C h a p i t r e Q u a t r e

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North Lincoln – Chicago

Je ne sais plus à quelle heure nous nous étions assoupies Ava et moi mais se fût un désastre. Bon nombre de fois où, réveillée en sursaut j'accourais dans la chambre d'Ashton avant de m'apercevoir qu'il avait bel et bien disparu et que ce n'était pas qu'un simple rêve.

Après crises de larmes, crises d'angoisses et culpabilité, je m'étais réveillée dans le lit de mon frère, la tête si lourde que j'avais l'impression de m'écrouler à tout moment.

Ce fût les coups de sonnettes effrénés de ma mère qui m'ont réveillée. Elle était seule, mon père avait jugé bon de rester à Boston et passer quelques coups de fil de son côté. Rien d'étonnant, mon père n'était pas le genre d'homme à se déplacer, même lorsqu'il était question de ses enfants.

Assise sur ce qui restait de mon canapé, je contemplais ma mère. Elle qui, d'habitude était parfaitement coiffée, maquillée semblait avoir passé une aussi mauvaise nuit que la mienne. Ses rides s'étaient davantage creusées, son front était plissé comme lorsqu'elle était contrariée. Elle ne cessait de triturer nerveusement sa bague que mon père lui avait offert.

Avalyn nous avait fait du thé, mais aucune de nous trois n'avions réellement cœur à boire.

« Veux-tu rentrer à la maison ? » me demanda ma mère en m'arrachant à mes pensées.

Rentrer à la maison aurait pu être tentant mais j'avais l'impression que, si je venais à quitter Chicago, je quittais Ashton et la possibilité qu'il puisse revenir un jour à l'appartement. J'étais intiment convaincue que je devais rester ici. Et puis rentrer chez moi, signifiait rentrer chez mon père. Vivre sous son joug durant tant d'années avait été un calvaire. Je tenais beaucoup trop à mon indépendance.

J'hochai simplement la tête, faisant comprendre à ma mère que je ne souhaitais pas retourner à Boston.

Tout semblait si irréel. La situation était incroyable. Ma mère assise là, dans mon appartement, Avalyn qui lui faisait la conversation, pour combler le silence pesant qui régnait. Et puis moi, naïve, idiote finie. Attendre ici que mon frère revienne ? J'aurai pu rire tant la situation était improbable. J'aurai pu, mais je n'ai rien fait.

Je me suis contentée de fixer ma mère en essayant de me rappeler la dernière fois que je l'avais vu pleurer. Mes parents n'étaient pas de grands sentimentaux, leurs émotions étaient si bien contenues que parfois, j'avais l'impression de m'adresser à des robots. Pourtant, je savais qu'ils nous aimaient à leur façon, aussi tordue puisse-t-elle être.

J'étais si perdue dans mes pensées que je ne la vis pas tout de suite. La bague que triturait ma mère. Elle l'avait déposée sur la table basse avant de se diriger vers la salle de bain.

Je n'y avais jamais réellement prêté attention. Elle ressemblait à toute les bagues que l'on pouvait trouver sur le marché et pourtant. En la prenant dans mes mains je me rendis compte qu'il y'avait une inscription gravée au sein de la bague. Je l'apportai à la lumière, et j'étouffai un cri.

Ce que j'avais pris pour des inscriptions étaient en réalité des gravures identiques en tout point à ce que j'avais trouvé plutôt sur la flèche ramassée et le cercle devant la porte.

Mes mains tremblèrent malgré moi, je sentais la panique me gagner sans même en connaître la raison. Était-ce une coïncidence ? Pourquoi ma mère avait cette bague ? d'où provenait-elle ? Y'avait-il un lien avec ce qui était arrivé à l'homme et à mon frère ?

Alors que j'entendis ma mère revenir vers le salon, je remis à la hâte la bague sur la table et cachai mes mains derrière mon dos, évitant ainsi de mettre à jour leur tremblement.

Essayant de stopper les battants frénétiques de mon cœur, je portai ma concentration sur ma mère qui venait de se poser à sa place et de remettre sa bague. Elle y porta une attention plus particulière, comme si elle s'était aperçue de sa disparition. Elle leva ses yeux gris vers les miens et s'apprêta à me parler quand elle fut coupée par Avalyn, revenue de la cuisine.

- Je sais que le cœur n'y est pas forcément mais je me suis dit qu'il fallait se nourrir, déclara timidement ma voisine en posant devant nous quelques gâteaux et des brioches.

- Ceci est très gentil de ta part Avalyn mais j'ai bien peur de devoir refuser. Je dois vous quitter, j'ai rendez-vous avec Garren Gallengh pour discuter des avancées de cette affaire. Elle se tourna vers moi et continua, ton père l'a chargé de l'affaire d'Ashton et il aimerait que je m'entretienne avec lui. Je reviendrai demain. 

Elle se leva du canapé nous fit un simple signe de tête et se dirigea vers la porte d'entrée. Alors qu'elle posa sa main sur la poignée, elle se tourna vers moi et me dit « Il y'a certaines choses Mazeen dont nous devons parler toutes les deux. » et sorti.

« Bon, que se passe-t-il au juste ? » demanda doucement Avalyn après que ma mère soit sortie.

Je fis mine de ne pas comprendre et haussai simplement les épaules.

« Mazeen » menaça Ava en me lançant un regard mi agacé mi compatissant.

Je soufflai et me tournai vers elle. Je ne voulais pas la mêler à tout ceci mais il fallait l'admettre : j'allais avoir besoin d'aide pour comprendre ce bordel sans nom.

- Tu vois la bague que tenait ma mère entre ses mains ? Celle qui était posée sur la table ?  questionnai-je Avalyn en lui indiquant ma table basse de la tête. Elle opina du chef. Eh bien, je l'ai observée et il se trouve qu'à l'intérieur de cette bague, se trouve les mêmes dessins que j'ai trouvé sur la flèche ramassée et le cercle dessiné devant la porte de la chambre d'Ashton. 

Avalyn ouvrit la bouche puis la referma. Tout aussi perdue et abasourdie que moi.

- Tu ne penses tout de même pas que ce serait lié... ? 

J'haussai les épaules pour toute réponse. Je n'étais plus sûre de rien, j'étais totalement paumée et rien n'avait de sens donc pourquoi pas cette hypothèse ?

- Je ne sais pas mais tu avouerais que la coïncidence est beaucoup trop grosse non ? 

- Qui pourrait en vouloir autant à tes parents pour s'en prendre à ton frère ?  répliqua Ava.

La liste était longue.

Mon père s'était engagé dans la politique pour devenir Maire après avoir occupé le poste de Chef de Police à Boston. Au fil des années, il s'était fait un carnet d'adresse ainsi qu'une liste d'ennemis à rallonge.

Robert Delcourt était un homme de pouvoir, un businessman qui n'avait pas froid aux yeux et qui n'avait pas peur de se salir les mains. Il était normal et même attendu que certaines personnes lui voudraient du mal mais au point de s'en prendre à sa famille ?

« Je n'en sais rien, répondis-je en soufflant de désespoir. Mon père n'était pas non plus aimé de tous, ça ne m'étonnerait pas que l'on ait pu s'en prendre à Ashton pour l'atteindre. Mais pour quelle raison au juste ? Et pourquoi auraient-ils tué l'homme à l'extérieur ? Ça n'a pas de sens. Puis, pourquoi aussi laisser ce dessin devant la porte ? N'aurait-il pas fallu laisser un mot, une demande de rançon ? » toutes ces questions me donnaient le tournis.

Il y'avait peu de choses qui avaient du sens dans ma vie monotone et, ce qui s'était produit en l'espace de vingt-quatre heures n'en faisait définitivement pas parti.

Venefica - L'EveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant