Chapitre 2 - Présence

1.9K 94 14
                                    

Finalement, j'arrivai sans trop de problèmes à traire les deux vaches de Marine. Cette dernière apparut d'ailleurs à la seconde où j'eus fini. Elle se dit satisfaite et me laissa son lit. « Je te laisse dormir jusqu'à vingt et une heure », me dit-elle. « Je te prépare des vivres. »

Je me roulai en boule dans les vieilles couvertures de la vieille dame et après un dernier regard sur le ciel bleu qui commençait à s'étendre, je m'endormis.

La femme vint me réveiller au crépuscule. Me glissant mon sac rempli de nourriture, elle dit :

- Là-dedans, vous avez assez pour dix jours, et si vous faites attention, peut-être même pour quinze. J'ai ajouté une seconde gourde. Et une tenue de rechange. J'espère que vous arriverez à Eel avant septembre. Après, il commencera à pleuvoir et ce serait embêtant.

Je me rendis alors compte de sa générosité. Des vivres pour deux semaines représentaient un coût non négligeable ; et les gourdes valaient très cher. Elle ne m'avait demandé de traire ses vaches que pour que j'aie l'impression de ne pas recevoir sans donner. C'était une femme bonne, comme on en voit peu à Drenya.

Les Eelyens sont-ils aussi comme elle ?

- Merci beaucoup.

J'essayais de faire passer un maximum d'émotions dans ces remerciements. Nous ne nous étions pas rencontrées depuis peu, mais j'avais l'impression de m'être fait une amie.

- Faites attention dans la Forêt Sauvage. On y fait de mauvaises rencontres. Surtout la nuit.

La nuit était mon élément. Je n'avais pas peur.

Nous sortîmes sur le perron. Le soleil n'était plus qu'une vague tache à l'horizon.

- Adieu Marine, chuchotai-je.

- Au revoir, Kat. Bonne chance.

Elle me regarda partir, sans expression. J'eus un dernier regard pour elle avant de m'élancer vers le sentier rocailleux.

*****

J'étais partie de Drenya en sandales de cuir. Dans le désert du Bokass, je les avais enlevées, car je détestais avoir des gravillons entre mon pied et la semelle ; marcher sur le tapis fraîchi par la nuit, c'était comme être sur une plage de sable fin, mais avec la peur de trébucher sur un serpent ou un scorpion. Heureusement, mes yeux voyaient plus facilement dans le noir qu'au jour, et j'arrivais sans mal à m'enfuir devant une désagréable bestiole.

Quand finalement j'étais arrivée à la fin du désert, après seulement une semaine de marche nocturne (qui n'était pas si difficile à traverser quand on avait de bons pieds) j'avais trouvé les Montagnes Concassantes et continué vers le Nord. Là, je fus forcée de remettre mes chaussures, mais ça ne servit pas à grand-chose : en à peine trois jours elles furent réduites en lambeaux.

Les pierres tranchantes des chemins me cisaillaient la plante des pieds, mais j'ignorais la douleur comme on ignore avec agacement les pleurs d'un bébé. Et je marchais, encore et toujours ; je grimpais, escaladais, trébuchais, jusqu'à ce que mes pieds s'habituent et deviennent plus résistants.

Après le passage du sang, les blessures se refermèrent petit à petit. Jusqu'à ce que je tombe sur le petit chalet montagnard. De la compagnie, de la nourriture et une vraie journée de sommeil.

Enfin, je sortis des montagnes. Une fois le dernier rocher passé, je pus apercevoir une grande forêt sombre et repoussante, qui en mettrait plus d'un mal à l'aise. Les arbres étaient anormalement hauts ; même s'il faisait nuit, je trouvais l'endroit trop noir. Heureusement que je voyais dans l'obscurité... En souriant, je m'aventurais dans ce bois appelé la Forêt Sauvage.

Illusoire [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant