L'Arkaï

Chapitre 3

James et Jack marchent tranquillement, épuisés par la soirée qu'ils viennent de passer au Cochon Dodu, le meilleur restaurant et bar de la ville.
- Dans quel pétrin tu nous as mis ! Je ne me suis jamais entraîné, je ne sais même pas comment tirer au pistolet !
- Ne t'inquiète pas, est-ce que tu pensais vraiment que ton père et moi ne nous étions jamais pratiqués ?
Devant l'air abasourdit de James, Jack se met à rire dans sa barbe de vieil homme. James est plutôt surpris, mais se laisse guider par Jack, qui se dirige lentement mais sûrement vers la forêt qui borde le côté sud du village. Il y a deux routes qui mènent au village et c'est à ces endroits que la muraille est ouverte le jour. L'entrée Sud débouche sur une immense forêt de climat tempéré et l'entrée Nord, quant à elle, mène à une immense plaine séparée en deux par une route de terre battue, et si nous la suivons assez longtemps, on arrive au dernier village avant l'Arkaï, Locronan. En s'avançant dans la forêt, paniquant un peu sur le fait que si Jack part ou meurt, il est complètement perdu, au loin, il aperçoit une colline, dépourvue de tous arbres au milieu de laquelle se dresse un grand disque de métal. Le duo avance encore un peu, avant que Jack ne s'arrête.
- Qu'est-ce que c'est que cette chose, Jack ?
- Tu ne l'as pas reconnu ? C'est l'endroit dans lequel ton père et moi avons probablement passé la moitié de nos existences.
- Alors, le fameux Quarkas, C'est ici ?
- Oui mon gars, et nous ne feront pas que regarder l'entrée, nous allons la franchir. Je crois qu'il est venu le moment pour toi d'apprendre un peu plus sur ton père et sur ta destinée.
Ça y est, il va enfin le découvrir. Depuis qu'il est tout petit, James rêve de visiter le Quarkas, lieu devenu presque sacré vu au nombre d'anecdotes incroyables que son père lui a raconté. Malheureusement, depuis la naissance de Rayan, son père n'est plus jamais allé à cet endroit, faisant inconsciemment croître à ses enfants qu'il était disparu. Maintenant, il est devant les yeux de James. Il sait que dès qu'il va passer l'immense porte d'acier et qu'il va s'enfoncer dans le tuyau qui mène vers le Quarkas, il va retomber sur toutes les choses dont son père lui a parlé. Viens avec moi, dit d'une voix douce Jack, qui sait qu'ils doivent entrer dans le bunker avant l'arrivée d'animaux peu désirables. James prend alors le devant, ouvre la lourde porte et pose ses pieds sur la première marche de l'échelle qui conduit vers la véritable entrée, quelques mètres plus bas. Au fur et à mesure qu'il descend dans le sol, le rythme de ses battements de cœur augmente et il commence à appréhender son entrée. Replonger ainsi dans les souvenirs de son père le rend anxieux. Sera-t-il capable d'arriver aux attentes de son défunt père ? Finalement, il finit de descendre l'échelle et pose le pied sur la surface de métal qui constitue le plancher du Quarkas et dès qu'il voit le hall et la réelle porte d'entrée, il sait quoi faire. Il dépose son manteau et commence, avant de passer à l'action, par examiner la pièce. De ses bons 15 mètres carrés, elle a presque la même ambiance que le bureau de Jack, à l'exception près que les murs ne sont pas faits de fragiles billots de bois, mais bien d'acier. Un peu rouillé, certes, mais toujours debout et résistant. Sur le mur à droite, tous les noms des membres sont écrits, gravés dans le mur et sur celui de gauche résident plusieurs panneaux de commandes permettant d'exécuter les commandes de sécurité de base. Enfin, c'est la première intuition qu'a James en les voyant. Il s'approche un peu de la porte de métal se situant au fond de la pièce et appuie sur le petit bouton situé sur le côté de sa montre, entraînant ainsi l'ouverture de celle-ci, laissant apparaître une très petite clé d'or. James la prend dans sa main, la fait tourner dans ses doigts, admire sa beauté et sa finesse, avant de l'insérer dans le petit orifice présent dans la porte. Évidemment, les autres membres de l'organisation utilisent le système d'ouverture électronique, mais, à la construction de la porte, Liam tenait à construire ce petit système pour le jour ou son fils viendrait dans cet endroit. James sourit, et attends Jack avant d'ouvrir la porte et de voir la chose la plus impressionnante de sa vie. L'endroit est si grand que le regard de James se perd vite dans son immensité. Le plafond, soutenu par de solides barres de métal, s'élève plusieurs mètres au-dessus du sol qui lui, est entièrement composé de fer, parsemé par-ci par-là de caisses de munitions, de vivres ou de divers bouts de métal, parcouru par quelques membres de l'organisation, qui se promènent, transportant différents objets variés dans leurs mains. Dans le fond de la pièce, un grand espace est aménagé pour l'entraînement au maniement de diverses armes, fusils comme armes blanches. Un autre espace, beaucoup plus petit quant à lui, est destiné aux contrôleurs qui surveillent diverses machines aux boutons si nombreux que James ne serait pas capable de les compter sans y passer une semaine. Finalement, le reste du bunker est rempli d'immenses étagères destinées au stockage d'archives et d'armes.
- Et oui, c'est ici que ton père et moi avons passé notre enfance. Enfin, tu dois t'en douter, quand nous avons construit cet endroit, il était en surface et pas aussi grand mais, aujourd'hui, il ressemble à ça, et j'espère que bientôt, nous n'en trouverons plus l'utilité.
- Alors, c'est ici que tout se passe ? D'ici que les éclaireurs partent en mission ? Je pensais que c'était Shoen qui avait le contrôle !
- C'est ce que le village entier pense, et effectivement, ils ont presque raison, les éclaireurs comme Raphaël viennent effectivement de Miria, mais ce ne sont pas eux qui font le travail. En fait, leur travail est principalement de nous espionner.
- Pourquoi ils feraient ça ?
- En fait, depuis qu'elle est petite, Beverly cherche à avoir la même autorité que son père de son vivant, mais elle n'a jamais été capable, pour la simple et bonne raison qu'elle n'a pas son charisme. Au fur et à mesure, elle a comprit que si elle voulait s'approprier le pouvoir, elle devait l'acquérir par la peur. Elle a procédé en deux étapes. Premièrement, elle a convaincu les habitants que la seule manière pour eux d'être en sécurité, c'était de la suivre. Ensuite, elle s'est appropriée tout le travail des éclaireurs du Quarkas, c'est-à-dire, notre travail. Maintenant, laisse-moi te guider vers une personne que tu connais assez bien.
Jack marche en direction du pas de tir et fait signe à un jeune garçon de l'âge de James de venir.
- Benjamin?! Tu es ici depuis tout ce temps ?
- Oui ! Tu te rappelles des jours où j'étais absent en classe ? J'étais ici.
Tout se mélange dans la tête de James. Comment se fait-il que tout le monde soit au courant de ce qui se passe et que lui, dont le père est le principal organisateur de tout ça, ne sache rien ?
- Pourquoi tous les gens que je connais sont dans l'organisation depuis leur naissance, et que moi, je ne suis pas dans le coup alors que c'est grâce à mon père que cet endroit existe ?
- Viens dans mon bureau, nous avons beaucoup de choses à nous dire.
Jack guide James vers une porte jusqu'alors invisible, l'ouvre, à l'aide de sa clé, et entre dans son bureau. Contrairement au reste du bunker, ses murs sont faits de bois verni et il est rempli de plantes exotiques qui le font ressembler à une jungle. Dans le coin à droite se situe un aigle dans une cage suspendue au plafond éclairé par une lumière qui simule celle du soleil. Finalement, au milieu de la grande pièce se trouve un bureau de bois raffiné, une grande chaise de bureau en cuir et un long divan fait pour que les invités puissent s'asseoir. C'est ce que fait James, un peu inquiet d'entendre les révélations que Jack.
- Pour commencer, James, je crois que tu mérites de savoir pourquoi durant toutes ces années je t'ai fait travailler dans une vulgaire scierie plutôt que de te faire venir ici pour que tu puisses t'entraîner et partir en éclaireur. Pour comprendre cela, tu dois savoir qui est ton père. En réalité, tu dois savoir qu'il travaillait pour Shoen, mais c'est faux. Il travaillait pour nous, mais, en tant qu'agent double. Sa tâche était d'infiltrer le camp d'entraînement de Miria et de nous rapporter les informations nécessaires au bon fonctionnement de l'organisation.
- Si Shoen vous déteste autant, pourquoi pas venir faire un raid et tous vous tuer ? C'est cruel, mais la connaissant, elle le ferait volontiers.
- Effectivement, mais elle n'en a pas la force. Ce n'est pas avec ses 25 mauviettes qu'elle réussirait à nous anéantir. Et même si elle a de bonnes armes dans son arsenal, ses soldats ne savent pas s'en servir.
- Si mon père savait que mon frère aurait été meilleur en s'entraînant ici, pourquoi il ne l'a pas fait ?
Ça a été un choix plutôt difficile pour lui, mais c'est en quelque sorte un héros pour avoir privilégié le Quarkas plutôt que sa propre personne et même son fils. Il a fait ça pour démontrer sa bonne foi envers Beverly, et ça a marché, mais pour toi, il a préféré t'envoyer dans ma scierie pour que tu ne subisses pas le même traitement que ton frère. Avant de partir pour son dernier voyage, il m'a donné ceci.
Jack sort alors un petit papier de sa poche et commence à le déplier quand il le donne à James. Sur la surface du papier froissé, il est écrit :

Va trouver mes anciens documents.

Soudain, les questions affluent dans la tête de James, en même temps, il doit essayer de comprendre tout ce que cela implique, mais il ne comprend pas non plus pourquoi son père n'a pas inscrit l'emplacement où il pourrait trouver les documents en question. Il regarde ses amis pour essayer d'avoir plus d'informations sur le sujet, mais ceux-ci arborent un air semblable à s'ils avaient vu un mort.
- Retourne le papier.

À Miria.