Chapitre 1

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James se réveille en sursaut. Une grande rafale le tire violemment des bras de Morphée. Il débarrasse son corps de l'édredon qui le recouvre et se dirige, encore en pyjama vers la grande fenêtre de sa chambre. Ses pires doutes sont confirmés. Il fallait que ça arrive. Il fallait que cela ne fonctionne pas, sinon, ça aurait été trop simple. Il commence par se diriger vers la petite garde-robe qu'il a aménagé l'année dernière. Il ouvre sa porte de bois et agrippe un ensemble au hasard pour le mettre sur son dos. Il se dirige ensuite vers le fond et ouvre la petite boîte en bois que son père lui a donné pour ses seize ans et en sors une magnifique montre noire et raffinée, aussi donnée par son père. Depuis sa mort, il la porte en permanence. Il sort de la petite pièce et se dirige tranquillement vers sa cuisine, où il se prépare un petit-déjeuner, qu'il mange seul, depuis le départ de sa famille. Malgré l'absence de son frère et de son père, il mange toujours le même déjeuner qu'avant. Un petit bol de gruau pâteux avec un grand verre de lait provenant des vaches de sa cours. C'est misérable, mais il s'est habitué à cette vie. Après tout, il n'a jamais eu beaucoup d'argent dans ses mains. James se lève et va dans sa salle de bains, chassant au passage quelques cafards venus se cacher dans les craques présentes dans le carrelage d'un blanc jauni du sol. Il prend alors sa brosse à dent, probablement couverte de microbes, ce qui ne l'empêche pas d'essayer de se laver les dents avec, ce qui est visiblement un succès, vu la dentition soignée qu'il arbore. Comme chaque matin, il met un pied dans son bain et actionne le jet, ce qui déverse une eau glacée sur lui. James se lave, puis sors de sa maison, en direction de la scierie.
Comme très souvent, il est le premier employé à être arrivé et il en profite pour discuter avec Jack, son patron. La scierie, malgré le fait que c'est un lieu de travail, sert de refuge à James. Depuis la mort de son père, il s'y rend plus tôt et en ressort plus tard. C'est là que se situent tous ses vrais amis, mais surtout Jack, qui est presque comme un père pour James depuis le triste évènement. Lui et Liam, le père de James, se connaissent depuis l'enfance et c'est même celui-ci qui a aidé Jack à construire sa scierie. L'endroit est chaleureux et plutôt grand. Enfin, c'est cette impression que donnent les billots de bois qui servent de mur et la terre battue parsemée de fine poussière de bois qui sert de plancher. Toute sorte de machinerie est dispersée dans le bâtiment et une petite cafétéria permet aux employés de manger leur repas autour de tables que Liam et Jack ont construit de leurs mains. Finalement, au fond à gauche se situe le bureau du patron. Il est modeste, mais qu'est-ce qu'il est beau ! À chaque fois que James y entre, la lumière est tamisée et il y règne une ambiance très particulière de calme et de respect.
- Salut Jack, comment tu vas ?
- Je ne sais pas. Tu as entendu la même chose que moi, ce matin ?
- Oui, c'est la raison pour laquelle je suis ici. Je veux savoir ce qui va se passer. J'ai besoin d'aide. Ça ne va vraiment pas.
- Premièrement, je ne pense pas qu'il puisse y avoir énormément d'autres personnes qui ont entendu ce que nous avons entendu. En plus, même si c'était le cas, ils ne s'en seraient pas souciées. Tu sais aussi bien que moi que les explosions, au Nord, c'est assez commun.
- Ok, je comprends. Si tout cela tourne mal, est-ce que je peux te faire confiance ?
- Comme d'habitude.
Intérieurement satisfait de la conversation, James se dirige vers son casier de métal, vieux, mais encore debout, contemple la photo de son père qui traîne là depuis longtemps et dépose son manteau de cuir avant de mettre ses bottes de travail, puis de se rendre vers la première tâche de sa journée. Il coupe, il ponce, il colle encore et encore. Les journées de James sont excessivement répétitives, mais il ne s'ennuie jamais, soit grâce aux conversations de ses collègues, soit grâce, ou plutôt à cause, de son esprit, qui ne fait que de penser aux dernières semaines.
- Hé, James, qu'est-ce qui arrivé à ton frère ?
- Porté disparu, je ne sais pas si je vais le revoir un jour. Peut-être qu'il s'est fait attraper par des courseurs.
- Espérons que ce ne soit pas arrivé. J'espère le revoir bientôt, c'est un bon gars.
Cela pourrait passer facilement pour un geste de politesse posé par son aimable collègue de travail, mais en réalité, ça représente bien plus. En fait, il y a quelque temps, on ne parlait que de ça au village. « Le grand départ de Rayan » Tout le monde pensait que c'était un héros, mais depuis quelque temps, faute d'être revenu assez vite de son périple vers le nord, tout le monde au village le croit disparu. Depuis, les conversations sur ce « héros » ont perdu de leur valeur et maintenant, quand vous mentionnez son nom, tout le monde vous dit que ses paroles n'étaient que du baratin et que maintenant, il est, probablement contre son gré, dans leurs rangs, mais James sait que c'est bien pire.
Une cloche sonne. C'est la fin de la journée pour la scierie. Les employés de Jack, qui avaient presque tous terminé leurs travaux, se rejoignent en petits groupes et commencent à discuter et à rire bruyamment. Avant, James serait probablement allé vers le plus bruyant d'entre eux, serait allé partager une bière avec eux et serait revenu très tard chez lui pour aller se coucher, et rebelote le lendemain. Maintenant, il se contente de se rendre à son casier, de changer ses bottes et d'enfiler son manteau afin de braver le vent du crépuscule. Toutefois, Jack s'approche de lui.
- Gamin, tu sais que tu ne vas pas si bien t'en tirer. Je crois qu'elle va t'obliger à partir en mission avec les éclaireurs.
-  Ils ne savent même pas que c'est mon frère et en plus, ils ne sont même pas au courant qu'il se passe quelque chose.
- Effectivement, mais ça, c'est seulement pour le moment. Retiens qu'ils vont bientôt s'en apercevoir et qu'au moment où cela arrivera, tu seras dans le pétrin de la tête aux pieds.
- Comment, Ô grand dieu ils pourraient être au courant ?
- Je ne croyais pas que tu serais si naïf. Les éclaireurs sont plutôt rapides à la course, s'ils ne se sont pas déjà arrangés pour se trouver un véhicule digne de ce nom. Fais attention à toi, mon fils.
C'est la toute première fois. La toute première fois que Jack appelle James son fils. Ce n'est pas la première fois qu'il le surnomme gamin, bien au contraire, même quand son père était vivant, Jack l'appelait ainsi, mais mon fils, ça, c'est toute une autre histoire. Cela paraît simple, mais ce petit geste touche James, qui se sent maintenant en plus grande sécurité, mais surtout, protégé par quelqu'un qu'il admire. C'est dans cet esprit que James retourne chez lui, non sans prendre quelques pauses pour admirer le coucher du soleil. Il passe une très bonne nuit de sommeil. Sans savoir que deux semaines plus tard, il serait à des kilomètres de là.

L'ArkaïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant