𝐬𝐮𝐦𝐦𝐞𝐫
J'appuie sur mon portable : dix-huit heures. Décidemment les entrainements de cheerleading se terminent de plus en plus tard. Ma tenue me serre de plus en plus et mes chaussettes me grattent. Je déteste cet accoutrement. Il faut que je rentre vite chez moi pour pouvoir me changer, ma robe me manque. Pour gagner du temps, je décide de couper par le bâtiment des arts logiquement encore ouvert. C'est en passant devant une porte entrouverte que j'ai eu un choc. Une mélodie se fait entendre. Sous la forme d'un morceau de violon lancinant sur lequel se juxtapose bientôt un filet de voix d'une tristesse à faire pleurer. Je ne parviens pas à reconnaitre la langue et ne comprends pas les paroles mais une larme me vient tout de même à l'œil. Je pousse le battant sans faire de bruit et me glisse dans le théâtre désert. La musicienne est assise sur une chaise posée sur la scène. Elle est plongée dans sa musique, à tel point qu'elle ne me remarque pas qu'aux dernières notes de sa chanson. À ma vue, la violoniste dépose son instrument dans l'étui, replace ses mèches sur son visage et parait disposée à partir sans un mot.
— Non attends !
— Pourquoi ? Pour que tu puisses faire un selfie du Monstre et le poster sur Instagram ? Je suis sûre que ça emballerait ta confrérie de pouffes.
— Pour qui tu me prends ?
— Pour une lycéenne lambda dont le seul but dans la vie est d'être populaire, de rester la Summer, celle sur qui bavent tous les gars !
— Tu connais mon prénom ?
— Bien sûr. Comme tout le monde.
— Moi je ne connais même pas le tien !
— Comme tout le monde également. Le Monstre, c'est tellement plus pratique.
— Je suis désolée...
— Seulement parce que tu es seule et que tu as l'habitude de mentir. Ça fait partie de ta vie, mentir. Ou faire semblant, au choix. Tu dois faire semblant d'être satisfaite, mentir sur le fait que ta tenue n'est pas confortable et tu connais la fin de la chanson puisque tu en es l'auteure. Tu es seulement heureuse quand tu n'es pas avec ta colonie. Tu dégoulines comme un lever de soleil saturé. Tu te renverses comme un évier débordant. Tu es déchirée à chaque bord mais tu es un chef-d'œuvre. Mais t'es trop occupée pour t'en rendre compte. Quel gâchis alors maintenant laisse-moi passer. Si tu avais été avec une de tes amies tu ne te serais même pas arrêtée. Tu n'aurais pas daigné me prêter attention.
Elle range l'étui dans son gros sac, enfile sa veste en cuir noir et se dirige vers la porte. En voulant sortir, elle me donne un grand coup de l'épaule en faisant tomber mon sac et en éparpillant tout son contenu sur le sol. Je m'accroupis en jurant pour ramasser mes affaires sous son regard satisfait. Elle marque un arrêt au seuil, visiblement fière de son petit tour et se retourne vers moi en remettant ses cheveux devant ses yeux.
— Au fait, moi c'est Murphy...
Et elle repart aussi tôt sa phrase terminée.
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le chant du violon
Teen FictionChez les Perlman, l'apparence est essentielle. On ne survit pas dans New York sans donner l'image d'une famille parfaite. Chacun se prête au jeu. Sauf Summer, 16 ans, qui hait les mondanités et n'hésite pas à enfreindre les règles. Entretenant avec...