L'Arkaï

Chapitre 2

Encore un réveil en sursaut. Une semaine a passé et maintenant, ce n'est plus le vent qui le réveille, mais bien quelqu'un qui le secoue d'une main vigoureuse.
- Réveille-toi. Allez, réveille-toi !
- Quoi ?, dit James les yeux encore fermés.
- Je crois que tu ferais mieux de te réveiller maintenant, ou ce n'est ni moi, ni Benjamin qui va s'en occuper.
- Qui alors ?
- Le village entier.
C'est ce qu'il fallait pour réveiller James. Il se lève en un claquement de doigts, enfile une chemise et un pantalon pêle-mêle et se dépêche à sortir de sa maison pour enfin comprendre ce qui se passe. Pour ça, il n'a pas à faire de grands efforts. Il court en direction de la place centrale, endroit ou la majorité des jours spéciaux du village sont passés et ce qu'il voit le terrifie. Ses pires craintes se sont finalement révélées vraies. Un cercle d'habitants se dresse autour d'un éclaireur. Raphaël. James s'y attendait. En fait, il le savait depuis le début. Quant à Raphaël, il semble hystérique.
- Je les ai vus ! Je les ai vus qui marchaient vers moi ! Ils n'étaient pas dans l'Arkaï !
- Comment ils ont passé le grillage ? Demande une vieille dame.
- Une brèche ! Un immense trou dans le grillage ! Ils sont tous passés ! Ils arrivent.
Soudain, la commandante Shoen arrive et met fin à la panique générale. Enfin, c'est un euphémisme. Beverly, de son prénom, transpire l'assurance par tous les pores. Quand on parle de réussite au village, on parle de la commandante Shoen. C'est aussi grâce à son père que le village ne s'inquiète plus de la menace des courseurs. Enfin, ne s'inquiétait plus. C'est exactement pour cette raison que quand la foule entend ses bottes marteler le sol en direction du nouveau venu, elle se tait, craignant devoir supporter les conséquences de la fureur de Shoen.
- Que se passe-t-il ici ?
- Commandante Shoen, je les ai vus, ils sont sortis et leurs meilleurs éclaireurs se dirigent en ce moment vers le village à une vitesse assez lente, mais assez rapide pour être ici dans une semaine.
- Si nous ne faisons rien, quand est-ce que le village serait entre leurs mains ?
- Si nous ne faisons rien, nous sommes tous des leurs d'ici un mois.
- Je fais appel à tout le monde, maintenant. Avez-vous la moindre idée de qui aurait pu faire tomber le mur construit par votre ancien chef, mon père ?
Tout le monde sait. Tout le monde est au courant sauf elle. Tout le monde sait, mais personne ne parle, sachant que si elle finissait par en savoir quoique ce soit, les conséquences seraient graves pour le principal intéressé, mais surtout pour sa famille.
- Qui a osé, premièrement, se déplacer sans mon autorisation, et deuxièmement, briser la barrière ? Je sais que quelqu'un ici sait.
En réalité, Shoen n'en sait rien, mais ce petit numéro fonctionne très bien avec la plupart des habitants du village qui, premièrement ne savent pas grand-chose sur le sujet, et deuxièmement, savent que même si Shoen disait la plus grande des idioties, il fallait se taire et obéir. Finalement, c'est que les seules personnes présentes dans les moments comme celui-ci, c'est les riches propriétaires des boutiques qui bordent la place centrale et leur famille. C'est ce moment délicat que choisit Ophélie, la doyenne de la place, pour dévoiler la vérité à celle qu'elle considère comme la plus grande héroïne de tous les temps.
- Ô grande cheffe Shoen, je sais qui est le traître !
- Qui est-ce ?
- C'est Rayan. dit la vielle
- Rayan?! Fils du plus grand combattant de tous les temps a osé me faire ça à moi, sa commandante?!
Soudain, une voix s'élève. Une voix plutôt grave, mais aussi plongée dans une certaine forme de panique avancée.
- Ce n'est pas de sa faute.
- Qui parle ?
- C'est moi.
Le regard de la commandante se déplace et cherche attentivement le gamin qui a dit ça.
- Toi, le raté ? Celui qui a abandonné sa destinée de combattant auprès de son père pour se tourner vers une vulgaire scierie ?
Oui, c'est moi, et j'ai parfaitement le droit de vous couper car présentement, à ce que je sache, nous sommes dans une démocratie et ensuite, c'est mon frère et j'ai parfaitement le droit de le défendre. Depuis qu'il est tout petit, vous l'avez pris pour un bon-à-rien et c'est aujourd'hui que ça vous retombe dessus. Je vous l'ai toujours dis, mais vous avez préféré m'ignorer et vous comporter comme si de rien était. Si vous l'aviez entrainé comme vous avez entrainé l'homme qui est au milieu de ce cercle, il serait probablement devenu un meilleur guerrier que vous.
En quoi le fait que j'ai senti que ton frère n'était bon qu'à récurer mes trophées a un quelconque rapport avec le fait qu'il vienne de commettre la plus grosse infraction que ce monde puisse inventer, le meurtre d'un village entier ?
James ne sait plus quoi dire. Il est si révolté par ce que Shoen vient de dire, qu'il en perd ses mots. Un murmure parcourt la foule. C'est entre les « C'est vrai que nous allons mourir ? » et les « Comment cet ingrat a-t-il pu nous faire ça ? » qu'un homme dans la cinquantaine, les cheveux gris et une puissante carrure se faufile pour finalement arriver entre Shoen et James. Même si Beverly représente le charisme et la force intérieure, il y a une chose qu'elle n'a pas ; une taille de 2,5 mètres. Elle a beau avoir une estime de soi plus grosse que son propre village, elle sait qu'en combat, elle ne pourrait rien faire contre ce géant.
- Jack?! Que fais-tu ici ? Pousse-toi de là, je dois donner une bonne correction à ce jeune arrogant qui se prend pour mon égal !
Il n'en est pas question. Premièrement, ce garçon, que tu qualifies de jeune, a probablement vécu plus de choses dans sa vie que dans celle de toutes les personnes présentes ici réunies. Ensuite, arrête de le traiter ainsi, comme son frère, il va finir par te revenir au visage.
Puis, Jack se tourne vers la foule. Silence automatique. Bien que Shoen soit la plus grande autorité du village, quand Jack décide de prendre la parole, tout le monde se tait et écoute.
« Le traitement que votre précieuse commandante a fait subir à Rayan est horrible. Durant des années, elle l'a traité comme s'il n'était bon qu'à récurer le plancher et c'est comme ça que Rayan a eu l'idée de partir en mission sans son approbation, convaincu qu'il serait capable de vaincre les courseurs et de réduire à néant leur menace et s'il n'a pas réussit, c'est uniquement à cause de son manque d'entraînement. Prenez ça comme vous le voulez, mais ne serai-ce pas l'occasion rêvée pour atteindre l'objectif que nous toisons depuis si longtemps, celui d'éradiquer définitivement la menace ? Levons-nous, tous ensemble et travaillons, combattons pour que nos enfants grandissent en sécurité et dans la paix ! »
{Silence total. Si quiconque se concentrait, il aurait pu entendre une mouche voler. Soudain, un applaudissement se fit entendre. Puis deux, puis trois, puis finalement, la foule se mit à crier et à acclamer les deux héros du jour (selon eux) : Jack et James. }
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