Il devait s'être écoulé une heure quand Kristel rentra chez elle.
— Te voilà! l'accueillit sa mère en la serrant dans ses bras. Tu étais où?
— J'étais juste sortie marcher.
Quelques secondes de silence passèrent. Sa mère échangea un regard interrogatif avec son père. Ce dernier hocha la tête.
— Il faudrait qu'on te parle de quelque chose, ça fait longtemps qu'on aurait dû le faire, commença lentement celui-ci.
Kristel n'eut pas besoin d'entendre la suite: ils voulaient lui parler de son don.
— S'il-te-plaît, écoute-nous jusqu'à la fin, continua-t-il.
La jeune fille regarda ses parents à tour de rôle, leurs regards étaient emplis d'inquiétude. Avant qu'il est pu ouvrir la bouche de nouveau, elle prit la parole:
— Je sais, je viens juste de le découvrir.
Sur-ce, elle leur déballa tout.
— Nous voulions te le dire plus tôt, mais on ne savait pas comment, s'excusa sa mère. Et ce matin, quand on a vu que tu étais partie, on a su que...
Sa voix s'étrangla. Ce don pouvait attirer des ennuis. Quand ceux-ci pourraient-ils trouver sa fille? À tout moment. La garder dans l'ignorance aussi longtemps était l'une des pires choses à faire.
— C'est correct, c'est peut-être mieux que je l'ai découvert comme ça, peut-être que je vous aurais pas cru, dit Kristel.
Qui pouvait croire aux fantômes aussi facilement sans en avoir vus?
—-—-—-—
Ce fut seulement le lendemain qu'elle revit Andréane. Comme la veille, elle l'amena dans la vieille bâtisse.
Bien que ses pas étaient légèrement hésitants, Kristel avait déjà plus confiance en sachant ce qu'elle allait y découvrir.
Elle retrouva Léonard tout au fond.
— Content de te revoir, allez, viens, l'accueillit-il en souriant chaleureusement.
Kristel accélèra le pas.
— Hier, je ne t'ai que parlé des grandes lignes, commença-t-il une fois qu'elle l'eut rejoint.
Ils étaient tous deux assis sur de vieilles chaises de bois.
— Aujourd'hui, j'aimerais te parler de notre rôle.
Il n'avait pas encore débuté son explication et, déjà, l'adolescente était pendue à ses lèvres. Son rôle?
Elle hocha doucement la tête attendant la suite.
— Je t'avais déjà dit que nous, mi-mortem, vivons dans les deux mondes, nous veillons à ce que l'équilibre reste.
Il attendit que son arrière-petite-fille confirme avant d'enchaîner.
Comme les interactions entre morts et vivants n'étaient pas extrêmement fréquents, ils pouvaient se concentrer sur les premiers. Certains fantômes pouvaient vieillir, d'autre non, pour ceux qui n'aimeraient pas leur situation, certain mi-mortem pouvait se charger d'inverser ceci.
C'étaient leur seul rôle dans le meilleur des cas. Malheureusement, tout n'allait pas.
Être mort, n'était pas bien différent qu'être vivant, à la différence que les premiers n'avaient pas à se préoccuper de leur santé. Comme les seconds, ils devaient eux aussi avoir une police, voir des psychologues... Les mi-mortems étaient les «polices».
Avec le temps, Kristel allait de plus en plus être plongée dans les deux univers. Pour l'instant, son don, que trop peu évolué, ne lui permettait pas de voir tous les morts, que quelques-uns.
Les mi-mortems ou demis-morts se chargeaient de s'assurer que les spectres respectaient les vivants, qu'ils n'essayaient pas de se venger pour une quelconque raison ou de faire toute autre chose nuisible. Ils n'intervenaient que si une situation devenait grave.
— Mais dernièrement... dit Léonard l'air soudain grave.
Kristel se pencha un peu en avant, attendant la suite. Le brusque changement d'humeur de son arrière grand-père avait piqué sa curiosité au vif, ce qui était un miracle, car la jeune fille pensait qu'elle avait déjà atteint son summum. Son bisaïeul fixait le vide, perdu dans ses pensées.
— Mais dernièrement... demanda-t-elle.
Cette intervention le ramena dans un sursaut. Il secoua la tête pour se ressaisir. Il plongea ses yeux généralement emplis de chaleur et de tendresse, qui ne reflétaient plus que la peur et l'angoisse, dans ceux de sa descendante.
— Laisse faire, je t'en parlerai une autre fois.
Son ton était neutre. Kristel y sentait l'inquiétude. Pas de doute, elle touchait à quelque chose, une chose qui semblait aux antipodes du mot « agréable ».
— Mais... s'avança-t-elle.
— Non, on n'en discute pas, pas aujourd'hui, tenu fermement Léonard.
Sa tête légèrement penchée sur le côté, elle le regarda en plissant les yeux, Qu'est-ce qui pouvait avoir d'aussi grave? Elle avait souvent entendu parler de son arrière-grand-père, mais ce regard perdu, apeuré, n'allait pas avec l'homme plein de vie qu'elle s'était figuré.
— Tu devrais rentrer, finit-il par dire.
— Mais...
Les mots restèrent bloqués dans sa gorge. Éberluée et, elle devait l'admettre, insultée de se faire mettre ainsi à la porte, elle prit quelques secondes pour se ressaisir.
— Mais... j'ai encore des questions.
Voyant qu'il tenait à rien lui dire et qu'il n'allait certainement pas lâcher prise, elle changea de sujet.
— Ils concernent mon don, rajouta-t-elle doucement.
Le changement fut instantané: Léonard se décrispa et son regard retrouva un tant soit peu leur éclat habituel.
— Tes dons... répondit-il pensif après un instant de silence.
Kristel attendit la suite, mais elle ne vint pas.
— Ils devraient prendre combien de temps à se développer? Qu'est-ce que je pourrais faire? Est-ce que je devrais me pratiquer pour les maîtriser? C'est difficile?
Elle continua à le bombarder de questions.
— On se calme, une question à la fois, dit Léonard en riant.
— Ça prend combien de temps à se développer?
— Ça dépend, ce n'est pas une science précise.
— Mais toi, ça t'as pris combien de temps? répliqua-t-elle.
— Je ne me rappelle pas.
Elle reposa ses autres questions, mais les réponses étaient presque toutes aussi évasives: « ça dépend », « tu vas le découvrir toi-même », « je ne me rappelle pas »...
Allait-il finir par lui donner une réponse claire? Clairement non. Kristel sentait l'énervement se pointait.
— Tu ne pourrais pas m'aider?
— Kristel, je ne sais pas tout, et il y a des choses qu'il vaut mieux que tu découvres par toi-même.
— Mais là, je te demande juste de m'éclairer, se fâcha-t-elle.
Bien que sa voix restait calme, on sentait la colère se frayer une place. Tout ce qu'elle voulait s'était savoir à peu près à quoi s'attendre, rien de bien compliqué.
Léonard soupira. La jeune fille comprit qu'elle ne saura rien d'autre. Une seule chose était devenue plus clair, elle savait désormais d'où venait son côté obstiné, ce qui ne lui était pas vraiment utile.
De quoi pouvait bien parler Léonard? Pourquoi est-il aussi évasif?
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Spectre - tome 1 - Au delà de la mort
ParanormalElle était morte... Cette vérité avait frappé Kristel, sa meilleure amie était morte. Son décès réveilla en elle un don, qui jusqu'à lors dormait. Elle peut désormais interagir avec les fantômes. Alors qu'elle apprend à se maîtriser, le monde des s...