Uɳ Aɾƈ-ҽɳ-ƈιҽʅ ԃҽɾɾιèɾҽ ʅҽʂ ɳυαɠҽʂ

cɦαρเƭɾε 17

Parfois, j'ai l'impression d'exister, de savoir ce que je veux, d'être consciente de qui je suis. De me connaître. Et parfois, je me sens comme un semi-être, un corps vivant dans l'attente d'un sens à son existence.

J̸e̸ n̸e̸ s̸u̸i̸s̸ r̸i̸e̸n̸

C'est ce que je ressens lorsque je pénètre dans l'antre du geek de Charlie. Des posters de films couvrant tous les murs, des vieux appareils électroniques par dizaines, un PC de pro, il sait ce qu'il fait, il sait ce qu'il est, il sait ce qu'il veut.

Laissez-moi récapituler. Hier soir, le monstre qui sert de père à Sacha a réussi à gâcher le réveillon de Noël. Je ne savais pas quoi faire, c'était comme si mon monde entier s'écroulait. Comme si j'étais impuissante face au mal qui l'entourait et qui allait le dévorer lentement. J'ai appelé le premier numéro, Charlie.

Je ne pensais pas un jour retrouver un véritable ami, et je ne pensais pas non plus que ce serait Charlie. Je l'avais perçu comme un garçon orgueilleux et froid. Mais je pense que comme moi, il est juste triste, et qu'il a du mal avec les gens.

Revoir son visage me réconforte, je ne le connais pas vraiment, mais il me rassure, et je sais que je peux être en sécurité à ses côtés.

- Joyeux Noël, je murmure, retenant mes larmes.

- Joyeux Noël Alix.

Je pense un instant à le serrer dans mes bras, mais je ne peux pas. Ce silence est trop froid, et mon esprit est trop triste. Alors je ne fais qu'entrer, sans aucune expression sur mon visage. Impassible, je m'assois sur son lit, jetant des coups d'œil à travers la pièce.

Sa maison est toute petite, un peu délabrée, mais sa chambre est un tout autre atmosphère. Je me crois propulsée dans un univers rétro des années 80. David Bowie, Queen, The Cure, mais aussi Scar face, Breakfast Club et E.T. s'immiscent dan la pièce.

Le garçon semble sortir tout droit d'une autre époque, époque dans laquelle il aurait eu sa place. Mon attention se porte pourtant sur l'ordinateur, seul élément moderne. Très grand, et muni de deux écran, il fait comme paradoxe avec le reste de la chambre.

- C'est mon outil de travail, je peux tout faire grâce à lui, et je gagne de l'argent.

- Hein ? Tu gagnes de l'argent ?

Il hausse les épaules, et commence à faire les cents pas.

- Ouais... un peu, je hack deux trois trucs, je crée des sites, des serveurs, des jeux. C'est pas si compliqué en vrai.

- Et comment t'as appris ça ?

- Ben un peu tout seul en fait. Mon père était informaticien, quand j'étais petit je restais des heures à côté de lui quand il travaillait. Je comprenais pas tout, mais j'essayais de le reproduire de mon côté. Pour le codage, j'ai appris ça sur des sites.

- Ton père, il est...

- Mort ouais, quand j'avais dix ans.

Il le dit comme si c'était une banalité. Ça l'est peut-être devenu, ça le deviendra peut-être pour moi.

Ç̸a̸ l̸'̸e̸s̸t̸ d̸é̸j̸à̸ d̸e̸v̸e̸n̸u̸

Je ne dis rien, et me contente de le fixer quelques instants. Comme moi, ses yeux sont éteints, vides d'espoirs, comme moi, de gros cernes les supporte. Sans vraiment pouvoir mettre des mots, je comprends ce qu'il éprouve, parce que c'est ce que j'éprouve aussi.

- Tu peux le dire, tu sais, je fais pitié. Ma vie c'est de la merde. Dis-le, j'ai l'habitude.

Je demeure silencieuse. Si c'est l'image qu'il pense renvoyer aux gens, si c'est ce qu'il croit être, que suis-je, moi ? Une horreur, un monstre, moi aussi. J'ai fait des choses, une chose, que je ne pourrais jamais dire, parce que plus personne ne pourra me regarder dans les yeux.