Chimère

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L'heure du rat approchait. Comme spécifié dans le message qu'elle lui avait remis quelques heures plus tôt, elle l'attendait à l'abri des regards indiscrets sous le pavillon de son jardin privé. Pour plus de précautions, elle avait congédié ses servantes et interdit l'accès à l'arrière-cour du palais.

Une fois de plus, l'incertitude s'insinuait en elle. Elle n'avait aucun doute sur ses capacités à s'infiltrer dans un endroit aussi sécurisé. Ce qu'elle craignait en revanche, c'était son indifférence.

Peut-être avait-elle commis une erreur en lui imposant ainsi sa volonté de le revoir ?

Sous le ciel étoilé, les grillons chantaient de concert avec le clapotis de l'eau produit par le ruisseau artificiel qui entourait le pavillon. La chaleur accablante de la journée retombait lentement à mesure que la lune montait dans le ciel, tandis que la douce odeur des chèvrefeuilles se diffusait dans la nuit.

Alors qu'elle contemplait ce paysage onirique, elle se sentit soudain envahie d'un étrange sentiment de sérénité. Le chant des grillons avait cessé, et la voix de celui qu'elle attendait s'éleva doucement derrière elle.

Pendant un instant, elle crut que ses sens lui jouaient des tours, mais lorsqu'elle se retourna pour lui faire face, son cœur se gonfla de bonheur. C'était bien lui. Il se tenait là, juste devant elle, sans aucun obstacle pour les séparer. Elle s'en voulait de n'avoir jamais douté de lui.

Leur longue agonie arrivait finalement à son terme. Elle brûlait d'envie lui de exprimer son soulagement, de lui avouer enfin ce qu'elle avait sur le cœur, mais en fut complètement incapable, tant l'émotion lui nouait la gorge. Alors que ses jambes menaçaient de lui faire défaut, elle se jeta dans ses bras, s'agrippant de toutes ses forces. Pour répondre à son geste, il la serra contre son torse, si fort qu'il crut l'étouffer. Tous deux n'osaient plus relâcher leur étreinte de peur que l'autre ne leur échappe à nouveau.

La tête enfouie dans la tunique de l'homme, elle se retenait tant bien que mal d'éclater en sanglots. Lorsqu'elle releva finalement la tête vers lui, il desserra son étreinte et posa délicatement sa main sur sa joue pour essuyer tendrement les larmes de joie qui perlaient de ses yeux, à l'aide de son pouce. Se faisant, il détailla chaque trait de son visage, comme s'il doutait encore que ce ne soit vraiment elle. Elle aurait voulu s'excuser de ce comportement honteux, mais avant qu'elle n'ait pu prononcer le moindre mot, il lui releva le menton et déposa un baiser sur ses lèvres.

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