Wish You Were Here

Chapitre 4 : CE QUE NOUS SOMMES

Samedi 16 février

J'attrapais la tasse fumante de café que Colleen me tendait. Notre nouvelle amie était aussi accueillante que sa maison était chaleureuse. Et il faut dire qu'en ce début d'hiver, tous assis en rond dans des canapés et autre poufs, nous nous sentions vraiment bien, même si on ne pouvait pas nier qu'à nous cinq, nous rendions l'appartement encore plus exiguë qu'il ne l'était déjà.

Colleen avait eu l'idée de nous inviter en ce samedi après midi pour qu'on fasse le point. D'abord sur notre rendez vous avec Arcotyme qui avait eu lieu trois jours plus tôt, mais aussi sur ce que nous savions de la disparition de Swann. Le détective avait raison, nous avions besoin de plus de matière pour savoir vers quelle direction construire notre enquête. Et s'il on voulait confronter les parents de Swann, nos arguments devaient être béton.

Ainsi, assis dans le salon de Colleen, qui elle-même nous avait rejoint après avoir servi tout le monde en boissons chaudes, nous attendions. Faire le point d'accord. Mais par où commencer ?

- On commence par quoi ? signa Mélanie, symbolisant notre sujet de réflexion à tous.

- Hum... désolée si c'est indiscret mais en fait... est ce que tu nous entends quand on parle ? Demanda notre hôte, qui semblait gênée de poser la question bien que ça avait l'air de la démanger.
C'était compréhensible. Même si nous voudrions le normaliser, la condition de notre amie n'était pas anodine et il n'y a qu'en s'instruisant qu'on pouvait se déconstruire de préjugés.

Rowan qui était particulièrement proche de Mélanie, se complétant l'un l'autre, répondit d'abord à sa place :
- Oui oui elle t'entend.
Puis il traduisit simplement ce que signa Mélanie en guise d'explication pour Colleen.
- Elle est matendante. Donc elle a du mal à percevoir tous les sons, certains lui sont trop agressifs pour son ouïe mais sinon elle comprend ce qu'on dit. Et elle ne parle pas parce qu'elle ne... peut pas.

- D'accord ! Je comprends mieux... n'hésite pas à me dire si je dois parler plus ou moins fort.
Mélanie adressa un sourire reconnaissant à Colleen avant que celle-ci poursuive :
- Et du coup, vous avez tous appris le langage... pardon la langue des signes pour communiquer avec elle ?

- À vrai dire, commença Romane, c'est Swann qui nous y a initié. Elle avait déjà des bases grâce à sa tante qui est sourde et lorsque Mélanie et elle se sont rencontrées au collège, elles sont directement devenues amies et elles ont appris l'une de l'autre pour mieux communiquer. Ensuite Swann nous a rencontré mon frère et moi en Seconde. On est tous devenus amis et Swann nous a traîné tous les week-end à des cours pour apprendre la langue des signes afin que Mélanie soit un membre à part entière du groupe et qu'elle puisse tout aussi bien s'exprimer que nous. Enfin, Adrian a débarqué en Première et il a lui-même commencé à apprendre, grâce à Swann encore une fois, même si il a le plus de retard...

J'haussai les épaules en souriant doucement, me rappelant des bons moments que ces cours avaient su m'offrir. Ces moments où notre groupe était au complet. Maintenant on est en Terminale et Swann...

- Mel...? Je relevais la tête pour voir Rowan s'adresser à Mélanie qui était en train de pleurer. Ils étaient assis tous les deux sur le même canapé et Rowan en profita pour la prendre dans ses bras, afin de la réconforter du mieux qu'il pouvait. Il lança un regard abasourdi à sa sœur, soulignant sa détresse face au mal-être de notre amie.

Je ne pouvais que la comprendre. Nous remémorer tout cela ne faisait qu'insister sur le fait que Swann n'était plus avec nous. Mon regard toujours fixé sur les deux qui s'enlacaient, je me souvins notamment du bien que Swann avait pu faire en présentant Mélanie et Rowan l'un à l'autre. Elle était le calme et la sérénité incarnée quand lui, nerveux, tourmenté, avait tendance à s'exprimer en explosions et en éclats. Elle avait su lui apprendre la tempérance quand il avait réussi à la faire sortir de sa zone de confort. Ils partageaient une affinité très forte et précieuse. Un équilibre tenu au départ par Swann.