Prologue, interface.

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- Votre fils n'est pas facile à cerner, mademoiselle. Je veux dire... il n'est pas dérangé, oh, pas du tout. Il a juste... un léger problème, vous comprenez ?

Bien sûr qu'elle comprend. Mais il va très bien, son adorable Tao. Elle se tourne d'ailleurs vers lui, le grand garçon qu'elle chérit tant. Comme d'habitude il ne semble pas trop se soucier de ce qu'il se passe. Il est concentré sur l'aiguille stérilisée qu'il enfonce dans sa peau blanche, pour finalement la ressortir de l'autre côté, traçant des sillons de fils rouges sur son avant-bras. Elle sait bien qu'il peut sembler un peu bizarre... Avec ses soudaines sautes d'humeur, son instabilité quant à ses relations, ses passe-temps qui donnent l'impression qu'il est masochiste, ou tout simplement sa chevelure dépigmentée, et ses yeux rouges. Pour elle, il reste le plus beau adolescent au monde. 

- Je disais... Vous voyez... Soyons clairs... Votre fils à un trouble grave de la personnalité... vous comprenez ?

Enfin, il réagit. Il relève la tête et fixe la psychiatre de façon indéchiffrable. Celle-ci semble tellement gênée. Elle finit par murmurer qu'il devrait sortir, le temps qu'elle explique à sa mère quelque chose de très important. Il quitte la pièce en traînant les pieds et en sifflotant.


Le problème de Tao, c'est sa personnalité borderline. Et ce serait bien beau, de pouvoir dire que chaque individu est unique, qu'on peut toujours décider qui on est, que ce sont nos choix qui font notre être... Mais le jeune homme, lui, n'a pas le choix. C'est ce problème qui dicte presque totalement sa façon d'agir et de penser. Le plus simple, pour décrire quelqu'un comme lui, serait plutôt tout d'abord de parler des symptômes, ces trucs chiants qui lui ont pourri la vie quelques mois avant qu'il ne soit diagnostiqué, alors qu'il avait une quinzaine d'années. 

Tout d'abord, commençons par le plus simple : Tao est instable. Incapable de rester calme quand quelque chose lui déplaît, incapable de rester souriant quand quelque chose ne va pas, incapable de rester neutre quand il se sent heureux. Il vit, respire, ressent tout à l'excès. Incapable de se contrôler. Il peut cacher ses émotions exacerbées, ou tenter de penser à autre chose... Il y arrive plutôt bien d'ailleurs. Le problème, c'est que lorsqu'il contient tout, ça doit sortir. 

Le recours, dans ce cas là, c'est la violence. La violence de l'auto-mutilation, des pulsions auto-destructrices, et même la violence à l'égard des autres, parfois. La psychiatre a dit que c'était "normal", que c'était "sa manière à lui de décharger son anxiété", et qu'il n'y avait pas grand chose à faire contre ça. Dommage. C'est triste, hein ? Pourtant, le jeune homme n'est ni du genre dépressif, ni du genre suicidaire. Cette façon de se comporter, ça lui parait totalement naturel. C'est pour ça, d'ailleurs, qu'il se retrouve souvent occupé avec une aiguille et du fil. Il ne se blesse presque jamais, mais se recoudre la peau, ça lui fait "passer le temps", et ça fait mal, alors ça fait du bien.

L'autre majeur problème de Tao, mis à part le comportement déviant dû à ses émotions beaucoup trop frénétiques, c'est ses difficultés à communiquer avec les autres. Il peut se faire des amis ou discuter avec les gens comme en serait capable n'importe qui. Mais tout ça se complique lorsqu'il se rapproche vraiment à quelqu'un. Il ressent alors une angoisse irascible, la peur de perdre l'être cher ou d'être laissé à l'abandon. Cela n'a pas toujours des effets néfastes, puisque ça le pousse le plus souvent à faire de son mieux pour être adoré, chéri, sans aucune pensée mégalomane ou narcissique. Dans un sens, il fait toujours son maximum pour être adorable, pour se sentir "assez bien pour eux".

Oui, car le petit Tao n'est pas pessimiste. Il n'est pas quelqu'un de triste. Il est gentil comme tout, souriant, sensible, attachant. Simplement, son trouble implique forcément les problèmes de confiance, les pulsions dangereuses, les sautes d'humeur très courantes... Parfois, il est dans son monde, et parfois, il a juste besoin de tout faire, très vite, trop vite pour que les autres puissent suivre. Parfois, on pourrait le prendre pour un fou complètement maniaque. Parfois, c'est une sorte de gamin, avec un peu de maturité et la conscience de la réalité en plus. Il n'a pas de mal à s'attacher aux gens, mais beaucoup de difficulté à les laisser ensuite. 
Il a une âme d'artiste, aussi, Tao. Il aime dessiner. Il aime lire. Il aime peindre et écrire. Surtout écrire. Même sa façon de se faire du mal, il appelle ça de l'art. 


Il aime bien prendre soin de lui, Tao. Paradoxalement, il arbore un style plutôt négligé. Son uniforme, il le porte en boudant, sans le défroisser ou l'enfiler correctement. Oui, Tao donne l'air nonchalant, parfois. 

Parce que nonchalant, je-m'en-foutiste, c'était son caractère à la base. Avant que ses émotions ne se mettent à exploser toutes en même temps, et sans prévenir.

It will get better. [FRENCH]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant