GARDE. – Qu’elles sont vos dernières volontés ? Dépêchez !
PYNG. – Apportez-moi un instrument, je vous en prie.
GARDE. – Celui dont votre ami aimait tant jouer ?
PYNG. – Oui celui-là même. Il porte le nom de djy.
Voilà que je le renommerai djydaan,
En l’honneur de… Vous dites mon prétendu « ami »
Pourtant voyez, je voudrais oublier Daan…On lui apporte alors l’instrument de musique.
Aucune des six cordes que l’on pouvait autrefois compter n’était tendue
comme à l’accoutumée. L’une d’elle manquait même à l’appel. Elles émettaient
tout de mêmes d’étranges vibrations. Anormal. Les sons produits faisaient frémir
le long manche de bois. Dans la sympathie d’un écho, un son, presque métallique,
vint s’écraser contre les cloisons qui séparaient les cellules de l’incommensurable
prison de Kuronam¹
. Tout cela sonnait faux. C’était une évidence. Et malgré tout,
Pyng, alors prisonnière ici-bas, se sentait libre de jouer. Elle continuait, à s’en faire
saigner le bout de chacun de ses doigts. Elle n’interprétait pas une des ces
habituelles mélodies mélancoliques que l’on retrouvait écrite dans les vieux
répertoires de musique. Non. Elle déchaînait sa colère, sa fureur, sa rage sans peur,
sans crainte, sans inquiétude.En rien elle ne cherchait à accorder ce qu’elle tenait si fermement entre les
mains. Elle ne savait tout bonnement pas comment faire. Les cordes restaient
alors ainsi, détendues, les deux plus éloignées partant parfois sur le côté. Ses
accords étaient peut-être d’une simplicité sans pareil. Pourtant elle grattait ses
ongles cassés et noircis contre les rudes cordes.Le bourreau s’avance, le pas rapide, les sourcils froncés. Il est en colère.
Un cliquetis tonitruant vint rompre l’enchaînement de ses stridentes
notes : une vieille clé que l’on tourne dans une serrure tout aussi rouillée. Un
soupir tonnant suivi d’un trousseau que l’on agite vainement précéda le
grincement d’une porte qui s’ouvre.BOURREAU. – Sors ! Les filles de joie ne sont plus ce qu’elles étaient !
Viens ! Dans un petit moment tu seras morte !
Allez ! Pour qu’on t’exécute vite fait, bien fait !
Dépêche-toi ! Tu l’auras bien cherché celle-là !
Non mais ! D’avoir trahi notre bon vieux Kurone²!
Pire que ça ! De sang-froid tu l’as étranglé !Pyng traverse la porte et monte les escaliers vers l’extérieur.
Des cheveux volumineux aux boucles cassées, aussi noirs que l’obscurité
de sa pénitence flottaient derrière la demoiselle. Elle sentait la lourdeur de ses
mèches tambouriner dans son dos au rythme cadencé de sa marche lente et
nonchalante. Toutefois, on décelait en elle une once de fierté.
Elle avait laissé le djydaan derrière elle, et à vrai dire, sans un regard en
arrière, elle avait tout abandonné : ses amours, ses passions. Sa vie.__________________
1. Kuronam : capitale de la province de Vernial
2. Kurone : Haut dirigeant de Vernial
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◌ Son Ruban à Cheveux ◌
FantasyLes filles de joies ne sont plus ce qu'elles étaient à Kuronam, capitale de la domination des Hommes sur les contrés enchantées de Vernial. Dans la mélodie de son instrument, on vient chercher Pyng pour son exécution. De sang froid elle a assassiné...