Chapitre 1 : douze ans plus tôt

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     Il avait toujours gardé le regret de ce jour là. Parfois, il se demandait encore pourquoi il n'avait pas agit quand tout lui disait de le faire.


     À cette époque, il venait tout juste d'obtenir sa licence et on lui avait déjà fait plusieurs offres pour travailler dans différentes agences. Il savait que la fin du lycée marquerait des séparations avec ses amis mais comme ils restaient tous dans le coin, il s'était dit qu'ils auraient encore l'occasion de se voir régulièrement. Enfin, pour ceux de sa filière. Il avait oublié de compter Kanjiko dans ce calcul, elle qui était issue de générale. En même temps, sur toute leur dernière année de lycée, elle ne lui avait pas vraiment parlé de ses projets. Il savait qu'elle voulait étudier la médecine, mais sans évoquer d'université. Alors il s'était naïvement imaginé qu'elle resterait aussi en ville. Mais le jour de l'obtention des diplômes, ils en avaient finalement discuté et son cœur s'était serré.

« C'est génial qu'autant de héros s'intéressent déjà à toi !

- Oui... Enfin ça c'est juste jusqu'à ce qu'ils se rendent compte qu'en réalité, je ne vaut pas grand chose...

- Arrête de dire ça ! Tu vas cartonner, tu vas voir !

- Et toi, tu as obtenu tes concours ?

- Ah... Oui...

- Et tu as choisi quelle fac ? Huboshi ou Norikussa ?

- Ben... ni l'une, ni l'autre... » Elle avait commencé à regarder ses pieds, gênée. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle choisisse de s'éloigner de la ville, surtout que les universités d'ici avaient meilleure réputation que d'autres dans le pays. Peut-être une option qui avait attiré son attention.

« Ben alors, tu va étudier où ?

- C'est à dire que... Je ne vais pas rester au Japon... » Son cœur se serra. Il n'imaginait pas la voir partir. Il voulait rester près de ses amis.

« Et tu vas aller où ? demanda-il inquiet.

- Au Danemark... » En se figurant le pays sur une carte, son estomac se serra à son tour. C'était loin. Bien trop loin pour revenir même en période de vacances. Ce que ça présageait commença à l'angoisser.

« Ça veut dire qu'on ne pourra plus se voir qu'une fois dans l'an...

- Si je peux rentrer, oui... Mais les périodes scolaires ne sont pas les mêmes et avec les stages en interne... Je... je ne suis pas sûre de pouvoir revenir avant la fin de mes études. C'est à dire huit ans... » La boule dans son ventre se concentra davantage. Il s'en voulait de ne pas avoir prit le temps d'en parler plus tôt. Visiblement, ça faisait le même effet à la jeune fille.

« Je vois...

- ...

- Et tu pars quand ?

- Dans une semaine... » Ça acheva de le mettre au plus mal. Il ne lui restait que sept jours pour profiter du temps à passer avec son amie et c'était bien trop peu au vu des circonstances. Il ne s'imaginait pas ne plus la voir au quotidien.


..........


     La semaine suivante, il était à l'aéroport, devant les portiques d'embarquement. Elle fit des câlins à chacun de ses amis, salua de manière plus formelle son grand-père resté en retrait, et se prépara à s'en aller. Chacun y allait de son mot d'adieu.

« Fais attention là bas. En plus il y fait plus froid.

- Ne nous oublie pas surtout. Huit ans c'est long... Mais même avec le décalage horaire on peut trouver des moyens de se parler. »

     Lui, il restait silencieux. Il ne savait pas quoi dire. Ou plutôt, il se doutait que si il disait la moindre chose à cet instant, il déballerait tout. Et il ne voulait pas non plus finir sur une banalité. Alors il lui fit juste un dernier signe de tête. Quand elle disparut dans le couloir, ses amis se tournèrent vers lui. Bien que son corps gardait une attitudes décontractée, les mains dans les poches, l'air de rien, des larmes silencieuses coulaient sur ses joues sans qu'il puisse les retenir. Si il avait parlé, il n'aurait pu plus s'arrêter. Il n'aurait pas pu lui souhaiter bon voyage et bonne chance sans la prier de rester, d'accepter les offres des universités locales, de penser à l'enseignement à distance. Peut-être qu'il n'aurait pas pu non plus s'empêcher de lui dire qu'il ne voulait tout simplement pas qu'elle parte. Peut-être lui avouer ce qu'il avait sur le cœur et ce qu'il ressentait depuis plus longtemps. Qu'il s'en voulait maintenant de s'être répété qu'il avait tout le temps qu'il voulait pour trouver les mots et le bon moment pour lui en parler.  

Et douze ans après...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant