- Chapitre trois -

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Quand on lui demandait comment elle était devenue cheffe, Étoile de Bourrasque ne savait jamais répondre. Elle, cette enfant perdue, timide, qu'on avait nommée lieutenante alors qu'ils y en avait des beaucoup plus appropriés. Enfin ça, c'était avant d'avoir compris.

Ce sale con, il l'avait voulue. Heureusement qu'il était mort, qu'elle avait eu le cran de dire tout haut qu'il fallait pas laisser un pervers sur le promontoire. Et Vent d'Illusions avait même rétorqué, ce jour là, qu'il ne fallait même pas le laisser en vie.

Étoile de Bourrasque se souvenait de beaucoup de choses. Elle avait une grande mémoire, qui lui permettait entre autre de revoir la foule en délire, la plupart perdus, amputés de leur familles, furieux face à se chef profiteur, qui se jetait sur toutes les félines qu'il voyait pour les capturer, les enfermer dans son désir maladif et malsain. Alors il était mort, piétiné, tué aussi salement que son alter égo, qui avait semblé être hanté de la même obsession, mais cette fois avec une seule femelle, qu'il avait fini par tuer de jalousie.

Ils avaient formés un couple bien atypique, ces deux là. Toujours fourrés ensemble dès leur plus jeune âge. L'un avait développé une fixette sur la jolie Pétale d'Orchidée, et l'autre était constitué de luxure, apparemment. Mais bon, ils étaient morts. Mais en y repensant, Étoile de Bourrasque avait toujours peur que des fous semblables réapparaissent

La meneuse avait travaillé dur pour arriver à ce résultat paisible du clan du Ciel. Le grand éboulement était loin, ils venaient de passer l'hiver et il n'y avait pas de sociopathes en vue, ce qui constituait un bon point.

Si la chatte blanche et brune devait résumer sa vie rapidement, elle ne pourrait pas. Entre les souvenirs doucereux de la pouponnière et du début d'apprentissage, près de sa famille et de ses deux meilleurs amis (avec qui elle avait désormais une romance ambiguë et changeante) et l'effroi du grand éboulement, qui avait enseveli plus de la moitié du clan, la féline était strictement incapable de dire simplement comment elle l'avait vécu.

- Eh, c'est pas parce que t'es cheffe de clan que tu peux te prélasser toute la journée dans ton nid !

- Et pourquoi pas ? La pile de gibier est pleine, il n'y a aucun danger à l'horizon, j'entends d'ici tout le monde discuter tranquillement, les apprentis se courir après...

- Et ton compagnon qui hurle après son apprenti, tu l'entends aussi ?

Museau de Grêle s'approcha d'elle aussi silencieusement qu'il était entré. Étoile de Bourrasque, allongée dans sa litière de mousse depuis le lever du soleil, soupira et se leva.

La chose que le guérisseur remarquait toujours, même après des années à la connaître, c'était qu'elle était franchement super belle. Une longue fourrure brune tigrée, avec beaucoup de blanc sur le poitrail et le ventre, des grands yeux verts-bleus, avec un reflet presque métallique. De la gamine timide et maladroite qu'il avait connu, il ne restait que le sourire irrésistible, doux et sincère.

Elle lui lécha la truffe en guise de salutations et sortit de sa tanière. Le soleil terne ne la réchauffa pas du tout, elle frissonna même en sentant une légère bise sur son flanc. Malgré tout, elle sourit en voyant son clan.

Un matou brun tigré, en la voyant, se précipita vers elle. Il était svelte, et ses yeux brillaient d'un éclat de lasse inquiétude.

- Mam... Je veux dire, cheffe, Vent d'Illusions essaie encore de tuer Nuage Frétillant.

Miaula t'il de sa voix grave, qui nuançait avec son corps fin.

- Oui, je sais, j'ai entendu leurs cris. Laisse les.

L'Aube [ᶠᵃⁿᶠⁱᶜᵗⁱᵒⁿ ˡᵍᵈᶜ|ᵃᵛᵃⁿᵗ ᵖʳᵉᵐⁱᵉ̀ʳᵉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant