Yuta

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- La particule dans la phrase « 君はあれを見てる » est donc wa et wo, le premier utilisé pour... 

J'avais tout simplement choisie la facilité. J'étais plutôt bon élève sans plus, mais mes parents ne s'intéressaient qu'à ma moyenne. J'avais juste choisis japonais en langue principale. Ça m'évitait de bosser comme un bœuf tous les soirs, ce qui m'enchantait au plus haut point. Or j'en avais oublié l'ennui qu'était de passer un cours sur une langue déjà acquise depuis le berceau. Ma mère m'avait un jour expliqué que j'avais même d'abord appris le japonais avant le coréen. Je n'avais aucun souvenir de mon territoire natal. Pourtant j'y avais laissé cinq grosses années d'enfance, cela me chagrinait particulièrement. Aucun souvenir ne refaisait surface dans ma mémoire bourrée de chiffres et de connaissances, qui finalement ne me serviront en rien dans la profession que je voulais exercer dans le futur. Je me ressaisis soudain lorsque le coude de mon cher voisin atterrit sans pitié dans mes pauvres côtes, me faisant chuchoter avec méchanceté après m'avoir retiré brutalement de mon monde des songes: 

 -Putain Lucas ça fait mal !

 -Ouais désolé si j'suis musclé. Juste, tu peux m'expliquer le cours là ? 

 Je soufflais d'exaspération. Cet homme était un gars bien, je le savais. Il m'avait de nombreuses fois aidé pour des problèmes sociaux, ou mentales. Mais qu'est-ce qu'il pouvait être chiant ! Nous nous étions rencontré lors d'une soirée organisé par une fille du bahut. D'ailleurs, les circonstances dans lesquelles nous avons fait connaissances étaient peu commune, car contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, ce n'était pas sur la piste de danse qu'on s'était adressé, mais dans les minuscules toilettes de l'énorme villa, où nous nous étions suppliés jusqu'au petit matin de se laisser mutuellement la cuvette pour y vider nos tripes, due à la dose trop importante d'alcool présent dans notre flue sanguin. Le lendemain, nous nous étions réveillés dans cette même cabine, tous deux ausol dans un sale état, accompagné d'une migraine qu'on n'avait jamais expérimentés à ce point.

 -qu'est-ce que tu comprends pas ? Demandais-je avec une pointe de pitié amicale.

 -heuuu bah le cour quoi. Tout ! Prononçait-il avec fierté. 

 -Tu te fou de ma gueule ? Ah non, Lu, je peux pas t'aider là, flemme. Au pire va demander au blond au premier rang, là-bas, il a l'air grave à fond. Conseillais-je en désignant le bon élève de son fin index. 

 -Quoi ?! Mais c'est toi qui te fou de ma binette, c'est Kim Jungwoo que tu veux me coller au cul, là !

 J'avais déjà entendu parler de cet élève. D'après les rumeurs, cet élève était hors pair, une sorte de trésor mal détaillé de la nature. Il était interdit de parler à ce spécimen qu'était cet élève. Il était aussi connu pour sa sexualité. Lucas m'avais de nombreuses fois expliqué que cet homme était gay, et que jamais mon ami ne pourrait adresser la parole à un monstre de ce genre. Mais bon, il fallait bien que quelque chose change. Après tout, la révolution française n'était pas arrivée comme par magie. La sonnerie perçante se fit entendre devant un Lucas confus.

 « Bah vas pas le voir et fais toi défoncer par tes parents, écoutes. »

 Ca y est, j'avais achevé ma bonne action de l'année. Je vérifiai d'un coin de l'œil que mon ami se dirige bien vers une tête fraichement teinte en blond, avant de déguerpir en vitesse. Ce n'était franchement pas trop tôt. Courant avec agilité dans les couloirs bondés, je n'avais plus que ça en tête : la porte et mon ange. J'avais l'impression que ça devait être moi le premier à arriver, à l'attendre pour qu'il puisse descendre du ciel avec tranquillité. Balançant avec force mon sac dans un des casiers rouges du lycée, je me précipitais vers le bâtiment délabré, toujours plus heureux et impatient. La porte se refermait derrière moi, avant que je ne m'installe confortablement dans le petit placard. 

 Qui aurait cru cela ? Le top un de la galaxie, enfermé dans un placard à balais tel un enfant apeuré, attendant avec envie un inconnue pour conter ses histoires. Puis le premier doute fit surface : pas de bruit. Et s'il ne venait pas ? Au même moment, un rire cristallin se fit entendre. Il sonnait si doucement, se répercutant gaiement dans mes tympans maltraités du bruit permanent. J'en avais presque perdu la voix. 

 « Pourquoi est-ce que tu ris ? » 

J'avais peur de le brusquer, de ne pas bien exprimer mes sentiments à travers mes mots. Il pouvait s'échapper à tout moment. 

 « Parce que...je suis heureux. Ta présence me rend heureux. » 

C'était si rassurant que j'en pleurais presque. Il était un repère, une étoile que je pouvais admirer. La discussion reprenait lentement, chacune de ses paroles me réchauffant avec lenteur mon cœur fatigué et meurtri,  pansant mes blessures mentales. Il était d'une douceur si rare que j'avais l'impression de tenir entre mes mains tel un fragile pissenlit. Je fus surpris qu'il n'ait pas de petite amie. Pourtant il avait humainement tout ce que les filles voulaient posséder, à commencer par le tact. Parfois, il m'était arrivé de vouloir briser cette barrière qui nous séparait. Je voulais continuellement ouvrir cette fichue porte. Mais j'avais une peur bleu des conséquences. Nous parlions, profitant de l'instant présent, échangeant le plus d'information possible, pour mieux nous connaître, et peut-être deviner l'identité de la personne que cachait cette porte. Je savais qu'il se posait les mêmes questions que moi. C'était troublant de ne pas pouvoir donner un visage sur une personne qui nous était, je l'espère, si cher mutuellement. Je revins à la réalité suite à un frottement contre la porte, mes sens aux aguets.

 « J-je dois y aller ! A-a demain ! » 

Déjà ? J'avais l'impression que nous avions à peine eu le temps de nous dire bonjour. Je restais sans voix, dans la peur qu'il ne revienne jamais. C'était toujours ainsi, ça en devenait une dangereuse addiction. Ce jour-là, je fus d'autant plus inquiet pour lui, sachant qu'il n'avn'avait pas d'amis. S'il lui arrivait quelque chose, qui serait là pour le protéger ? J'en tremblais presque de peur, avant de chasser ces mauvais pressentiments de mon être. Il devait être un simple lycéen sans trop de compagnie, pas besoin de se faire un sang d'encre. Je me relevais donc, ouvrant la porte d'une main moite, avant de repartir vers le bâtiment remplis d'élèves. La journée s'annonçait longue, il me restais quatre cours à suivre, et j'étais déjà épuisé.

Derrière la porte... ~Yuwin~ BLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant