34 : L'erreur de Tao

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34.
L'erreur de Tao


Brésil, 1985



— Tao !

Ce dernier crut d'abord à une hallucination lorsqu'il vit une silhouette élancée aux épais cheveux bouclés et à la peau marron surgir de l'autre bout du couloir. Bouchée bée il regard Armeline le rejoindre dans la bibliothèque. L'argentine était essoufflée, les joues rouges et le souffle court d'avoir visiblement couru pour le rejoindre.

— Mais... Mais... Qu'est-ce que... Mais tu n'étais pas à Salvador de Bahia ? fut tout ce qu'il parvint à balbutier, pris de court.

— On est revenu dès qu'on a eu le message de Leon concernant Azalée. En transplanant, précisa-t-elle en voyant les sourcils de Tao se froncer. J'ai eu mon permis le mois dernier.

Armeline posa son sac et sa bouteille d'eau sur le table avant de poser un regard interrogatif sur le livre que le péruvien tenait entre ses mains.

— C'est un dictionnaire de langues anciennes, l'informa le concerné en devinant les pensées de la jeune femme. Normalement, la langue inca en fait partie.

Le regard d'Armeline s'illumina d'espoir devant les paroles de son ami et les deux sorciers se mirent aussitôt au travail en silence. Non seulement ils devaient traduire les inscriptions de la stèle, mais également celle qui avaient été inscrites sur le mur sans qu'ils n'y prêtent attention.

Seulement, si sur le papier cela paraissait simple, ça l'était beaucoup moins dans la réalité. Les deux adolescents eurent beau tourner et retourner les pages du livre, les symboles ne correspondaient pas. Ils se ressemblaient, certes, mais aucun n'apparaissaient dans le dictionnaire. Parfois, Tao sentait l'espoir gonfler en voyant une similitude exagérée entre eux, mais il retombait aussitôt en constatant qu'ils n'étaient pas exactement identique et donc que le sens des mots changeait complètement.

— Je ne comprends pas, s'énerva le péruvien, en perdant patience, brisant le silence qui s'était installé depuis plusieurs minutes. Tamanduas a confirmé que ça ressemblait à de l'écriture inca ! Pourtant aucun des symboles ne concorde...

Armeline eut une moue désolée, la déception luisant dans ses prunelles sombres. Elle non plus ne comprenait pas, mais les faits étaient devant eux : ils se trouvaient à nouveau devant une impasse. Et une fois encore, leur incapacité à trouver la solution à l'énigme mettait en danger une amie.

Tao sentait l'agacement lui monter au nez devant leur impuissance. Il ne supportait plus de rester inactif et passif alors qu'Azalée avait disparu, sans doute était-elle-même en danger. Rowena et Leon la cherchaient sans doute sans relâche dans l'école et lui, lui il restait les bras ballants devant un livre qui ne lui était d'aucune utilité. Son inutilité lui fit grincer des dents, une fois de plus.

— Ça m'énerve !

Dans un geste brûlant de colère, il envoya valser le livre, et dans le mouvement, entraîna le sac d'Armeline avec celui-ci. Il déversa son contenu sur le sol : plumes, encrier, livres, et même la trousse de toilette que l'argentine avait emmené avec elle pour son week-end à Salvador de Bahia.

— Je suis désolé, marmonna honteusement le péruvien en se baissant pour aider son amie à ramasser ses affaires.

En posant sa main sur le miroir échappé de la trousse de toilette – miraculeusement intact – de l'argentine, il eut soudain une idée. Une idée qui allait sûrement apparaître comme désespérée au yeux d'Armeline, mais après tout n'étaient-ils pas justement désespérés ? Il sentit l'excitation le gagner alors qu'il resserrait sa prise sur le miroir. Il croisa le regard de son amie et lorsque cette dernière aperçut la lueur fébrile dans les pupilles de Tao, il sut qu'elle avait deviné sa pensée.

— Et si, pour une quelconque raison, les symboles avaient été inscrits à l'envers ?

Le visage triste d'Armeline s'illumina.

Les deux sorciers ne perdirent pas plus de temps et ils s'empressèrent d'ouvrir à nouveau le livre. Armeline retourna le parchemin sur lequel ils avaient retranscrits les mots de la stèle et les symboles parurent soudain beaucoup plus familiers aux deux adolescents. Tao se serait donné des claques s'ils n'étaient pas aussi pressé par le temps. Il se maudit mentalement de ne pas y avoir pensé avant. Quel idiot !

— Sur la stèle, on peut lire les mots « sacrifice » et le nom de Supay, le dieu de la mort chez les incas dont l'Occamy nous a parlé, traduisit Armeline en comparant les symboles légèrement effacés de la stèle à ceux du livre. Le reste est illisible, ça peut aussi bien être ce symbole, ou celui-là, ou encore celui-ci. Impossible de deviner, comme ils ont été partiellement effacés.

— On dirait que l'Occamy avait raison, grommela Tao avec une grimace. Il y a effectivement eu un sacrifice humain entre les murs de Castelobruxo...

Ils s'attaquèrent ensuite aux écritures qui étaient apparus sur le mur. Les sourcils des deux sorciers se froncèrent à mesure qu'ils traduisaient les inscriptions incas. Sans qu'il ne sache réellement pourquoi, le cœur de Tao tambourinaient excessivement vite dans sa cage thoracique.

— On dirait des caractéristiques physiques, murmura Armeline. Regarde, cet ensemble de caractère devrait signifier « jeune fille » et ceux-là « des cheveux ... ». Je ne comprends pas le dernier mot...

— Ébène, lâcha soudain d'une voix blanche Tao en levant le nez du livre dans lequel il était plongé. « Des cheveux comme l'ébène », autrement dit des cheveux noirs !

Il croisa le regard d'Armeline et sentit soudain son sang se glacer à l'intérieur de ses veines à mesure qu'une hypothèse naissait dans son esprit. Le fait que les deux inscriptions aient été écrites dans la même langue ne pouvait pas être un hasard. Elles étaient liées. Et si la première mentionnait un sacrifice, alors la deuxième...

— La deuxième décrit celle qui a été choisi pour servir de sacrifice, supposa Armeline, le visage blême.

Azalée, que tout semblait placer en tête de liste ne pouvait pas être la victime désignée, pour la simple et bonne raison que ses cheveux n'étaient pas noirs. Tao prit soudain conscience qu'une autre personne avait été, tout comme la blonde, au cœur des attaques de cette force sombre. Et qu'il était complètement passé à côté, obnubilé qu'ils l'était pas les problèmes d'Azalée et leur enquête.

— Rowena, lâcha le péruvien d'une voix tremblante.

Les fantômes de Castelobruxo ❊ HP FANFICOù les histoires vivent. Découvrez maintenant