d e u x

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C'est la rentrée. Je vais devoir y retourner. De nouveau, me faire harceler. Me faire rabaisser.

Je pourrais très bien me défendre, mais face à un groupe entièrement constitué de terminales, c'est impossible. La seule chose que je peux faire, c'est prier et espérer que mes harceleurs aient changé d'école.

— Prête ? me questionne mon père en débarquant dans ma chambre.

— Oui.

Il me scrute un moment, puis s'approche subitement de moi pour m'embrasser le front.

— Je t'aime, ma fille. N'oublies jamais cela.

— Je t'aime aussi, papa.

— Je sais que ce n'est pas facile de vivre comme ça, mais on le fait pour ton bien, tu sais.

— Ne t'inquiètes pas. Je le sais.

— Si tu as un quelconque problème, viens m'en parler. D'accord ?

— Oui.

— Bien. Je t'attends en bas. N'oublies pas la puce !

Je hoche simplement la tête avant que ce dernier ne me tourne le dos et ne sorte de ma chambre.
En quittant la maison, j'aperçois mon voisin. Le blond de la dernière fois. Il est dos à moi, alors je ne peux qu'admirer sa magnifique démarche.

Après une trentaine de minutes passées, me voilà devant mon lycée, mon père à mes côtés.
Mon corps est entièrement recouvert de mon éternel manteau noir fumé tandis que la capuche de ce dernier me recouvre la tête.

Je garde la tête baissée tout le long du chemin vers ma classe.

À chaque rentrée, mon père m'accompagne en classe et en profite pour expliquer mon cas au directeur et au professeur principal. Pour une élève normale de seconde, ça devrait être gênant. Mais, au contraire, ça me rassure de le savoir là, auprès de moi.

En pénétrant dans la salle, une vague de murmures naît parmi les élèves alors que mon père me dirige vers le professeur.

— Bonjour, introduit mon géniteur, je suis Monsieur Willow, et voici ma fille, Ellora.

— Bonjour . Ellora ? Ellora Willow ?

— Effectivement.

— Ne serait-ce pas le cas dont nous a parlé le directeur ?

— C'est bien que vous soyez déjà au courant. Dis bonjour, chérie.

Je relève la tête un bref instant pour voir à quoi ressemble mon professeur, puis la rabaisse aussitôt que c'est fait.

Il n'est pas aussi vieux et moche que je l'imaginais.

— Bonjour, monsieur, dis-je, timidement.

— Bonjour, Ellora. Je suis Monsieur Bucker.

Ne sachant pas quoi répondre, je me contente de hocher la tête.

— Eh bien, monsieur Bucker, ajoute mon père, je vous confie ma fille. Ellora est extrêmement timide, ne lui en voulez pas si elle ne parle pas très souvent.

— Ne vous inquiétez pas, vous pouvez partir en paix.

Tous deux se serrent la main, puis mon père s'éclipse. À ce moment-là, je suis comme déshabillée du regard par les autres élèves. J'ai honte. Je suis tellement gênée que mes jambes se mettent à trembler d'elles-mêmes.

J'ai l'impression de me retrouver totalement nue devant un amphithéâtre plein à craquer. Si je le pouvais, je m'enterrerais six pieds sous terre à ce instant précis.

— Eh bien, Ellora, présente-toi brièvement à tes camarades et va t'asseoir à une place libre, veux-tu ?

Je m'éclaircis la gorge, puis prononce le plus fortement possible :

— Bonjour, je m'appelle Ellora. J'espère qu'on pourra bien s'entendre ...

Après quoi, Mr.Bucket m'indique de m'asseoir où bon me semble.

En balayant la salle des yeux, je reconnais deux trois visages de l'année dernière. Des personnes avec lesquelles j'étudiais dans la même salle de classe, mais qui, pourtant, ne m'ont jamais adressé la parole ne serait-ce qu'une seule fois en neuf mois de cours. Je soupire intérieurement, puis m'installe dans le fond de la classe.

— Monsieur ! hurle un élève.

— Oui ?

— Pourquoi elle a un manteau alors qu'on est en plein été ?

Tout de suite, une vague de murmures acquiesçant les propos du jeune homme se réveille. Je me sens immédiatement mal.

Le professeur déglutit, avant de dire :

— Eh bien les enfants, adressez plutôt cette question à la concernée. Ellora, tu veux bien leur expliquer ?

Oh non..

— Avec tout le respect que je vous dois, monsieur, je ne me sens pas capable d'en parler.

— Oh, ça va, fais pas ta go ! dit une voix parmi la foule d'élèves.

Je baisse la tête encore plus qu'elle ne l'était déjà. Je ne fais pas la "go", je n'ai juste pas envie d'en parler pour ensuite devoir supporter la pitié ou même les moqueries des autres.

— Silence ! hurle Mr.Bucket. Ellora a dit qu'elle ne voulait pas en parler, alors respectez son choix. Si j'entends ne serait-ce qu'une mouche voler, tout le monde sera collé. Sauf Willow.

Aïe..
Les profs ne s'en rendent pas forcément compte, mais c'est très souvent à cause d'eux qu'on se fait harceler...

𝐁𝐈𝐅𝐔𝐑𝐂𝐀𝐓𝐈𝐎𝐍 ━━━━━ 𝑬𝒍𝒍𝒐𝒓𝒂Où les histoires vivent. Découvrez maintenant