La bonne éducation est une religion universelle
Nabil Alami
De nombreuses saisons passèrent après ce drame. Elvira avait, en apparence, surmonté son désespoir et gérait à nouveau la maison et l'éducation des enfants. Diego s'impliquait toujours plus dans le fonctionnement du domaine au grand plaisir de son père. Il l'accompagnait dans toutes les tournées quand il n'était pas retenu à la maison par le précepteur qui les faisait travailler Salvador et lui.
L'école étant à plusieurs lieues du domaine, cette solution avait été choisie dès le départ par Elvira pour éviter que ses fils ne fassent de longs trajets quotidiens. Elle avait embauché un précepteur en lui proposant un bon salaire et un logement sur place, contre l'enseignement pour leurs deux enfants. C'était un privilège car il était difficile de trouver des professeurs disponibles et compétents dans toutes les matières.
Toutes les écoles étaient dirigées par le clergé et l'enseignement était dispensé essentiellement par des religieux et de rares civils. Elvira regrettait beaucoup que le précepteur ne soit pas en mesure de leur procurer aussi un enseignement religieux. Elle avait donc décidé de prendre en charge cette formation une fois par semaine.
Physiquement bien remise des épreuves passées, elle s'occupait de cet enseignement, même si elle semblait éprouver plus de difficultés à s'y investir qu'avant.
Elle allait de temps en temps parfaire ses connaissances en consultant le curé du village le plus proche, Padre Alvaro. Bien sûr, elle connaissait les bases pour les avoir apprises elle-même dans l'institution religieuse où elle avait étudié, mais parfois elle avait du mal à répondre aux questions de ses enfants.
— Madre, pourquoi la fête de Pâques ne tombe jamais le même jour ? demandait Salvador.
— Madre, pourquoi y a-t-il un Esprit Saint dans la Sainte Trinité ? Quel est celui qui a l'esprit sain ?
— Pourquoi trois et pas quatre avec la Sainte Vierge ?
Les réponses à ces questions qui ne manquaient pas de piquant, ne venaient pas facilement à Elvira. Pourtant, elle ne laissait jamais ses enfants sans explication même s'il était nécessaire pour cela de différer le moment de leur donner ses réponses.
— Je ne peux pas vous expliquer clairement aujourd'hui mais je vous promets de vous donner la réponse très rapidement.
Les fois où elle rencontrait Padre Alvaro, Elvira lui faisait part de son désarroi après le décès de sa petite fille. Il tentait de la réconforter pour qu'elle reprenne le dessus et essayait de lui faire comprendre qu'elle n'était pas responsable de cette perte. Le temps passa mais elle ne se remit jamais de ces bleus à l'âme et ne refit jamais réellement surface.
En grandissant, les enfants rechignèrent à continuer leur instruction religieuse. Leurs parents voulant les éduquer en bons chrétiens, ils passèrent néanmoins par toutes les étapes de ces enseignements, faisant leur communion et servant à la messe pendant une courte période.
Diego avait une amie de son âge, Isabel et c'était à l'église qu'il la retrouvait de temps en temps après la messe. C'était la fille d'un employé du domaine et lorsqu'ils étaient plus jeunes, ils avaient beaucoup joué ensemble. Sans trop savoir pourquoi, sa compagnie lui manquait. Elle aussi semblait avoir plaisir à le rencontrer et ils imaginaient chaque fois un moyen pour se retrouver discrètement.
Diego se proposait toujours pour la quête à l'église. Il profitait surtout du laps de temps pendant lequel il passait par la sacristie, après la quête, pour s'éclipser un moment dehors. Isabel sortait alors discrètement et ils se retrouvaient sur le côté de l'église pour qu'on ne puisse pas les apercevoir ensemble. Ils avaient grandi maintenant et leurs parents ne voulant plus qu'ils jouent ensemble comme avant, ces moments volés étaient les seuls instants où ils pouvaient partager un peu de leur complicité d'enfant.
Aucun des deux ne comprenait leur besoin de se rejoindre à l'insu de leurs parents. Eux-mêmes devenus plus grands, ne comprenaient pas pourquoi fréquenter ses amis d'enfance pouvait tant déranger leurs parents respectifs.
Le temps qui allait passer leur apporterait, plus tard, la réponse et celle-ci n'allait certainement pas leur faire plaisir.
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La promesse de nacre (Sous contrat d'édition)
Fiksi SejarahRESUME Peut-on imaginer une vie plus heureuse que celle que l'on passerait entre collines et mer, vignes et champs d'agrumes et à côté de la personne que l'on aime ? - Evidemment, répond mon cœur - Bien sûr que non, me dit la raison ! A la fin du 19...