Statue de glace

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"Le stoïcisme, c'est quand on a tellement peur de tout perdre qu'on perd tout exprès, pour ne plus avoir peur." 

Romain Gary

Après ce jour-là, Narcissa avait été une véritable statue de glace. Son visage s'était figé en une expression stoïque, sa voix avait adopté une sonorité froide. Même son teint avait blanchi, comme si elle avait décidé de devenir d'un jour à l'autre une poupée en porcelaine qui risquait de se briser si on la secouait trop fort. Les mois qui suivirent, elle bâtit ses propres murs, si hauts et larges qu'ils étaient impénétrables. Elle se protégeait derrière ces remparts, ou du moins elle protégeait ce qui restait d'elle.

Lorsqu'elle avait hurlé sa peine au monde entier, son âme ne s'était pas seulement brisée – elle l'était déjà - , mais s'était éparpillées aux quatre coins de l'univers de manière qu'elle ne puisse jamais les retrouver. Elle avait perdu toute humanité, tout espoir. À quoi bon, lorsqu'on sait que partout où l'on va, il y a un gouffre énorme qui nous attend ? Elle s'était convertie en abyme dans un désert de glace. Elle n'espérait plus rien. Parce qu'il n'y avait plus rien à espérer.

Narcissa vivait pour vivre. Comme un pantin désarticulé qu'on tire avec les ficelles pour lui faire faire des choses qu'il n'a pas envie de faire. Elle avait comprit que ça ne servait à rien de lutter contre ces fils invisibles qui sont accrochés autour de chaque membre. Qu'elle avait déjà fait le show devant le public et qu'on s'apprêtait à jeter le pantin à la poubelle. Elle ne résistait pas. À quoi cela servirait-il qu'un soldat se retourne contre son roi ? À rien. En se comparant à cette métaphore, Narcissa avait compris le sens de son existence actuelle.

Malgré tout, elle s'acharnait à maintenir son image correcte. Pour compenser le physique détérioré de Lucius, certainement, ou peut-être pour montrer aux autres le peu de dignité qui lui restait. Pour ne pas tout perdre, quand même.

Lucius buvait. C'était sa réponse au mépris de ses anciens compagnons. C'était sa manière à lui d'abandonner, de capituler face aux cruautés de son Maître. La prison lui avait pris tout son éclat, l'avait converti en un fantôme errant entre les murs de son existence. Comme Narcissa, il avait renoncé à tout espoir de remonter dans l'estime du Seigneur des Ténèbres et ce dernier s'en délectait. Il mettait dans le panier les bons à rien les Malefoy et Bellatrix avec, comme s'il s'était lassé avec le temps de ses jouets préférés. Ils n'existaient à ses yeux que pour leur fortune, leur richesse et leur patrimoine. Et au lieu de lutter contre cette indifférence, au lieu de se battre pour leur honneur, Narcissa accepta. Elle se replia derrière ses murs de pierre et devint spectatrice de l'écroulement de son propre monde.

Dans les ténèbres de son âme, dans l'obscurité qui semblait toujours vouloir l'étouffer, il restait Drago. Il avait comprit par ce qu'il avait vécu que faire partie de l'armée du plus grand mage noir de l'histoire n'était pas aussi cool qu'il ne se l'était imaginé auparavant. Il avait vu des gens mourir devant ses yeux, vu la vie s'éteindre en eux sans avoir aucun pouvoir pour l'empêcher, et cela le détruisait. Narcissa, si elle avait gardé ne serait-ce qu'un peu d'espoir en elle se serait battue pour l'éloigner de tout ça, battue pour sauvegarder son innocence et le voir grandir en paix. Mais même cela, elle ne pouvait plus. Elle savait qu'il était inutile de tentait quoi que ce soit pour le sauver. C'était ainsi, et Narcissa acceptait.

Drago avait vu sa mère baisser les bras. Il l'avait vue s'éteindre et devenir un bloc de glace impénétrable. Il avait vu la figure héroïque de son père s'effriter, comme s'il émergeait enfin d'un doux rêve enfantin et se confrontait à la dure réalité. Drago, en l'espace de quelques mois, avait tout perdu. Son honneur. Sa famille. Sa dignité. Parfois, il observait sa mère et se surprenait à penser que peut-être, s'il avait été plus là pour elle, elle se serait redressée et aurait reprit les armes. Que son père aurait fait de même, et ses parents qu'il avait connu si unis se seraient convertis en une force invincible.

𝕷𝖆 𝕻𝖚𝖗𝖊𝖙𝖊́ 𝖛𝖆𝖎𝖓𝖈𝖗𝖆 𝖙𝖔𝖚𝖏𝖔𝖚𝖗𝖘 (𝐿𝑖𝑣𝑟𝑒 𝟚) ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant