Histoires courtes

Dans le moule

— Tu vois, je suis pris en premier. C'est parce que je suis bien rentré dans le moule que cette personne veut de moi. J'ai réussi et très vite. Tu aurais pu faire de même si tu avais su resté à ta place pendant la cuisson.

Et le voilà mangé. Tout a été facile pour lui, il a très vite trouvé une dame qui a voulu de lui. Notre courageux biscuit a bien conscience qu'il devra se battre plus que les autres mais il espère trouver une personne qui voudra de lui.

Tous les manneles partent très rapidement et tout le monde s'est régalé. Maintenant il ne reste que notre petit gâteau. Il est le dernier mais ce n'est pas grave, le plus important c'est d'être mangé, pas d'être le premier. Mais le temps passe et personne ne semble le regarder. L'espoir vient d'une petite fille. La table est plus grande qu'elle, elle ne passe donc que sa main et à tâtons trouve le dernier mannele. C'est bon, il va enfin être mangé. Il a eu raison d'être patient, tout vient à point à qui sait attendre.

— Non ma chérie, ne prend pas ce biscuit, il est trop cuit. Tu vas te faire mal aux dents et il ne sera pas bon.

La petite main lâche le gâteau. Son frère avait raison, personne ne voudra de lui et il ne réussira jamais. Quand on est différent on ne peut pas réussir ce pour quoi on est fait. Le pâtissier aurait mieux fait de le mettre à la poubelle, il se serait éviter une déception. Il regrette d'avoir voulu tenter sa chance. Et surtout il s'en veut de ne pas être bien resté dans le moule. S'il avait été comme les autres il serait déjà mangé alors que là, il se sent seul.

Sa solitude s'accentue lorsque la lumière s'éteint et que le calme revient. Voilà, c'est fini pour lui. Maintenant il va lentement pourrir avant de disparaître, sans n'avoir jamais pu régaler qui que ce soit. Mais soudain, il entend des pas qui s'approchent de lui.

— Oh mais que fais-tu là, tout seul petit Mannele ? Pourquoi es-tu si triste ?

Un homme au visage joyeux et barbu tient dans sa main notre ami biscuit qui n'en croit pas ses yeux. Quelle chance qu'il se tienne face à lui.

— Parce-que je suis différent.

— Mais c'est très bien de l'être, tu devrais en être heureux !

— Tous mes frères ont réussi à être mangé et moi non.

— Tes frères ont-ils déjà vu le Père Noël ?

— Non, ils ne vous ont jamais rencontré donc ils pensent que vous n'existez pas.

— Pour vivre des choses différentes il ne faut pas être comme les autres. Grâce à ça, tu as pu rencontrer une personne que tes frères ne verront jamais et tu as pu apprendre mon existence. Eux ne le sauront jamais. Grâce à ta différence, tu es exceptionnel et je serai très heureux de manger un petit gâteau aussi extraordinaire.