1. I wanted it I wanted it bad.

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Je n'ai rien demandé de lui, vraiment rien. Ce sale con me colle à la peau alors que la dernière chose dont j'ai besoin, c'est lui. J'ai besoin de personne. Même mes parents sont complètement inutiles. Je me suis, pour ainsi dire, élevée toute seule. Je suis allée à l'école, comme tout le monde, mais j'étais toujours au fond de la classe, parce que quand j'étais petite, à part mes parents et mon grand frère, personne n'avait le droit de m'approcher. Je les mordais, ou je fuyais, parce que le monde me faisait peur, très peur. J'étais tellement terrifiée par ce qui se passait autour de moi que j'ai développé mes propres mécanismes de défense. Aujourd'hui, je n'ai pas beaucoup changé... Enfin, disons que mon cercle de personnes acceptées et acceptables s'est encore restreint. Maintenant, seul mon frère, mon grand frère adoré pour qui mon amour n'a aucune limite -lui seul a le droit de m'approcher, de me parler, d'être proche de moi. Max a peur de moi parfois, je le sais, parce que quand je suis en colère contre tout le monde, je deviens toute rouge, et j'ai chaud, et ça m'arrive de tout claquer par terre et de me faire mal. Mais Maximilien est gentil, lui, il ne me met jamais en colère. Juste mes parents, et lui, et mes parents, et des gens de mon lycée, et lui. Lui, tout le temps.

Au lycée, personne ne me regarde. Je ne suis pas jolie, non, je suis banale, juste banale. Pas moche, mais pas jolie non plus. Je n'attire pas le regard. Je suis un peu ronde, parce que j'aime beaucoup quand Max me fait des cookies, ou des muffins aux smarties. Il est vraiment gentil Max, je l'aime fort, lui. Max me dit toujours que je suis jolie, et ensuite il me retire mes lunettes et me fait un bisou sur le front, et après on discute ensemble. On parle souvent d'une fille qu'il aime bien, je pense que c'est sa copine, enfin je crois. Je ne suis pas jalouse d'elle, mais j'ai peur que Max s'en aille et me laisse seule avec mes parents et les gens autour.

Au lycée, il n'y a que lui qui me regarde. Je ne suis jamais vraiment sûre de savoir si je l'intéresse, si je l'intrigue, ou s'il se moque de moi. Je ne suis pas idiote, à mon âge, je sais ce que les garçons attendent de moi, mais je ne veux pas. Je n'en ai pas envie, ça ne me dit rien. Mais lui, Liam, je crois qu'il en a envie. En tout cas, c'est ce que j'ai cru entendre quand il parlait à Danielle, ou Sophia, je ne sais plus, peut-être les deux. Je ne veux pas tomber amoureuse, parce que je ne veux pas qu'on me fasse du mal. Peu importe ce que Max a pu me raconter, je sais que si je tombe amoureuse de quelqu'un, je vais avoir mal, comme un énorme trou, un énorme gouffre béant à la place du coeur. Je ne veux pas de ça, je ne veux pas pleurer. Tout ce que je voudrais, c'est être normale, et que personne ne me regarde comme si j'étais un fauve en cage. Parce que dans ma tête, tout est clair. Je ne suis pas débile, je réfléchis comme quelqu'un de normal. Mais je n'arrive pas à communiquer avec les gens, parce qu'ils sont idiots, mesquins, profiteurs, menteurs, méchants, affables, prétentieux, suffisants, ignorants, et ils ne savent pas comment je réfléchis, moi. C'est à cause de ça qu'ils ne comprennent pas. C'est parce qu'ils sont tout ça à la fois qu'ils n'arrivent pas à comprendre qui je suis, moi, Céleste Labonair, habitante de la Nouvelle Orléans. La Nouvelle Orléans, je ne la quitterai jamais. C'est ma maison, je m'y sens bien. Le Vieux Carré est joli à visiter; il y a plein de boutiques de sorcellerie, avec des vieux grimoires qui sentent bon l'ancien, et les herbes du bayou. Au Vieux Carré, il y a des fleurs partout. A Mardi Gras, tout le monde se déguise, on raconte des histoires qui font peur, des histoires avec des vampires, des loups, des sorcières ancestrales, et on mange aussi. On chante tout le temps dans ma ville. J'aime bien rester dehors, parfois, après l'école. Je reste dans la rue des Ursulines, et je regarde les femmes habillées tout en blanc qui font semblant de faire des rituels vodoos pour les touristes. J'aime aussi écouter les saxophonistes qui jouent devant les bars, mais ce que j'aime le plus, ce sont les marching bands. Papa m'emmenait souvent en voir quand j'étais petite, et j'ai gardé ce goût pour ces petits groupes de musiciens, chargés jusque par dessus tête, et qui jouent encore et encore, sans s'arrêter, des airs de jazz, cette musique que j'aime tant. Le jazz, c'est plus qu'une musique, c'est une thérapie. Le jazz me met de la chaleur dans le coeur quand il pleut, ou quand Max n'est pas là. Les sons me rappellent ma grand-mère Charlotte. Grams était spéciale. Je vais souvent au cimetière pour lui apporter des fleurs, et je lui parle souvent, très souvent. Quand je vais la voir, je sais qu'il est là. Il me suit tout le temps, comme s'il cherchait quelque chose, ou comme s'il attendait que je lui adresse la parole.

Liam est comme moi, il est souvent taciturne, il ne parle pas pour ne rien dire. Enfin, il est comme ça quand je suis là, au lycée il est complètement différent. Il parle, il rit, il fait des blagues que je trouve idiotes et puériles, et souvent il dessine. Il dessine le cimetière. Il dessine le Vieux Carré que j'aime tant. Il dessine les fleurs. Il met des images sur les histoires des anciens, et sur les légendes du bayou. Liam dessine bien, très bien, et il dessine ce que j'aime regarder. Ses dessins mettent du chaud dans mon coeur, comme le son du saxophone ou l'odeur des processions, le dimanche à la sortie de l'église Sainte Anne. Mais Liam ne sait pas que j'existe. Il ne fait que dessiner. Il me regarde mais il ne sait pas qui se cache derrière la gourde à lunettes, celle à qui je ressemble. Les esprits qui se cachent dans ma tête me disent de faire attention, et de me méfier : il va m'arriver quelque chose que je vais regretter, et contre lequel je ne pourrai plus rien.

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Voilà le premier chapitre ! J'espère de tout mon coeur qu'il vous a plu, et que l'histoire vous a interpelés... Je souhaite sincèrement poster la suite très bientôt, je vous embrasse très fort.

Florine.

Left Behind.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant