Chapitre 1 : À BOUT DE SOUFFLE

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Jeudi 7 février


Les journées passaient d'une lenteur aberrante. Je me sentais oppressé, comprimé, et pourtant prêt à exploser, dans cette foule uniforme et difforme à la fois, pour mieux m'éparpiller et me perdre.

Je n'avais jamais vraiment aimé les cours. À mon avis, on cherchait à nous faire rentrer dans la tête des notions sans vraiment nous dire quel en était l'intérêt, comment les utiliser, pourquoi les utiliser. C'était du gavage : on nous bourrait de formules, de définitions et de chiffres, pour au final nous soûler jusqu'à ce qu'on re vomisse tout aux examens. Et l'on n'en voyait pas la fin : l'utilité.
Tout ce qu'il nous en restait étaient ces maux de crâne à force de prises de tête, ces gorges nouées, brûlées, dues aux overdoses de stress et autres angoisses.

On voulait des choses qui nous apportent du plaisir, du bien, des réponses, de l'aide, des ressources, des choses positives qui nous intéressent. Alors oui, peut être que c'était bel et bien ce que voulait nous apporter l'école en théorie, mais alors pourquoi ne pas nous le prouver ?

Je n'en restais pas moins qu'un p'tit gars qui gardait ses aspirations du meilleur dans sa tête, ainsi que ses inspirations dans ses poumons, le souffle coupé, de peur de bouleverser le petit monde trop bien rangé, de manière illusoire, mais au moins sécuritaire.
Le souffle coupé, pour ne pas faire exploser les bulles en envols des autres aspirants autour de moi.

C'était bien une chose que l'école nous avait appris : respecter autrui. Vivre en communauté. Mais la communauté, dans la vision de l'éducation scolaire, c'est un rassemblement contrôlé depersonne. On nous mettait dans des salles, sur des tables séparées. On nous mettait dans une société fracturée en différentes cases voire différentes classes. On respectait autrui mais on ne se respectait pas soi même, puisqu'on faisait passer les besoins d'une société même pas représentative de ses membres avant notre intérieur personnel. Et ce n'était la non pas de l'altruisme, mais juste un certain respect forcé et souvent mal placé. Et donc de l'oppression. Le souffle coupé. Mais respecter autrui, ça ne serait pas plutôt pouvoir tous souffler, ensemble, en acceptant la manière de respirer des autres ? La manière de vivre donc ?

L'école m'avait au moins apporté une chose : j'avais su trouver des personnes avec qui respirer. On passait des moments ensemble que l'on pouvait qualifier de trêve. Notre moteur était notre souffle. Un ensemble de libertés et de vies diverses mais harmonieusement liées.

Seulement, je n'aurais jamais pu croire qu'il suffisait d'une altération pour que cette harmonie devienne cacophonie. Après tout, une personne pouvait vivre avec un seul poumon non ? Alors pourquoi la perte d'un seul membre nous avait comme coupé le souffle ?

Swann était partie.
Les questions où, quand, comment et pourquoi restaient intactes dans nos esprits malgré nos nombreuses attaques.
C'était plus qu'une place vide en classe ou un trou dans notre cercle lorsqu'on s'asseyait sous notre peuplier préféré. On ne pouvait même pas le qualifier de vide. C'était clairement un creux, une plaie, et on ne trouvait même pas le fil de nos réponses pour pouvoir être recousus.

Un jour elle n'était pas venue en cours. Alors évidemment nos hypothèses naïves et innocentes allaient de pair avec notre frustration.
On avait une règle dans le groupe : toujours prévenir si l'on ne venait pas. Que ce soit la veille ou le matin même, on savait bien à un moment où un autre si l'on était trop malade pour nous lever ou assez convaincant pour négocier avec nos parents une journée de repos.
On avait beau ne pas être en accord avec les règles éducatives ou sociétales en général, on n'avait pas moins besoin d'un cadre pour se sentir en sécurité, alors avec cette règle on s'en était créé un nous même.

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