, il ne peut pas regarder trop longtemps un un écran, il ne voit pas bien, il est pâle comme un mort. Il le sait déjà. Mais sa mère lui parle d'autre chose. Comme si ça ne suffisait pas. Ce qu'elle veut lui dire, c'est qu'il est malade dans sa tête. Il s'énerve trop vite, se vexe trop vite, blesse trop vite, n'importe quoi, n'importe qui. A commencer par lui-même. Il est angoissé, il a du mal à dormir, il n'a plus le niveau dans son collège. Pourtant, il est gentil, il le sait qu'il l'est. Il est trop sensible, c'est tout. Bien trop sensible. Il a l'impression qu'il ne vaut plus le coup, que Mio va le laisser tomber. Et sa mère aussi. Il n'est pas assez bien. On lui a expliqué que c'est normal qu'il se sente comme ça, que c'est dû à sonpetit problème. Tout de même.

- Tao je... Je suis désolée... Le proviseur veut t'exclure du collège, et je n'ai pas assez d'argent pour te payer une école privée... Les écoles publiques sont trop loin... Même sans avoir à payer l'école, j'ai du mal... J'ai trouvé un pensionnat, pour toi, mon chéri. Ce n'est pas loin, enfin pas trop... Si je trouve l'argent, j'irai emménager à côté. Je te promets... 

Elle n'a pas besoin de se justifier ou de s'excuser, il ne l'écoute plus. 

It will get better. [FRENCH]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant