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Assise sur ma caisse de bois, je soupire.
Les enchères se déroulaient bien pour le moment.
On venait de faire passer une lourde arme en or en guise du premier objet et je ressentis carrément de la pitié pour la personne qui allait se procurer cette épée en or massif, ne sachant pas que ce n'était qu'une fausse copie.
Sharnalk avait mis l'animateur sur autopilot et quand je lui avais questionné sur cette particularité à contrôler ses moindres actions, il m'avait expliqué qu'il avait planté quelque chose dans la nuque de l'animateur, l'obligeant à obéir, par l'entremise d'une manette.
J'avais plissé des yeux en remarquant une sorte d'aiguille en forme de chauve-souris, enfoncée en dessous de la tête de l'animateur.
D'un œil attentif, j'examine de temps en temps les objets copiés qui défilent devant mes yeux, me sentant obligée d'admettre que le public ne se douterait de rien devant les doublures identiques que Kortopi créait à partir de son Nen.
Alors que Shizuku et Phinks s'occupaient de la marchandise, le reste des membres, m'incluant, sont demeurés assis sur les caisses de bois, ne parlant pas entre eux, le silence quelque peu dérangé par les interrogations de Phinks ainsi que le bruit d'acclamations du public.
La Brigade Fantôme semblait partager de profonds liens entre membres mais ils ne semblaient pas être vraiment enclin à engager une conversation de groupe.
Pour ma part, je n'avais pas vraiment fait quelque chose, à part rester assise sur ma caisse, contemplant le plafond.
Chrollo avait repris les habitudes qu'il adoptait au repaire et c'est le nez perché au dessus d'un livre qu'il s'occupait.
C'était en souriant que je remarque qu'il avait gardé notre « bague de mariage » au doigt.
Pakunoda était celle qui bougeait le plus de nous tous, elle allait et revenait, les poignées d'un chariot dans les mains, exposant les faux objets aux regards éberlués du public, qui se pressait pour parier le plus vite possible, les sommes atteignant des fois des montagnes d'argent.
Les enchères continuèrent et tous les objets que nous avons doublés n'étaient que des objets de valeur, comme des vases, des armes ainsi que des tableaux.
Rien qui ne pourrait m'intéresser.
La raison pour laquelle je m'étais déplacée à Yorkshin faisait partie de la section d'objets parties du corps, qui allait passer en dernier.
Les parties du corps humain étaient la section la plus convoitée, les membres vendus pouvant dater de longtemps ou avoir appartenu à quelqu'un de célèbre.
Ou même possédant une caractéristique célèbre qui enrichit le désir de ses êtres fourbes, qui ne pensaient qu'à la richesse...
Mon regard se vide alors que je contemple le sol, une aura noire m'enveloppant.
La Brigade se retourne vers moi, ayant perçu les mauvaises intentions qui s'échappaient sous forme de vapeurs de mon corps.
Chrollo me regarde tandis que Phinks s'arrête au milieu de son mouvement, l'air de se demander ce qui me prenait.
Des disputes et des cris se font entendre d'où nous étions et je reprends mes esprits alors que l'animateur priait au public de garder leur calme.
Alors que je sens des dizaines de paires de yeux me fixer, je pose ma main sur ma tempe, un mal de tête m'agressant sauvagement.
Pakunoda revient et c'est à peine si elle remarque la tension qui s'est établie dans le groupe.
Je n'arrivais pas à croire que j'avais laissé ma haine me dominer aussi facilement et c'est en grinçant des dents que j'ignore le regard enjoué d'Hisoka.
J'avais déjà laissé ma rage me posséder devant lui, lors de l'examen Hunter et il a semblé avoir bien apprécié la puissance que mon corps dégageait.
- Tu vas bien, me demande Chrollo et la légèreté de sa voix me soulage, comme un baume sur une plaie.
Ne sortant aucun mot, j'hoche la tête alors que la Brigade s'échange des regards inquisiteurs, Shizuku donnant distraitement un écrit ancien à Kortopi, me regardant avec soucie au dessus de ses grosses lunettes.
Phinks regarde Feitan en souriant, quelque peu excité.
- C'était une belle aura meurtrière, celle-là, dit-il en riant, me pointant du doigt. Peut-être même plus que la tienne, Fei.
Celui-ci s'offusque.
- Ne m'appelle pas comme ça, dit-il mais Phinks ne s'occupe pas de lui, se courbant pour prendre quelque chose d'une caisse ouverte, un sourire nasillard aux lèvres.
Je murmure des petites excuses et je détourne mon regard sur le sol, honteuse, jouant nerveusement avec mes mains, pour me distraire.
Pakunoda me regardait fixement mais elle dut se détourner pour afficher aux yeux de l'audience un écrit ancien rempli de hiéroglyphes que je ne pouvais discerner.
Celui-ci semble faire fureur parmi ces idiots avares, qui hurlèrent, sans que l'animateur ne puisse les discipliner cette fois.
Après de longues minutes de négociations, il y a finalement un gagnant, sa victoire accueillie par des grognements mécontents des autres.
Shizuku donne maintenant une peinture à Pakunoda, qui le place soigneusement sur le chariot, le transportant sur scène.
« Leurs orgueils prennent le dessus » me dis-je alors que deux parieurs renchérissaient agressivement somme sur somme, dans le seul but d'une peinture ayant appartenu à un peintre célèbre.
La raison de sa célébrité m'échappait justement, surtout quand je voyais l'horreur qui venait d'être vendue.
Pakunoda revient, la mine impassible, tenant encore son cher chariot en or alors que l'animateur annonça le prochain item.
- Nous avons la fameuse jarre sacrée de la dynastie Rai, annonce-t-elle et la salle se réchauffe, prête à se battre bec et ongles pour ce fameux vase sacrée.
Un écran géant l'affiche et des bruits de ravissement éclatent dans toute la salle.
Shizuku fait les mille pas, une feuille dans sa main alors que l'animateur vante la rareté de cet item, item qui ne pourrait qu'être que plus ennuyant qu'il ne l'est déjà à mes yeux.
- Dynastie Rai, murmure Shizuku en cherchant autour d'elle mais Phinks la devance. Celui-ci avait été le seul à l'aider dans la recherche des objets.
- Ici, dit Phinks en tenant dans sa main un vase bleu, qui, pour moi, avait une apparence tout à fait normale, étant seulement tombée dans les bonnes mains. Celle d'une famille importante.
Shizuku lui prend des mains et donne le vase à Kortopi, qui l'installe sur un grand tapis.
Il le double et Shizuku place le faux vase sur le chariot de Pakunoda, qui retourne sur la scène, des éloges satisfaites se faisant entendre dans toute l'audience.
J'entendis des hommes crier des prix divers, tous excédant les 100 millions.
Pakunoda revient, son chariot vide de nouveau.
Chrollo se penche vers moi pour me parler.
- Puis-je te demander ce qui t'as rendu en colère, me demande-t-il
Je me retourne, affichant le sourire le plus serein que je pouvais offrir.
- Je ne suis pas en colère, répondis-je et le coin de ses lèvres frissonnent.
- Tu sembles avoir dégagé une plutôt belle aura il n'y a pas longtemps, me dit-il et je fais la moue. C'était vrai.
J'avais bel et bien laissé mes sentiments s'emparer de moi pour un instant.
En soupirant, je pose mon dos sur la surface rude de la caisse sur lequel j'étais assise, mon visage face au plafond.
- Je ne sais pas ce qui m'a pris, murmurai-je en regardant en haut, croisant mes paumes sur mon ventre, dans la même position qu'un mort adopte dans son cercueil.
- Puis-je te poser une question, me demande-t-il et je me relève, quelque peu amusée de voir qu'il préservait sa politesse avec moi, bien que cela ne soit pas nécessaire.
Je me retourne vers lui et posant mes paumes sur la caisse de bois, je croise les jambes, lui adressant un sourire malicieux.
- Je t'en prie.
Il ferme son livre et j'entends le bruit familier des roues du chariot que Pakunoda dirigeait.
- Quelle est la réelle raison de ta venue à Yorkshin, me demande-t-il et je reste stupéfaite pendant un moment.
- Je te l'ai déjà dit, je cherche un objet que je suis confiante de trouver dans une des ces boîtes, expliquai-je en pointant du doigt la caisse sur laquelle j'étais assise.
Il sourit.
- Puis-je savoir ce que cet objet est, me demande-t-il et je remarque que sa voix a baissé de volume.
Je souris.
- Considère-le comme un genre de bien héréditaire, lui répondis-je tâchant d'être le plus neutre possible.
- Tu as de la famille, me demande-t-il en regardant la couverture de son livre.
- Morte depuis longtemps, dis-je en regardant mes ongles.
- J'en suis désolé, me dit-il et je manque de rire.
Combien de personnes avait-il tué? Beaucoup, j'imagine.
Certains d'entre eux devaient avoir de la famille ou quelqu'un qui les attendait.
Et pourtant, le voilà en train de s'excuser de la mort de ma famille, chose qui me laissait étrangement indifférente.
Je pousse un rire.
Il garde le silence pendant un moment.
- Pourquoi as-tu donc refusé de faire partie de la Brigade, me demande-t-il et je perçois des tons accusateurs dans sa voix qui me font sourire.
- J'aime bien rester seule, lui expliquai-je. C'est une de mes habitudes. Les groupes comme le vôtre me sont étranges.
Je continue à regarder mes ongles, Chrollo me sondant de ses pupilles dilatées.
- C'est dommage. Je t'aurais bien vu faire partie de la Brigade, me dit Sharnalk d'une voix joyeuse et mes joues rosissent tellement je ne m'attendais pas à cette phrase.
- Elle n'aurait pas survécu parmi nous, dit Feitan, me jaugeant méchamment du regard.
Agacée que quelqu'un me descende de mon nuage d'une telle façon, je me lève précipitamment de ma caisse de bois, posant mes poings sur mes hanches.
- T'as envie de te battre le nain, demandai-je profitant du 15 centimètres que j'avais en plus par rapport à lui.
Feitan se lève à son tour, les mains toujours dans ses poches alors que Machi soupirait, l'air de se demander ce qu'elle faisait parmi nous.
Phinks regarde notre baston de regards, aussi stimulé qu'un gamin devant la télévision, regardant son émission préférée.
- Répètes pour voir, me dit-il en formant une aura sombre autour de lui et je dus admettre que sa colère était condensée à un tel point que je voulus reculer pendant un instant.
Pourtant, je n'en fis rien, l'approchant de quelques pas.
Il fait de même.
Je laisse sortir mon aura à mon tour et nous nous combattons pendant un moment, envoyant à l'autre un regard glacial qui aurait liquéfié n'importe quel autre humain.
- Aucun combat, s'exclame Shizuku, nous sortant moi et Feitan de la bulle de haine que nous nous sommes créés.
Ce dernier soupire et se remet à sa place.
Je me retourne à mon tour et me rassoit, accueillit par le sourire enjôleur de Chrollo.
Shizuku avait matérialisé son aspirateur et elle n'aurait pas hésité à s'en servir si Feitan m'aurait attaqué.
Les enchères se poursuivent et on entre dans la section partie du corps et les prix montent encore plus, atteignant le ridicule.
Les enchères touchaient à leurs fins alors que Pakunoda revient, en soupirant.
- Faites que ça finisse rapidement, dit-elle en s'essuyant le front. Ces bêtes sont toutes excitées car ils savent ce qui s'en viennent.
En effet, le public semblait être plus actif qu'il ne l'était déjà, des murmures frénétiques et nerveux circulant à travers la salle, pour une raison qui m'échappait.
- Pourquoi, demandai-je en me tournant vers Shizuku.
Elle se tourne vers sa feuille, parcourant ce qui y était inscrit, les sourcils légèrement fléchis.
Encore une fois, elle se fait devancer par quelqu'un.
- Les deux paires de yeux les plus magnifiques du monde sont supposés être enchéris, dit Machi et mon regard se décompose. Ils ont sûrement décidés de les passer en dernier.
- La couleur écarlate des yeux des Kurta me revient encore, murmure Feitan et ses paroles sont approuvés par Phinks, qui hoche la tête.
Je reste silencieuse.
- Les yeux de gris passent en premier, dit Shizuku et je grince des dents.
Elle s'approche de la caisse sur laquelle j'étais assise et je devine ses intentions.
Je me lève et elle ouvre la caisse.
Avec précaution, Shizuku sort une paire de tubes en verre, contenant un liquide transparent ainsi que deux yeux, grands et dotés d'une belle couleur grise.
Une des couleurs les plus belles au monde.
Le gris.
Ou plutôt le gris de ses yeux-ci.
- Laisse, dis-je à Shizuku en lui prenant l'objet des mains, sous son regard surpris.
Je sens le regard de Chrollo sur ma silhouette alors que je m'approche de Kortopi.
Je lui donne les yeux et il le copie en un rien de temps.
Shizuku prend les faux yeux et après m'avoir lancé un regard soucieux, elle pose la marchandise sur le chariot de Pakunoda.
Je reprends les yeux gris des mains de Kortopi et je les contemple.
Ils étaient magnifiques.
Gris comme le ciel pluvieux mais aussi clair que l'eau limpide.
- Et maintenant, ce que vous avez attendu depuis si longtemps, s'exclame l'animateur et je mord ma lèvre. Une des plus belles couleurs du monde, les yeux de Gris! ( la foule applaudit ) Cette paire est sûrement l'une des dernières en ce monde. Commençons les enchères à 100 millions.
Tandis que le prix ne cessait de monter, je reste silencieuse, ravalant ma rage alors que ces êtres se battaient au sens littéraire pour des pupilles ayant appartenu à de réelles personnes.
Phinks s'approche de moi et tente de voir la couleur des yeux que j'avais dans mes mains.
Devinant ses intentions, je cache les yeux en entourant mes mains autour de la vitre, me mordant si fort la lèvre que le sang commence à perler.
- Oy! Laisse-moi les voir, me demande-t-il mais je bouge la tête de droite à gauche, utilisant mes cheveux pour cacher mon visage.
J'entends des pas et un grognement furieux de la part de Phinks.
J'entends quelqu'un s'assir à côté de moi et je lève la tête.
Ce n'était que Chrollo.
D'un regard, il intime à Phinks de repartir et celui-ci obéit, me lançant un regard qui semblait étrangement songeur.
- Tu vas bien, me demande Chrollo et je souris en pensant que ça devait bien être la quatrième fois qu'il me posait la question depuis qu'on se connaissait.
Je lui donne la paire de yeux et il les prend dans ses mains.
- C'est de vraiment beaux yeux, commentai-je bien que mon esprit soit ailleurs.
- En effet, me dit-il et je souris en me retournant vers lui, pointant les yeux gris du doigt.
- Je te présente mon bien héréditaire.

𝐇𝐱𝐇 | chrollo. lOù les histoires vivent. Découvrez maintenant