chapitre 1

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La tragédie de la vie, enfin que dis-je de ma vie !
C

’est l’un des plus tristes et plus durs moments de la journée. Lorsque je me retrouve dans la cuisine de bon matin à boire mon café.
Seule à me rappeler nos souvenirs, en fumant cigarette sur cigarette.
Nous étions si bien tous les deux, heureux, amoureux.
Chaque matin était un cadeau du ciel lorsque nous déjeunions avant de partir travailler.
Josh était le soleil malgré cette grisaille quotidienne dans le ciel de Paris.
Lorsque j’y pense, nous avions absolument tout pour être comblés.
C’est ainsi, comme chaque matin, je pense et je pleure, il n’est plus là.
Évidemment la vie est cruelle parfois. Avec Josh, nous étions dans notre cocon, tout était simplement parfait.
Une rencontre à la fac, amoureux dès le premier regard. Très vite nous avions sympathisé puis lors d’un exercice de mémoire à réaliser en duo, nous nous étions rapprochés lui et moi.
Notre tout premier baiser, je m’en rappelle comme si c’était hier. Dans l’immense bibliothèque de la fac. Alors que nous étions en train de chercher une œuvre sur le peintre Dali, timidement nos lèvres s’étaient trouvées.
Depuis ce jour-là, notre histoire était née pour durer.
Pendant nos études, nous étions toujours collés l’un à l’autre, jalousés par nos cercles amicaux respectifs, mais rien ne pouvait nous séparer, nous nous aimions éperdument.
Sortis tous les deux avec nos diplômes en poche, nous avions pris des carrières différentes.
Josh, dans l’art, il tenait une galerie très prisée dans la capitale. Alors que moi, désireuse d’être utile, j’avais fait le choix de m’orienter dans le handicap.
Je travaille en collaboration avec les villes de la région Ile de France. Mon métier consiste à accompagner les communes à l’emménagement, l’accueil, le soutien des administrés en situation de handicap.
Un travail tellement passionnant, prenant, certes difficile parfois, les gens n’ont jamais conscience du mal qu’ils peuvent causer, par des faits et gestes mais aussi des paroles.
Souvent, je trouvais des portes fermées, mais avec mon caractère de feu, ma persévérance, j’arrivais à les ouvrir, voir même les enfoncer lorsque nécessaire.
Avec Josh, nous avions eu très vite la chance de nous fiancer, invitant nos familles respectives ainsi que nos amis à une surprise. C’était notre façon de voir les choses.
J’ai encore l’image de mon père, en pleur malgré un sourire aux lèvres, venant me féliciter après l’annonce de nos fiançailles au micro.
Une belle soirée, où malgré mon physique de ronde, d’obèse, de grosse, avec ma famille, mes amis, je me sentais bien et heureuse. De surcroît follement amoureuse de mon trésor inestimable, Josh.
J’étais tout simplement moi-même. Ce qui n’était pas le cas quotidiennement.
Certes, j’ai toujours été différente, alors les moqueries, la méchanceté gratuite, je m’y suis faite avec le temps, cependant psychologiquement, ça fait mal.
Dans ma jeunesse, j’en ai énormément souffert. Aujourd’hui, encore, même si je passe au-dessus en me disant simplement que je ne peux pas plaire à tout le monde.
Il existe dans mon travail, des récalcitrants. Des personnes étriquées d’esprit, jugeant uniquement sur l’aspect physique. Certes, ils sont devenus fort heureusement rares, mais ils sont encore là.
Je n’ose penser à ceux pour qui les maigres, minces sont les meilleurs, et qui, en plus, sont très macho sur les bords.
Josh, avait toujours les mots pour me réconforter, me soutenir. Maintenant qu’il n’est plus là, je ne cesse de me rappeler, ses bras, ses baisers, lorsqu’il me trouvait en pleurs ou en colère, à cette même place où je me trouve en ce lundi matin.
Lui, avait réussi, à outrepasser les préjugés, c’est pour ça aussi que je l’aimais. Enfin je l’aime encore et toujours malgré cette tragédie.
Même si je n’ai pas la force d’affronter le monde extérieur, il est temps de retourner travailler.
-       La vie me donne une épreuve à surmonter, je dois réussir, tenté-je de me convaincre en me servant une nouvelle tasse de café.
Il parait que l’amour vrai ne meurt jamais. Pourtant je ressens son absence, le vide, le néant total, seuls mes sentiments résistent au plus profond de mon âme.
Josh c’était l’homme de ma vie, j’avais trouvé mon âme-sœur. Nous étions si fusionnels, d’un seul regard, nous nous comprenions.
Aujourd’hui je dois avancer sans lui, comme il doit le souhaiter de là où il est, même si la vie ne sera jamais plus la même.
Une dernière cigarette et je me prépare pour retrouver un semblant de survie.
A la lecture sur mon I-Phone du dernier mail reçu. Celui au sujet de ma nouvelle mission, je m’aperçois que je dois aller à l’autre bout de la capitale.
Vu l’heure, je ne suis pas en avance.
Il n’est plus question de me morfondre dans la cuisine, de toute façon, ça ne fera pas revenir Josh.
Après une heure dans les transports en commun parisiens j’arrive enfin devant la mairie où je dois réaliser ma nouvelle mission.
Déjà, je ne constate aucune pente dédiée aux fauteuils roulants. Trois marches avant d’arriver sur un petit parvis puis une nouvelle marche pour accéder au bâtiment.
Seconde constatation, la banque d’accueil est bien trop haute. Seules les personnes pouvant se tenir debout peuvent parler avec les agents d’accueil.
Quelques notes dans mon carnet avant de me faire annoncer.
-       Bonjour je suis Karine Maeson, conseillère à la FPH, Fondation Pour le Handicap, j’ai rendez-vous avec Monsieur Astier.
-       Bien madame, installez-vous, monsieur le maire va vous recevoir.
Je vais me retrouver devant le premier magistrat de la ville, en sachant ça, je me serais habillée autrement. Jean baskets c’est moyen, pensais-je alors qu’un homme, en costume, élégant, assez, costaud style ancien rugbyman, le corps entretenu, les cheveux en brosse, un sourire ravageur et des yeux d’un vert émeraude troublant arrive vers moi.
-       Madame Maeson, bonjour, monsieur Astier, accepteriez-vous que l’on entame la conversation autour d’un café ? me questionne-t-il, en me tendant la main.
-       Oui, avec plaisir, lui dis-je en répondant à sa main tendue.
-       Suivez-moi, lance-t-il alors que nous sortons de la mairie en direction d’une terrasse ombragée.
Un homme très courtois me parlant de sa ville natale, fier d’en être le maire aujourd’hui.
Son téléphone portable nous coupe dans la conversation. Une urgence à régler. Nous retournons à la mairie où je suis présentée à son « Dir de Cab », diminutif de Directeur de Cabinet du Maire.
Un homme assez hautain, le genre de personne que je ne supporte pas en principe. Jacques Staner, le nom me dit vaguement quelque chose mais impossible de me rappeler.
Dans la majeure partie des collectivités territoriales, les « Dir de Cab » sont assez proche du maire, ils s’occupent de l’avancements de certains dossiers, souvent ce sont des politiques.
Sachant qui je suis et ce que je viens faire ici, je suis cantonnée à la visite de mon bureau. Enfin mon placard, deux chaises et une table, aucune décoration hormis une carte de la ville sur le mur derrière moi.
-       Je suis attendu en réunion madame Maeson, voici ma carte avec mon numéro de téléphone ainsi que mon adresse électronique, si vous avez d’éventuelles questions.
-       A bientôt, me lance-t-il avant de quitter mon bureau presque précipitamment.
Un accueil des plus froids à mon égard. Cet homme m’exaspère déjà !
Le temps d’installer mon ordinateur portable et je me lance dans la rédaction de ma première note. Il faut impérativement que j’y mette les formes, je ne dois surtout pas me mettre ce monsieur Staner encore plus à dos.
Ceci-dit, je dois malgré tout signaler mes constatations à l’entrée de la mairie.
Lorsque j’ai fini de taper ma note adressée à monsieur le maire, je m’aperçois que je n’ai pas son adresse mail. C’est donc à monsieur le « Dir de Cab » que j’envoie celle-ci.
Il est presque treize heures lorsque je sors déjeuner, repensant encore et toujours à Josh. Impossible de me concentrer sur ma mission.
C’est la sonnerie de mon I-Phone qui me sort de mes pensées. L’administratrice de la galerie de mon défunt mari.
-       Bonjour Karine, j’ai une offre très intéressante pour le Manover, mais Josh désirait que vous donniez votre avis avant que je prenne la décision. Pouvez-vous passer à la galerie en fin d’après-midi ?
-       Dix-huit heures c’est jouable lui réponds-je abrégeant la conversation.
Me voilà de retour dans mon énorme bureau de deux mètres carrés.
Durant l’après-midi n’ayant aucune réponse à ma note, je décide d’aller faire un tour pour vérifier les besoins de la commune au sujet de l’accueil des handicapés, car c’est pour ça, que je suis missionnée ici.
Après un premier tour des bâtiments communaux, je constate un vaste chantier pour cette ville. Une mission prenante en perspective.
Le temps de rassembler mes affaires, je m’en vais en direction de la première bouche de métro vers la galerie. Gérer celle salle d’exposition est une lourde tâche pour moi, surtout les détails de ventes importantes. Je n’y comprends strictement rien en œuvre d’art. Bien que Josh ait essayé à plusieurs reprises de m’expliquer, je n’y arrive pas. Lui c’était son truc, sa passion.
Heureusement Marie, l’administratrice est très compétente et gérera la galerie d’une main de maître. Pour gagner du temps, je vois avec elle pour n’avoir que des mails avec les éventuelles propositions à valider.
Et puis, avouons-le, ça serait aussi bien plus simple. Puis revenir ici me replonge dans mes moments avec Josh.
Alors que Marie se lance dans la future vente du fameux Manover, je repense à ce lieu, empreint de tellement de choses.
J’ai le souvenir d’une soirée si magique. Il m’avait donné rendez-vous prétextant un vernissage.
Lorsque j’étais arrivée, personne à l’horizon, la galerie était fermée. Juste lui devant, m’attendant avec un magnifique bouquet de roses rouge.
Il m’avait bandé les yeux. Même si j’avais peur, j’étais si impatiente de la surprise qu’il me réservait.
Une fois à l’intérieur, il m’avait retiré le bandeau. Là une table dressée en plein milieu de la salle, une bougie allumée pour éclairer la pièce. Deux assiettes sous cloches à nos places respectives.
Une cassolette de Saint Jacques, divinement réalisée, un orgasme gustatif que je n’oublierai jamais.
Josh, ce soir-là, n’avait pas fait les choses à moitié. Lorsque je vis arriver un tiramisu framboise en forme de cœur pour le dessert.
Juste avant le café, il avait lancé une chanson de mon groupe préféré de l’époque : Les Poetic Lovers avant de venir s’agenouiller devant moi pour me faire sa demande en mariage.
Quel troublant souvenir, me faisant pleurer à chaudes larmes.
Marie m’interrompt, comprenant à la vue de mon état que Josh était encore trop présent dans mon esprit, bien que cela fasse bientôt un an que son enterrement a eu lieu.
Elle m’a décidé à passer la soirée ensemble. Je me rends compte qu’au fil du temps elle est devenue une amie.
Physiquement parlant, mon obésité m’a toujours empêché d’aller vers les autres. J’ai toujours été assez solitaire, avec le temps je m’y suis habituée.
Certes pour Josh, il n’était aucunement question de physique, nous étions amoureux, il était le tout premier à avoir vue au-delà de mon apparence.
Cette soirée m’a fait un bien fou, les batteries sont rechargées et même si le fantôme de mon mari plane encore et toujours dans ma tête, je suis prête à affronter les méandres de l’administration française dès demain matin.

Mission nouvelle VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant