Uɳ Aɾƈ-ҽɳ-ƈιҽʅ ԃҽɾɾιèɾҽ ʅҽʂ ɳυαɠҽʂ

cɦαρเƭɾε 15

Des minces flocons tombent lentement, couvrant le sol d'une nappe immaculée. Cette neige marque le début des vacances de Noël. Pourtant, elle ne tardera pas à fondre et à laisser place à la couleur grisâtre des routes de campagne.

r̸i̸e̸n̸ n̸e̸ d̸u̸r̸e̸

J'arrive parfois, quand je ferme les yeux, à sentir la bonne odeur du pain d'épice de ma mère, à revoir mon père décorer le sapin. Ils aimaient les Noëls sobres, les Noëls simples. Pourtant, ce sont les meilleurs souvenirs de ma vie.

Cette euphorie que j'éprouvais quand je voyais tous les cadeaux en bas du sapin, cette joie que je ressentais en écoutant les musiques festives.

r̸i̸e̸n̸ n̸e̸ d̸u̸r̸e̸

Au fil des années, la fête devenait de plus en plus lugubre. Les cadeaux disparaissaient petit à petit. Jusqu'à ce qu'il n'y en ai plus.

Pas même un mince petit paquet sous le sapin.

Il n'y avait même plus de sapin.

Pourtant, ces odeurs, ces sensations qui me paraissaient si lointaines ressurgissent dans ma mémoire ce matin.

Sapin, décorations, couronne de Noël, auto-collant bonhomme de neige. Tout dans le magasin de Mimi se ramène à l'ambiance festive de décembre. Nous avons passé la matinée à cuisiner, et à faire cramer, des sablés et du pain d'épice à offrir aux clients.

– Merci de m'aider ma Lili ! Il y a beaucoup plus de clients pour les fêtes. Oh, bonjour madame !

J'ignore d'où vient la joie de vivre de ma tante. Sa sœur s'est suicidée, ses parents sont morts depuis des années, elle ne gagne presque rien, n'a jamais eu de relation sérieuse et se retrouve avec une gosse dépressive sur le dos.

Et pourtant, elle est là, derrière la caisse, à offrir des sucreries aux enfants et à rire avec les clients. On se croirait dans un téléfilm de Noël.

Sauf que sa vie est bien plus sombre.

Je regarde les clients passer et repasser, un sourire béat fixé sur leur visage. Comme si la vie n'était que cadeaux et bûche. Comme si je portais tous les maux sur mes épaules tandis que les autres n'étaient habités que par du bonheur.

L̸'̸ê̸t̸r̸e̸ s̸o̸m̸b̸r̸e̸ d̸a̸n̸s̸ u̸n̸ m̸o̸n̸d̸e̸ q̸u̸i̸ b̸r̸i̸l̸l̸e̸

Je ne peux cesser de me demander si derrière leur sourire, derrière leurs yeux étincelants, eux aussi ont des tourments.

Si cette vieille dame a perdu des êtres chers, si cet homme aux cheveux longs a été viré de son travail.

Parce que certaines personnes sont si douées pour cacher leurs problèmes. J'entends l'écho du rire de ma tante, du cri de joie des enfants devant les sablés. Et je sourie moi aussi.

J'ignore pourquoi, peut-être pour me fondre dans la masse. Pour prétendre, comme Mimi, que tout va bien. Que je vais bien.

Et pendant un court instant, je le crois vraiment.

J̸u̸s̸q̸u̸'̸à̸ c̸e̸ q̸u̸e̸ j̸e̸ m̸e̸ r̸a̸p̸p̸e̸l̸l̸e̸ q̸u̸e̸ c̸'̸e̸s̸t̸ u̸n̸e̸ i̸l̸l̸u̸s̸i̸o̸n̸

Le grelot de la porte de l'épicerie retentit une énième fois, et un homme s'avance. Il est sec et très grand. Ses cheveux bruns sont parsemés par des éclats de gris. Son visage est long, comme étiré, lui créant un air pincé. Je ne comprends pas tout de suite pourquoi cet homme en particulier attire mon attention. Puis, je constate qu'il regarde Mimi avec insistance, s'avançant vers elle avec un demi-sourire.