L'amour ne tient qu'à un fil

Elisabete - Partie 1

-    Vous savez, Elisabete, un sourire ne serait pas de trop lorsque vous mettez la table.

Elisabete se renfrogne. Elle a toujours apprécié sa patronne même si elle n'a pas vraiment sa langue dans sa poche. Il y a maintenant 14 ans qu'elle a commencé à travailler pour la famille Morvan. Ils habitent une grande maison à 9 chambres en plein cœur de la ville de Bordeaux. Elle est équipée d'une énorme piscine qui s'étend d'un côté sous les arbres extérieurs, et de l'autre sous une grande véranda à l'arrière de la maison. Le reste de la maison est à l'instar de cette piscine hors norme. Les chambres occupées sont à l'image de chacun de leur habitant, parsemées de luxueux tableaux qui trônent sur chaque mur. Le salon est la pièce centrale de la demeure, dans laquelle est placée une table en verre qui comptent 12 places, et trois larges canapés en cuir crème assortis aux murs de la même couleur. La maison compte 7 habitants, Catherine et Francis Morvan, leurs 4 enfants, et Carla, la fille au pair qui loge dans l'une des chambres, et gère d'une main de fer l'éducation de la fratrie. Les propriétaires sont un couple agréable. Ils sont charmants, chics, et surtout très riches, ce qui leur vaut d'être entouré d'une multitude d'amis. Toutes les fins de semaine, ils les reçoivent durant de grande réception qu'Elisabete se doit d'organiser. Ces réceptions sont préoccupantes pour elle car elle les organise aux moindres détails près, comme elle a toujours su le faire. Elle aime lorsque ses patrons la félicitent, toujours avec humilité et distance.

Catherine vient d'une famille modeste, ses deux parents étaient ouvriers et lui ont donné une éducation stricte et studieuse. Ils l'ont toujours poussé à se dépasser, jusqu'à ce jour où elle s'est vue diplômée de la plus grande école de droit de Bordeaux, ce qui l'a mené à  devenir aujourd'hui une des avocates les plus réputée en affaires internationales. Elle a ensuite rencontré Francis, fils d'ingénieur, et lui-même devenu ingénieur en aéronautique. Leur profession les a contraints à s'absenter souvent, ce qui les a poussés à engager une fille au pair dès la naissance de leurs premiers enfants, Clémentine. Les autres enfants, Léon, Joseph, et Victor, sont rapidement nés. Ce sont des enfants extrêmement bien élevés qui parlent 4 langues, et sont dotés d'un vocabulaire si riche que même Elisabete a du mal à comprendre.

Elisabete, quant à elle, vit dans une maisonnette à l'entrée du grand jardin qu'occupe la demeure de la famille. Sa maison, qu'elle partage avec Christophe, est assez petite mais avec tout le confort qu'ils nécessitent. Deux chambres se trouvent dans les combles du premier palier et au rez-de-chaussée, une petite cuisine se confond avec la salle à manger dans les tons jaunes pâles, ce qui a toujours agacé Elisabete qui n'est pas une passionnée des couleurs. Une des deux chambres, celle recouverte d'un papier peint écru où sont dessinés des oiseaux gris vieillis par l'âge, est seulement équipée d'un lit pour le jeune couple. Dans la seconde stagne un ancien bureau en bois, sans chaise, qu'aucun des deux n'a jamais eu la nécessité d'utiliser. Un petit salon a été improvisé à côté de l'entrée par Christophe qui avait hâte d'acquérir une télévision pour suivre ses équipes de football favorites.

Elisabete a été engagée très rapidement pour s'occuper de la résidence des Morvan. Après son arrivée en France, elle a commencé à travailler dans une usine de dentifrice, où elle est restée pendant 5 ans. Elle a décidé d'arrêter lorsqu'elle a rencontré Christophe. Il trouvait qu'elle ne devait pas autant s'épuiser à la tâche pour l'argent qu'elle y gagnait. Il a flashé sur son corps élancé, d'une minceur attisant les jalousies, ses cheveux toujours lisses d'un noir incomparable, qui contrastent avec son regard vert. Il est tombé instantanément amoureux d'elle. Il l'avait poussé à arrêter car il la voyait mannequin. Elle ne la jamais cru, elle se disait « trop sombre » pour ce métier. En effet, elle ne s'habillait quasiment qu'en noir, une des seuls choses qui n'avaient jamais changé depuis sa jeunesse.