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PDV Dean :

Le vent soufflait légèrement, ébouriffant mes cheveux qui se mêlaient avec grâce aux couleurs de ce somptueux coucher de soleil. Et inlassablement, je me sentais attiré par les premières noirceurs qui naissaient alors. Assis sur le bord du toit de la maison familiale, je n'avais de cesse de penser à cette contradiction qui naissait en moi comme une idée radicale que rien ne saurait éradiquer. Je ne savais pas comment extirper cette étrange idée qu'était celle qui consistait à croire qu'une certaine vilenie pouvait faire partie de mon être. Je veux dire, j'étais sensé être « du bon côté », alors même cette simple pensée me paniquait bien plus que de raison. Mais je devais être lucide sur une chose : quand bien même elle était effrayante, elle trahissait un certain doute. Et si Dieu le père m'avait fait.. Différemment pour une quelconque raison ?

Les preuves s'étaient accumulées, bien contre moi d'ailleurs, dans le sens ou j'avais tout fait pour les oublier. Mais il semblait qu'en ce début de soirée elles décidaient de revenir à la charge, histoire de me tourmenter. Pour commencer, avant d'expliquer tout ce que je pensais être des preuves, je devais me remémorer ce que je savais déjà.

Le monde était séparé en trois grandes familles qu'étaient les suivantes : les Anges, l'Humanité et les Démons. Les premiers ayant été missionnés par Dieu pour venir en aide aux seconds tandis que les troisièmes avaient pour but l'éliminer les précédents. Ce qui expliquait généralement pourquoi les miracles se produisaient à 15h et les horreurs à 3h. Mais une loi avait été établie selon laquelle les Anges devaient vivre le jour et les Démons la nuit, quand les humains n'avaient aucune limite puisque inconscients de la réelle condition du monde qu'ils peuplaient depuis peu de temps, finalement.

Et dans tout ce bordel, je m'étais rendu compte j'avais une aptitude assez atypique qui consistait à apercevoir les démons, même en journée, lorsqu'ils étaient sensés être invisibles au yeux de tous, même des Anges. Que j'étais capable de rentrer en contact avec eux, alors que cela était pourtant impossible. Nous n'étions pas fais pour nous croiser, dans le but d'éviter un apocalypse certain si cela devait se produire, un jour. Puis, il y avait tous ces rêves étranges ou je développais des capacités surprenantes pour un Ange.

Je me grattais l'arrière du crâne avant de soupirer. Que faire ? J'étais tenté par la sombre ruelle qui se trouvait là, plus bas. Je pouvais la voir comme si j'y étais déjà. Mais la véritable question à se poser n'était pas tant de savoir ce que je devais faire mais plutôt quel était le coût véritable de cette même pensée qui m'eut effleuré à l'instant même ou j'avais réalisé l'évidence.

Quelque chose clochait chez moi, je ne pouvais pas le nier. Mais quelque part, j'étais terrorisé par cette impureté qui semblait être mienne. Comme si je salissais le nom d'Ange en me comportant de la sorte. Je me mordais furieusement les lèvres. J'ignorais tout de moi-même. Je ne savais pas de quoi j'étais capable et de ce que je devais faire pour trouver la réponse existentielle de savoir qui j'étais réellement au fond et non qui j'étais supposé être aux yeux du monde. Je soupirais une nouvelle fois avant de fermer mes quinquets quelques instants.

Je priais silencieusement le Seigneur de m'envoyer un quelconque signe qui pourrait me dire quoi faire. Alors, à la suite de cette requête, j'attendais quelques instants que quelque chose se produise, qu'un signe s'offre à moi comme pour me dire « Vas-y, tu es béni. » J'étais entrain de désespérer lorsque j'ouvris subitement les yeux, observant d'un œil consciencieux cette étoile filante défiler si rapidement que j'aurai dû la rater de peu. Je sentais des larmes perler au coin de mes iris. N'était-ce pas là la preuve que j'attendais pour me donner bonne conscience si jamais le pire arrivait ?

Je serrais la mâchoire. J'avais si peur, j'étais véritablement apeuré. Mais je sentais que je devais le faire, au fond. Que je devais tenter, parce qu'au final, je n'avais rien à perdre de plus. Que si je décidais encore d'ignorer cette part obscure de moi-même, je finirais par en mourir, ou pire. Je n'étais plus innocent, maintenant. Je ne pouvais plus feinter comme si de rien n'était. Je devais prendre mes responsabilités quand bien même ce n'était pas mon intention première de différer.

J'hésitais encore quelques instants. Comment protéger ma vie si je ne demeurais pas ici la nuit ? Je me remémorais ce qu'on m'avait appris. Difforme, vicieux, monstrueux. Tel était ainsi qu'étaient décrits les démons par les êtres supérieurs qui m'eut enseigné tout ce que je savais. Et je devais leur obéir. D'ailleurs, je n'étais même pas certains que ce besoin de liberté soit normal à ressentir. A l'abri derrière mes fenêtres la nuit, je les observais sans rien savoir d'eux et pourtant ils m'attiraient, inlassablement. Je les voyais sans qu'ils n'en aient conscience. Et rien qu'une seule seule seconde dans leur monde ténébreux me semblait être le salut que j'attendais.

A la seconde ou mes aîles s'ouvrirent, je sentis que je ne pouvais plus faire marche arrière. Je bondis alors du sommet du toit, m'envolant dans cette aventure inconnue qui m'attendait. Et j'étais loin de me douter de tout ce qui allait m'arriver, que je venais de quitter la prison qui m'empêchait réellement de me découvrir tel que j'étais au plus profond de mon être, sans fards ni artifices que tout ce qu'on avait voulu bien me dire.

[…]

Cette sensation de liberté était si majestueuse que cette fois-ci, je n'empêchais aucunement les larmes de couleur le long de mes joues. C'était tellement magique de pouvoir traverser toutes ces rues noircies par les ténèbres de cette heure sombre. Je me surpris même à sourire, épris d'un frisson qu'était le goût du risque. Je vivais actuellement l'un des plus beaux moments de ma vie.

C'était sans compter la véritable nature de la plupart des démons, qui ne prirent pas longtemps à me découvrir. Et alors que je m'aventurais dans le virage au coin d'une rue, je fus attrapé au vol par une créature des plus répugnantes. Sous le choc, je ne sus comment réagir, et me laisser tomber au sol. Je rangeais rapidement mes ailes, mais le mal était fait depuis bien trop longtemps maintenant. La véritable partie allait pouvoir débuter. Et apparemment, au vue de tous les monstres qui se trouvaient devant moi, c'était clairement mal parti.

Ange et Démon - DestielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant