𝐬𝐮𝐦𝐦𝐞𝐫
Pour la vingtième fois en cinq minutes, je lisse ma robe. Mes mains sont moites, une boule est née dans mon ventre depuis ma sortie de la salle de musique et ne semble pas décidée à disparaître, sans parler de mon cœur qui bat à cent à l'heure. Bon sang, mais qu'est-ce qui m'arrive ?
La perspective que quelqu'un m'ait vue en sa compagnie me met dans tous mes états. Toutes les personnes me connaissant un minimum le savent, même les rumeurs le disent, Summer Perlman tient à son image.
Je me regarde une dernière fois dans la glace, histoire de me donner du courage. Je suis perdue. Mes grands yeux verts étaient pleins de larmes et me fixaient dans le miroir... Yeux, miroir, qu'est-ce que je fous là ? Pourquoi je suis enfermée aux toilettes, sur un petit muret à remettre toute ma vie en question mais surtout en froissant ma robe. C'est pour ça que ça ne va pas, si les autres le savaient... les répercussions que cela pourrait avoir ne sont pas sensationnelles mais quand même ! C'est le Monstre, enfin, Murphy. Et voilà, je me retrouve assise sur un muret dans les toilettes du lycée, des larmes pleines les joues et une boule qui ne cesse de grandir parce que j'ai peur que quelqu'un nous ait vues alors que je poste ma vie sur Internet. Ça ne me rassure pas, je n'aurais peut-être pas dû passer par ce foutu bâtiment d'art. Ça doit faire une heure que je tente de stopper mes larmes. Vingt fois que je pleure. C'est énorme. Et le tout sans compter le sel de mes nuits sur l'oreiller, arracher mon visage énamouré et mes tentatives désespérées pour ne pas trop décevoir. Aujourd'hui, je pense que me faire aimer par quelqu'un, animer par quelque chose n'arrivera pas...
J'espère qu'il n'y aura pas trop de monde dans les couloirs, malgré la fin des cours, pour être témoin de ma tête qui fait peur à voir. Entre le fait que j'arrive en bombe au lycée et mon inexistence sociale en ce moment... Je ne sais pas lequel des deux gagnerait. Ma robe ne s'est pas froissée, heureusement !
Je descends du muret sur lequel j'étais assise après avoir rangé mon carnet dans mon sac. Et je vous interdis d'imaginer un journal intime, c'est simplement un carnet de bord qui sert de témoignage à une fille trop impliquée de la société. J'estime que chaque parole d'un être humain – même le plus idiot – mérite de laisser une trace sur cette terre. D'où mon assiduité à tenir un journal de bord.
Je passe les bretelles de mon sac à dos sur mes épaules en dégageant mes longs cheveux. Je m'enferme dans ma bulle, me focalisant uniquement sur le bruit de caoutchouc de mes boots, puis je m'engage dans la grande allée qui grouille de monde. Je réprime mon dégoût en passant à côté d'un couple qui se bécote comme s'ils étaient seuls au monde alors qu'ils sont exposés à la vue de tous. Ce couple est le parfait prototype de l'image qu'on se fait des adolescents aujourd'hui.
Je sais ce que vous pensez. Que je suis une fille snob qui se croit supérieure et refuse de se fondre dans la masse alors qu'au fond, elle n'est pas si unique que ça. Que c'est un manque de volonté de ma part si je ne suis pas compréhensive. Mais laissez-moi vous dire que vous vous trompez lourdement. J'ai essayé, maintes et maintes fois ces deux dernières années, de trouver ma place. J'ai fait partie de ces petites secondes prêtes à tout pour se faire aimer des autres, et des garçons en particulier. Moi aussi, j'ai voulu paraître cool. Mais pour des ovnis comme moi, cette technique d'intégration ne fonctionne pas et on finit par se piquer aux épines du monde lycéen. Alors j'ai tout simplement laissé tomber et je suis devenue celle que je suis aujourd'hui.
En cherchant mon téléphone dans mon sac, une feuille en papier inconnue m'a blessée au doigt. Je portais ce dernier à ma bouche et baissais mes yeux vers mon sac à la recherche de ce morceau de papier. Je suis très sensible. Surtout au niveau des doigts. En le laissant sortir au grand jour, je me rends compte que ce n'est autre qu'une partition et qu'un cahier étranger accompagné d'un petit mot. Je détache le post-it jaune fluo et le parcoure rapidement. Le texte n'est pas long.
« Bonne chance Summer ! Tu vas y arriver... n'est-ce pas ?»
Je trouve que la journée ne devrait pas se résumer à une question.
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le chant du violon
Teen FictionChez les Perlman, l'apparence est essentielle. On ne survit pas dans New York sans donner l'image d'une famille parfaite. Chacun se prête au jeu. Sauf Summer, 16 ans, qui hait les mondanités et n'hésite pas à enfreindre les règles. Entretenant avec...