Cette nuit-là, encore sous le choc, Domenico ne parvint pas à s'endormir. Sa grand-mère avait beau lui avoir répété qu'Alba ne pourrait pas pénétrer le manoir, un frisson d'horreur parcourait sa nuque à chaque fois qu'il s'assoupissait. La demeure elle-même semblait avoir du mal à contenir les esprits agités à l'extérieur. Le bois de l'escalier craquait à chaque courant d'air, les gonds des portes gémissaient, les fenêtres semblaient se craqueler sous l'affront de la pluie.
Le lendemain matin, Nana lui interdit de sortir, mais le jour suivant, une agréable surprise l'attendait sur le pas de sa porte.
— Mais qu'est-ce que vous foutez là ? Vous êtes vraiment montés jusqu'ici ?
— Nan, on est des esprits frappeurs qui...
— Ta gueule, Angelo. Sì, on a entendu parler de ce qui s'est passé... Du coup, on a pensé qu'on t'escorterait jusqu'à ce que le Dia de los Muertos soit passé ! Ton abuela a besoin de repos toi, tu seras plus en sécurité avec nous !
— Pff, tu as enfin fini ton discours, Luis ? marmonna Angelo, qui n'avait pas l'air enchanté d'avoir été recruté de force dans l'équipée. On va être en retard. Tu es prêt, Nico ?
Domenico sursauta, hocha la tête et s'empressa d'aller chercher ses affaires. Bercés par le monologue de Luis, les trois garçons s'en furent d'un bon pas le long du chemin sinueux qui menait au village, les sens aux aguets. Mais aucune silhouette lumineuse n'apparut au détour d'un buisson rachitique.
— Dis, Domenico, lança soudainement Luis, l'air nerveux.
— Hm ?
— Est-ce qu'Alba t'a parlé de moi ? Ou adressé un message ?
Son visage trahissait une gourmandise si évidente que Domenico hésita presque à mentir avant de lâcher un vague « pas eu le temps » qui parut contrarier son nouvel ami. En arrivant à l'école, le garçon remarqua que nombre de camarades s'intéressaient à sa mésaventure et quêtaient des nouvelles de sa cousine.
— Elle avait l'air heureuse ?
— Tu es certain qu'elle voulait te pousser de la falaise ? demandait l'une accoutrée d'un ridicule corset violet.
— Jamais Alba ne ferait ça, renchérit l'autre.
— Mais certains morts ne savent même pas qu'ils sont morts. C'est un grand choc, ils le nient, font tout pour l'oublier. C'est peut-être la même chose pour elle ?
— Fais attention ! Les esprits peuvent se révéler perfides.
— Et fort ! Beaucoup plus qu'on ne le croirait à priori !
— Et pourquoi s'intéresse-t-elle à lui ?
— C'est son cousin, non ?
— Mais elle ne le connaissait même pas...
La dernière phrase avait été jetée dans un murmure amer, par le délégué lui-même. Agacé par les insinuations permanentes de celui-ci, Domenico réagit au quart de tour.
— Si tu veux prendre ma place, vas-y ! Je t'assure que c'est moins cool qu'on peut le croire d'être poursuivi par un fantôme qui veut ta mort !
Son emportement jeta un froid dans la classe, qui cessa de l'interroger. À la fin des cours, néanmoins, Luis vint vers lui, sa mallette jetée sur l'épaule.
— Eh, mec... Je suis désolé. On était très proche, Alba et moi, et je perds souvent mon sang-froid quand il s'agit d'elle. Sans rancune ?
— Sans rancune, sourit Domenico, avant de sceller leur entente par une poignée de main.
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Dia de los Muertos
ParanormalDomenico a toujours eu un don pour s'attirer des ennuis. D'abord harponné par la criminalité des rues, puis par les vices de la drogue, il s'enfonce petit à petit dans une mélasse de pression externe et de problèmes de santé. Alerté par l'accélérat...