Chapitre 2 : Douze ans plus tard

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Pour faciliter la compréhension de certains éléments dans ce chapitre, je me permet de faire ici un petit point explicatif : l'alter de Kanjiko (l'OC) lui permet de scanner et identifier les émotions d'une personne en la touchant ou si elle est à proximité. Elle peut également transmettre ses propres émotions par toucher mais quand elle est embarrassée, gênées, fatiguée, stressée... cet aspect peut se déclencher malgré elle. Quand son alter s'active à propos de ses propres émotions, ses cheveux, habituellement blancs, se teintent selon ce qu'elle ressent.


     Franchement, à part une perte de temps, il ne voyait pas ce que cette entrevue pouvait bien être d'autre. Le directeur avait été interrompu par son secrétaire avant de pouvoir lui en dire plus sur le statu de la personne et les raisons de la rencontre, et depuis la matinée il n'arrivait pas à lui remettre la main dessus. Shota détestait ce genre de corvée mais malheureusement, il n'avait d'autre choix que de s'y plier. C'est bougon qu'il abandonna sa classe aux soins de N°13 pour prendre la direction de la salle de réunion. Il fut le premier sur place, en avance et n'avait qu'une hâte : que l'autre se ramène pour l'envoyer bouler le plus rapidement possible. Quelques minutes passèrent. Maintenant, le visiteur était en retard : quelle perte de temps !

« Désolée, je me permet. Désolée pour le retard. Bonjour » Il entendit la porte s'ouvrir et se refermer dans son dos et s'apprêta à lancer une remarque cinglante afin de signifier son agacement. Mais les mots restèrent coincer dans sa gorge quand il se retourna et son cœur rata un battement. Dans le regard de l'autre, il pouvait lire la même surprise que celle qu'il éprouvait à cet instant, comme si elle non plus ne croyait pas pleinement à ce qu'elle avait devant les yeux. Les traits de la personne qui lui faisait face avaient bien changé mais gardaient quelque chose de semblable à ceux qu'il avait toujours connus. Des milliers de questions commencèrent à se bousculer dans sa tête, si bien qu'il ne savait par où commencer. C'est elle qui prit la parole la première.

« Désolée de débarquer à l'improviste. Comme je n'avais plus de quoi te contacter, je suis passée par le lycée. C'est le proviseur qui m'a proposé de venir aujourd'hui, comme je ne travaille pas. Je suis rentrée la semaine dernière mais entre le déménagement et la prise de poste, j'ai été un peu débordée. J'aurais aimé te contacter plus tôt, désolée... » Elle avait parlé d'une traite, avec une pointe de stress.

« Le déménagement ? demanda Shota en se raccrochant à cette information. Tu rentres pour de bon ?

- Oui. Enfin, pour le moment. En tout cas je reste au Japon maintenant. » Il ne savait comment continuer.

« Désolée de te déranger sur ton lieu de travail, reprit-elle prestement. Je vais te laisser mon numéro, comme ça si tu veux qu'on se voit, tu pourra m'appeler. Je vais y aller et te laisser retourner à tes affaires. » Elle passa près de lui pour poser une carte sur la table basse dernière et reprit aussitôt la direction de la porte. Toujours interdit par un tourbillon de questions, il ne savait pas ce qu'il devait faire. Il essayait de trouver une logique et une solution à ce qu'il se passait quand son corps agit pour lui. Avant qu'elle n'atteigne la porte, il l'a saisit par le bras pour lui faire faire volte-face et la serra contre lui. Il sentit une chaleur envahir son torse et remarqua la légère nuance rosée que prenaient les cheveux de la jeune femme. Mais il savait que ce qu'il ressentait était avant tout ses propres sentiments.

     Il repensa à ce jour, douze ans plus tôt, où il n'avait pas osé faire quoi que ce soit. À cet instant, il avait la possibilité d'effacer ses regrets, de mettre la situation au clair. Elle était de retour, pour de bon, et cette fois, il n'attendrait pas plus longtemps. Il passa une de ses mains à l'arrière de sa tête et se pencha vers elle. Mais d'une légère pression sur son torse, elle s'écarta de lui, brisant tout contact et retrouvant sa couleur de cheveux normale. Son visage cependant s'était teinté de rouge. Le sien aussi prit un air cramoisi. Comment avait-il put être aussi stupide ? Douze ans après, tout avait changé. Il ne pouvait pas reprendre comme si ils s'étaient quittés la veille... Il s'en voulut d'avoir été si présomptueux. Mais il sentit que son amie était troublée au-delà de son propre raisonnement. Elle ouvrit et ferma les lèvres à plusieurs reprises avant de finalement lâcher :

« Je suis fiancée. » Ces trois mots lui firent l'effet d'un coup imparable dans le ventre. La gorge serrée, il s'entendit dire :

« Félicitation » de manière machinale et s'en voulut aussitôt. Ce n'était pas ça qu'il voulait dire. Qui ? Pourquoi ? Comment ? Comme douze ans auparavant, il souhaitait la retenir. Mais cette fois, il n'avait plus aucune légitimité à le faire. Ils restèrent face à face dans le silence, gênés. Tous deux sursautèrent quand la porte de la salle s'ouvrit en grand.

Et douze ans après...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant