tome 1: La face cachée

Chapitre 2:deuxième jour

Déjà le deuxième jour. Encore le réveil. Ma nuit m'a semblée courte. Elle était peuplée de drôles de rêves, où je me suis vue en train de courir pendant une courte durée, mais intensément après un zèbre puis une antilope dans ce qui semblait être la savane.
Et désormais j'ai une affreuse envie de viande. Alors je m'apprête à faire ce que jamais je n'ai osé ni eu l'envie de faire: sortir du réfrigérateur toutes les sortes de viandes qui s'y trouvent.
Je pioche méticuleusement dans les viandes les plus appétissantes: jambon, steak, saucisses et merguez.
Je suis surprise premièrement de me voir manger toutes ces viandes, et deuxièmement d'avaler ce festin avec une sorte de déception incompréhensible.

Mais voilà que ma mère apparaît, et elle semble horrifiée par ce qu'elle voit.
-Mais qu'est ce que tu fais? ,m'interroge-t-elle les yeux écarquillés
-Je mange mon petit déjeuner,répond-je simplement et naturellement
-Pourquoi tu manges toute cette viande?, couine-t-elle
-J'en ai envie, et j'ai faim
-C'est moi ou ça sent la viande ? demande ma soeur qui viens d'arriver dans la cuisine
-Non tu ne rêve pas ,ça sent la viande parce que j'en mange
-Tu manges de la viande? Le matin? Toi? Tu es sûre que tu vas bien?, s'inquiète Margaux
En y réfléchissant bien, je réalise qu'au final, je ne me rend pas bien compte de ce que je fais, je suis comme une machine,tout se fait automatiquement,je ne réfléchi pas,c'est comme un intinct
-Je sais pas trop, c'était plus fort que moi, j'ai eu une sorte de pulsion...

Margaux et ma mère se regardent avec un air désolé et ne parlent pas.
Personne ne parle et tout le monde me regarde manger, et ils ne s'arrêtent que lorsque je franchis la porte.
Aujourd'hui personne ne peut m'emmener au lycée alors je dois prendre le tramway. Curieusement les jumeaux Leonidis s'y trouvent aussi et ils viennent s'asseoir en face de moi.

-Salut Charlotte, commence Selma
-Salut, lui répond-je avec un sourir géné
-Tu as l'air un peu fatiguée , me fait remarquer Tom
-Oui, je n'ai pas très bien dormi, une succession de rêves étranges
-Ah oui? quels genres de rêves? continue la jumelle
-Le genre de rêve qu'on ne comprend pas, qui n'a aucun sens
-C'est-à-dire? Raconte- nous!, insiste le jumeau
-J'ai rêvé que je courais après des zèbres et des antilopes. Vous voyez ça n'a aucun sens, c'est un rêve bizarre de plus
Les jumeaux se regardent une demie seconde, un léger sourire aux lèvres, et se tournent de nouveau vers moi.
-En effet ça a dû être étrange pour toi mais ne t'inquiètes pas, dit Selma pour me rassurer
-Oui ne t'inquiètes pas, avec le temps on s'habitue, ajoute son frère

Je ne sais pas vraiment pourquoi ils me disent ça, ni pourquoi je m'y habituerai. Ce n'était qu'un rêve après tout.

Le reste du trajet semble durer une éternité, et les deux énergumènes restent muets mais me regardent, puis se regardent en souriant, ce qui les rend presque effrayants.
Une fois le tram à notre arrêt, je me précipite pour ouvrir les portes, et me hâte. Je marche d'un bon pas afin que Selma et Tom ne me rattrapent pas.
En un rien de temps je me retrouve au lycée. Je me dirige dans un coin isolé repéré la veille et m'assoie. Je pensais que personne ne viendrait jusqu'à ce que je vois Mathis. Je ne suis ni heureuse ni agacée de le revoir. Converser avec lui sera certainement moins bizarre qu'avec les jumeaux:

-Alors t'es prêtes?, me demande-t-il
-Prête pour quoi? le questionnai-je
-Pour notre premier jour de cours voyons!
-Oh! disons qu'on a pas vraiment le choix
Je penche la tête pour apercevoir les jumeaux Leonidis qui viennent d'arriver. Ils n'ont plus le sourire du tram, ils sont très sérieux, et nous regardent.
Mathis s'est assis à côté de moi et tente de comprendre sur quoi mon regard est figé.
Qu'est ce que tu regardes aujourd'hui? me demande l'intéressé
-Selma et Tom, réponds-je avec franchise
-Les jumeaux, pourquoi? Ils ont fait un nouveau truc étrange?
-Ce matin ils étaient tous les deux dans le même tramway que moi, on a parlé et après ils m'ont fixé en souriant,ils étaient vraiment bizarres, ils m'auraient presque fait peur. Mais maintenant, tu vois, ils ont la mine grave. Je ne sais pas ce qui cloche chez eux.
-Je sais pas non plus mais je t'avoue que je n'aurai pas aimé être à ta place, mais vous aviez parlé de quoi?
-Du rêve que j'ai fait cette nuit
-Oh, et quel était ce rêve si ce n'est pas indiscret ?
-Un rêve dans la savane avec des zèbres et des antilopes
-Et ils sont devenus bizarre après ça
-Oui
-Si tu veux mon avis, ils ont vraiment un problème, c'est juste un rêve et en plus j'en ai déjà fait un dans le même style

Je ne continue pas la conversation et pars en direction de la salle de notre premier cours, la sonnerie retentit lorsque j'arrive devant la porte.
Mathis vient se placer à côté de moi et me fait remarquer ma ponctualité exemplaire , ce qui me fait sourire.
Mais je repense au fait qu'il est fait le même type de rêve que moi, ce qui me donne l'air sérieuse et concentrée , c'est perturbant cette affaire de rêve.
Tout au long de la journée, nous découvrons quelques-uns de nos nouveaux professeurs, et les jumeaux étaient la plupart du temps tendus, je sentais leur regard dans mon dos.

A la fin de la journée je dois de nouveau reprendre le tramway, alors après un signe de la main adressé à Mathis, je marche le plus vite possible en direction de l'arrêt de tram, en ayant vérifié avant que les Leonidis ne soient pas derrière moi.
Par chance le tramway est déjà là, je monte à bord le plus vite possible et m'assoie dans le dernier compartiment en consultant mon téléphone avec un soupir de soulagement.
Mais à peine deux secondes se sont écoulées, que je sens déjà une masse sur le siège à côté du miens, et une deuxième sur celui d'en face. C'est eux, je le sais.
Je relève alors la tête, et je ne suis absolument pas surprise de voir Tom en face de moi et Selma à ma gauche. Tous deux me fixent.

-Y a-t-il un problème? ,je pose cette question avec un air agacé et interloqué par leurs mines graves
-Nous n'aimons pas Mathis, répond simplement et calmement Tom
Je suis alors prise d'un fou rire face à la stupidité de la situation
-Dis nous, poursuit Selma, êtes vous proches? de bons amis?
-Oh non, mais vous me faites une crise de jalousie? sérieusement ?, dis-je un grand sourire aux lèvres
-Non tu n'y es pas ou alors peut être que c'est valable pour Tom , pouffe Selma, mais s'il te plait répond à ma question
-Et bien c'est lui qui me suit partout, je ne sais même pas si nous sommes amis, il ne connaît rien de moi, je ne connais rien de lui
-Oh dans ce cas tout va bien, déclare Tom détendu
-Oui tout va bien , approuve sa jumelle un sourire moqueur aux lèvres
-Et pourquoi vous vous souciez tant de moi vous deux? on ne se connait pas non plus
-En vérité, si, nous nous connaissons depuis l'enfance, lance le jumeau d'un oeil malicieux
-Depuis l'enfance? mais qu'est ce que tu racontes ? Je n'ai jamais eu de jumeaux dans mes classes de maternelles
-Oui mais il est normal que tu ne te souviennes pas de nous, Tom n'as pas précisé l'âge ni l'endroit
-En réalité nous allions dans la même crèche et chez la même nourrice mais tu es partie à tes 3 ans et demi je crois et nous, nous sommes restés beaucoup plus longtemps. Elle parlait si souvent de toi, il est impossible de t'oublier.

Je reste perplexe. Cette situation est si improbable et impossible. Comment des coïncidences pareilles peuvent-elles se produire?
Et pourquoi je n'ai aucun souvenir de tout ça ?

-Je dois vous avouer que toute cette histoire me parait dingue, dis-je abasourdie
-Oui mais maintenant tu comprends pourquoi nous avons été étranges, dit gentillement Selma en espérant que je comprenne
-Ca n'explique en rien votre acharnement sur mon rêve ce matin
Ils se regardent avec une pointe de gêne et de regret.
-Désolés de t'avoir traumatisée avec ça , me répondent-ils dans une synchronisation déconcertante, à demain, continuent-ils toujours en cœur avant qu'ils ne se lèvent et descendent du tram.
On dirait presque des robots, c'est sidérant.

Au dîner, je décide de parler des jumeaux à mes parents pour leur demander s'ils se souviennent d'eux.
J'observe ma mère et ses cheveux noirs de jet qui se balancent quand elle mange, puis mon père et ses yeux noisettes qui me regardent avant de me lancer.

-Est ce que ça vous dit quelque chose Leonidis? ,je demande alors, peu à l'aise
Du coin de l'oeil je vois ma mère se figer, et mon père semble réfléchir, puis il me répond:
-Non comme ça, ça ne me dit rien pourquoi ?
-Il y a des jumeaux au lycée qui portent ce nom, et qui affirment me connaitre depuis longtemps, on aurait été chez la même nourrice...
-Ah oui vraiment?
-Des jumeaux tu dis ? oui peut-être bien, intervient finalement ma mère, assez tendue
-Alors, ils ont dit vrai ! criai-je presque ,étonnée
-C'est amusant ! s'exclame mon frère
-Oui amusant, répète ma mère entre ses dents
-Ca me rassure un peu, ils sont si étranges
-Etranges comment ? , demande soudainement Margaux
-Je ne sais pas trop, on dirait qu'ils ont très envie de se rapprocher de moi

Mes parents se regardent alors très sérieusement, Margaux les observe l'air paniquée, tandis que moi et Arthur assistons à cette scène quelque peu loufoque et pesante.
Une fois mon plat terminé, je quitte la table restée silencieuse pour aller me coucher en rappelant à Nathanaël par SMS que l'on se voyait le lendemain après-midi, puis je m'endors après m'être tournée puis retournée dans mon lit.