tome 1: La face cachée

Chapitre 3: une journée presque normale

Ce matin, aucune envie de viande, aucun souvenir de rêve étrange, tout va bien.
Ma mère décide de m'emmener directement au lycée pour m'éviter de prendre le tram, mais elle semble se méfier lorsqu'elle se gare sur le parking de l'établissement, je crois même que ses yeux verts m'ont fixés pendant que je m'éloignais de la voiture. Elle a une excellente vue, c'est très rare, elle voit jusque très loin d'après mon père.

Quand j'entre dans le bâtiment, Mathis est là, assis sur les mêmes marches où j'étais la veille, et Tom est à côté de lui, sans Selma, ce qui sur le coup me surprend. Les deux garçons semblent discuter, mais un certain mal à l'aise se fait ressentir. Pourtant, lorsque je m'approche d'eux, ils semblent détendus et ravis de me voir, au point que Tom me saute presque dessus.

-Oh Charlotte te voilà enfin!, s'enthousiasme ce dernier, je ne t'ai pas vu dans le tram, je pensais t'y retrouver !
-Oh oui, ma mère a voulu m'emmener ce matin, et je crois que ça risque de se reproduire
-Ah..., dit Tom un peu triste, tu n'as qu'à me donner ton numéro ou ton compte Instagram comme ca on pourra se parler !
Oh ... oui, va pour Instagram si tu le souhaite tant,répond-je assez déconcertée par sa requête et son entrain différent de sa méfiance habituelle
-Je pourrai aussi avoir le tiens ? comme ça si tu es malade je pourrais t'envoyer les devoirs, et on pourrait communiquer en dehors des cours, propose Mathis d'une façon beaucoup plus calme et moins excitée que le jumeau, tout en ayant un doux sourire
-Oui bien sûr , donnez moi vos téléphones

Une fois Tom abonné à mon compte, il repartit tout sourire, et tant mieux.C'est bien la première fois que deux garçons ont cette requête vis-à-vis de moi.

Durant ce premier mercredi, nous continuons à découvrir certains professeurs, comme cette drôle de dame aux cheveux fous qui se dit professeur d'histoire ,et je sens encore le regard de Tom sur moi et Mathis.
A la fin des cours, je dis au revoir à mon ami et aperçois la voiture de ma mère, je crois même voir ses yeux fureter dans tous les sens, comme si elle cherchait quelque chose ou qu'elle se méfiait.
Tout le chemin du retour, je la sens crispée à son volant, concentrée.
En rentrant, elle monte au deuxième étage avec mon père, dans leur chambre, pour discuter, et quand ils ont fini, ce dernier descend, plutôt livide.
C'est un nouveau repas dans une atmosphère tendue et froide.
Cinq personnes autour d'une table d'un silence mortel, faisant tinter leurs couverts dans leurs assiettes.
Je ne comprends pas vraiment ce changement radical depuis hier.
Mais je compte bien me changer les idées et raconter mes nouvelles aventures à Nathanaël.

Une fois le plat fini et un message de confirmation envoyé à mon ami, j'enfourche mon fantastique vélo blancs (taché à certains endroits de la terre que je n'ai pas enlevée), et je pars pour notre point de rendez vous habituel: le banc vert sous le chêne, dans le parc de son immeuble.
C'est un endroit où nous avons passé de nombreuses soirées d'été à discuter, ou à jouer aux cartes,à la balançoire, même en étant seulement éclairés par les réverbères, jusqu'à ce que sa mère le rappelle, ou que la mienne s'inquiète.

Je crois que l'on peut dire que ce banc connaît toutes nos aventures, ainsi que tous nos fous rires.
Nat et moi c'est depuis presque toujours, et je pense-et j'espère- que ça va durer encore longtemps.
Quand on sera plus vieux on racontera ensembles nos aventures à notre femme ou notre mari, et on en rira ensemble.

J'arrive au banc avant lui, ce qui ne m'étonne pas trop, le connaissant il a du oublié le cours du temps sur son téléphone, mais il finit par apparaître, avec son chat en laisse. Ce dernier lui fait beaucoup de peine à ne pas découvrir le monde extérieur comme les chats de maison, c'est pourquoi il a décidé il y a bien longtemps de le promener de temps à autre, à l'aide d'un harnais et d'une laisse.

-C'est l'heure de sortir le fauve !, dis-je, souriante à l'approche de mon ami et de son compagnon poilu noir et blanc
-Tu ne crois pas si bien dire! s'exclame-t-il, ce n'est pas toi qui t'es occupée de l'harnacher !
-Oh voyons le petit Rex n'est pas le plus difficile des chats, vient donc mettre le mien dans sa caisse de transport!
Je caresse les doux poils de Rex et le prend sur mes genoux pour permettre à Nathanaël de s'asseoir tranquillement.
-Alors, quoi de neuf ma chère?
-Deux garçons m'ont demandés mon profil Instagram, tu les connais peut être
Nat connaît tout le monde, ce qui est pratique lorsque comme moi, on ne connait personne, ou du moins , pas grand monde.
A ce moment ses petits yeux bleus me regardent avec curiosité dans ses lunettes.
-Qui ça peut bien être ?, se moque t-il en levant le nez en l'air, tout en frottant de sa main gauche ses cheveux blonds
-Tom Leonidis
-Non, ça ne me dit rien, je ne le connais pas, c'est pas de chance, qui est le deuxième?
Les jumeaux Leonidis sont si étranges et différents, que sa réponse ne m'étonne même pas
-Mathis Lion
-Oh oui lui je le connais ! Avant, il faisait du tennis et raflait tous les prix juniors, mais son père l'a forcé à arrêter pour on ne sait quelle raison
-C'est donc un ancien champion de tennis, mais si il était si doué, c'est curieux que son père l'ai forcé à arrêter, non ?, je demande assez étonnée
-Oui plutôt, il avait une belle carrière devant lui, c'est bien dommage
A partir de là, notre conversation dérive, et nous parlons de sport , du lycée, de jeux, ainsi que bien d'autres choses.
Nous sommes en train de discuter depuis près d'une heure, lorsque j'entend parler

-J'ai faim , dit la voix
- Tu délires? tu es sorti de table il n'y a même pas deux heures!
- Mais à qui tu parles ?, me demande Nat , les sourcils froncés et le regard pleins d'incompréhension
- A toi, voyons! lui réponds-je en pensant sincèrement qu'il se moque de moi
- Je n'ai absolument rien dit

Le silence s'installe alors.
Je ne suis pas folle, je l'ai entendue cette voix!
Elle était réelle, tout près, mais il est vrai qu'en y réfléchissant bien, ce n'était pas celle de Nathanaël.
Je me met à regarder Rex, qui est toujours sur mes genoux, quand j'entends de nouveau la voix

-on est bien dehors

Et si c'était Rex?
Non , bien sûr que non qu'est ce que je raconte, mais est ce que ca se pourrait?

-Tu l'as pas entendue la voix toi?
-Non pas du tout, me répond mon ami en se moquant de moi
-Tu sais quoi, je crois que ca vient de Rex
-N'importe quoi , ah, toi tu m'auras tout fait, s'esclaffa Nat
-Non vraiment, tu sais si ca se trouve c'est comme dans ce dessin animé Disney, tu sais la petite princesse qui parle avec les animaux
-Mon Dieu j'aurais tout entendu avec toi
-Je sais que c'est complètement fou mais je me dis, pourquoi pas...
Nat ne m'écoute déjà plus, il est en plein fou rire, et sa mère l'appelle sur son téléphone pour lui dire de rentrer pour garder sa sœur, car elle s'en va en courses.
-Bon, c'était bien chouette mais je dois rentrer, annonce-t-il
-Oui j'ai entendu, tiens je te rend ton chat, réponds-je en lui rendant le moustachu
-Merci bien, allez, à plus Jeanne d'Arc!

Je l'entend encore rire et parler à son chat lorsque j'enfourche mon vélo pour repartir.
Sur le chemin du retour, j'essaie de réfléchir à la situation mais je ne vois pas d'autre solution que Rex. Ce petit matou noir et blanc aurait parlé, ou plutôt, j'aurais entendu ses pensées.C'est une bien étrange chose.

Arrivée chez moi, je consacre mon après midi à Instagram, à regarder les comptes de mes camarades de classe, surtout ceux des Leonidis qui n'ont pas étés agrémentés de beaucoup de photos d'eux, ainsi que celui de Mathis, dont le nombre d'abonnés m'interpelle. Ses abonnés ne sont autres que son frère,sa sœur, des joueurs de tennis, sa mère, moi, Nathanaël, deux autres garçons, sa cousine et son cousin. C'est un cercle restreint, encore plus restreint que le mien.

Le repas du soir est cette fois-ci beaucoup moins pesant, et plus agréable pour tout le monde, car ma mère n'est pas présente. Mon père avait reçu pour ordre de ma mère de ne rien dire, alors il nous donna pour consigne qu'une phrase " ne posez pas de questions"
Personne n'ose poser de question, et je profite de l'absence de ma mère, pour passer ma soirée à enquêter sur une potentielle possibilité de communication par esprit entre l'homme et les animaux.
Mes recherches ne donnent pas grand chose et je ne comprends plus rien à ce que je lis.
Je suis en train de m'endormir devant mon écran, lorsque j'entend ma mère qui monte les marches de l'escalier menant au premier étage de la maison, étage de moi et mon frère.
J'éteins mon ordinateur, le pose sur mon bureau et me mets en vitesse dans mon lit en n'oubliant pas d'éteindre la lumière, afin que ma mère me pense en train de dormir depuis longtemps.
Je vois son ombre devant ma porte, puis repère à ses pas qu'elle se trouve maintenant devant la porte d'Arthur, qui doit baver sur son coussin depuis déjà une bonne heure, pour enfin aller au deuxième étage.
Alors je ferme les yeux, et m'endors en quelques minutes dans un sommeil paisible.