Oak-Peterson Kathleen

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    Le soleil éblouit la téméraire lorsqu'elle sort de l'amphithéâtre, au point qu'elle pourrait lui faire regretter d'être là, si la physique le permettait. Malheureusement, ces pensées mettent en valeur, une nouvelle fois, une chose sur laquelle elle n'a aucun pouvoir. Pour une personnalité dominante comme Kathleen, les petits rappels quant à son état de simple être humain impuissant sont une source d'énervement, et de mauvaise humeur.
« Encore une journée pathétique, grogne l'agacée.
– Katie ! râle son amie. Tu veux bien arrêter d'être négative au moins pour cette journée ?
– Je ne suis pas dotée de ta bonne humeur et de ton..., commence-t-elle en rechignant.
– Hé, s'il te plaît, supplie la douce. Tu sais quel jour on est non ?
– Tu as raison, je te dois bien ça, soupire Kathleen. Tu veux faire quelque-chose ?
– J'ai commandé chez Benny's, assure l'optimiste avec sérieux.
– Chez Benny's ? s'étonne la dure. C'est ton anniversaire, pas le mien.
– Cette journée ne serait pas une bonne journée si tu ne t'amuses pas ! »
    L'innocence et la gentillesse d'Himiko, malgré leur forte intensité, ont le pouvoir de calmer Kathleen comme personne. Peut-être que l'absurdité de son caractère, selon cette dernière, l'amuse dans son quotidien apparemment bien fade.

    Le temps ne fait pas carton plein, mais l'odeur du snack préféré de l'autoritaire lui donne le sourire très facilement, ce qui reste rare. Les yeux qui engourdissent habituellement son visage d'une fatigue méprisante se mettent à briller à la manière d'un enfant émerveillé. Lorsqu'elle pense à son met préféré, soit une association de cordon bleu, de volaille et de futilités enfermée dans une pâte souple grillée, Kathleen en oublie presque d'être désagréable.
« Bonjour chef ! s'écrie la joyeuse.
– Himiko ! se réjouit-il. Bon anniversaire ma belle !
– Merci chef ! Nos tacos sont prêts ? demande-t-elle, affamée.
– Oui, voici le tien, indique-t-il. Quant à toi Katie, Hugo va te l'amener quand il sera prêt, ça ne te dérange pas ?
– Ne vous inquiétez pas, j'attendrai le temps qu'il faudra, assure-t-elle, assez déçue de devoir solliciter sa patience.
– Viens, on va s'asseoir. » lance Himiko en attrapant son repas.
    Toujours installées à la même table, sur les fauteuils habituels, les deux amies soupirent une fois décidées à laisser leur journée de côté pour apprécier leur pause. Malgré sa précédente compréhension, l'agacée semble n'arrive pas à cacher son mécontentement, au point que l'attente semble être une réelle épreuve à ses yeux. La joviale s'en amuse en ouvrant sa canette de thé glacé, attendant son amie pour commencer.
    Par chance, l'attente se termine au bout de quelques minutes seulement. Le serveur s'amène, plateau soulevé au niveau de l'épaule, d'un air fier et bienveillant. Il pose le met tant attendu devant la demoiselle qui l'attendait si patiemment, arborant un léger sourire en pensant à l'idée qu'il est responsable du bonheur que procure son action.
« Bon appétit Katie ! lance Hugo avec ferveur.
– Je ne t'ai jamais autorisé à m'appeler de la sorte, précise la concernée, armée d'un regard méprisant. 
– Désolé Kathleen, rétorque le serveur abattu. Bon anniversaire Himiko !
– Merci Hugo, courage pour ton service. »
    Le pauvre cherche depuis un moment maintenant comment faire sourire l'énervée, sans succès. Cependant, les signes de compassion d'Himiko lui suffisent à retrouver son énergie. Il s'en va alors, les laissant savourer leur repas en retournant travailler.

« Dis Katie, interroge la joyeuse entre deux bouchées.
– Oui ?
– Pourquoi n'as-tu pas de petite amie ? »
    En tant qu'unique amie, celle-ci était la seule à savoir que Kathleen aimait les femmes, et non les hommes. Pourtant, cette dernière tenait beaucoup au fait que les personnes la pensent hétérosexuelle, histoire de ne pas salir son image. En effet, pour elle, l'homosexualité est un défaut et une honte. Elle le vit très mal, au point qu'Himiko se lance sur un terrain glissant en posant une telle question.
« Tu sais très bien pourquoi, rétorque l'intéressée, irritée.
– C'est absurde, tu as le droit de vivre ça toi aussi, tu sais, s'exaspère l'habituelle candide.
– Si jamais je devais m'attacher à quelqu'un, ce serait toi Himiko. Et nous savons toutes les deux que tu n'es pas de ce bord là, que Dieu t'en bénisse, soupire-t-elle tristement.
– Je sais que tu n'aimes pas ça, mais tu es comme tu es, tu n'as pas à te priver, gronde l'amicale.
– Peut-on arrêter de parler de ça ? Je n'ai pas envie de m'énerver le jour de ton anniversaire. » prévient la tempétueuse. 
    L'anniversée s'arrête alors, abandonnant le terrain miné pour cette fois. Elle voit les yeux de son amie retenir des larmes, qu'elles soient de colère, de tristesse ou bien des deux, ce n'est pas bon signe. Kathleen est connue têtue, au détriment même de son bonheur. Malheureusement, seule Himiko le voit. La téméraire savoure ses dernières bouchées accompagnées du goût amer de l'angoisse, venant essuyer le début de ses larmes sans vouloir le montrer.

    Seulement, cette ambiance d'enterrement se trouve interrompue par l'arrivé d'un agité, tout aussi énergique que son ami Hugo. Ce n'est pas le bon moment, mais il ne le sait pas.
« Himiko, bon anniversaire ! Et Katie ! J'suis content de te voir toi aussi.
– Merci Louis, répond Himiko, inquiète face à l'absence de réaction de Kathleen.
– Katie ? Qu'est-ce qu'elle a ? demande l'intrus, gêné.
– On peut dire qu'elle n'est pas dans son assiette, laisse tomber, explique celle qui affiche dorénavant une mine crispée par la culpabilité.
– O.K ! Hugo, j'peux avoir mon tacos ? » s'écrie-t-il au travers du Benny's.
    Le serveur s'amène alors, d'un sourire aussi joyeux qu'à son habitude, venant déposer le plateau de son ami avant de frapper son poing du sien. Au vu du jeux de regards qui s'effectue devant ses yeux, et du silence pesant des deux clientes, il comprend assez vite que quelque-chose ne va pas et en profite pour aborder un sujet mûrement préparé.
« Bon, les filles, commence-t-il en s'asseyant.
– Oui ? s'intéresse Himiko.
– Avec Louis, on a voulu marquer le coup pour ton anniversaire, donc on a prévu quelque-chose.
– Ah bon ? s'étonne-t-elle, gênée de l'attention.
– Et oui, figure-toi qu'Hugo a gardé une partie de son salaire pour réserver une salle de karaoké ! On peut y rester le temps qu'on souhaite, juste pour ce soir, annonce-t-il fièrement.
– Mais, tu aurais dû me le dire, j'aurais préparé de l'argent ! s'affole la concernée.
– Tu n'as pas compris, c'est ton anniversaire, rigole Hugo. Tu es invitée, et toi aussi Kat'.
– C'est Kathleen, et je ne pense pas...
– Elle viendra aussi, répond la joyeuse sous le regard colérique de son amie.
– C'est parfait ! À ce soir les filles ! lance Louis en attrapant son repas, s'en allant pour le déguster au stade d'à côté.
– À ce soir ! » répondent en chœur ceux qui parlent encore.
    Kathleen semble occupée à rester calme, tandis que les deux malins s'acquiescent mutuellement d'un clin d'œil partagé. C'est l'heure de retourner en cours pour les demoiselles qui se pressent donc d'y aller, ce qui n'empêche pas l'agacée d'être aussi lente et nonchalante qu'à son habitude.

    Une fois déchargées de leur journée de cours et changées pour la soirée, les deux amies se retrouvent à l'arrêt de bus qui couvre leur quartier. L'une a l'air prête à s'amuser tandis que l'autre garde une certaine mine pourvue de rancœur.
« Pourquoi tu me fais venir ? demande l'agacée.
– Je ne veux pas passer ma soirée d'anniversaire sans toi voyons ! feint gronder Himiko.
– Pour être honnête, je ne suis pas d'humeur à me pavaner dans un karaoké club, entourée de personnes joyeuses et ennuyantes, râle Kathleen.
– S'il te plaît Katie, juste pour ce soir, supplie la joyeuse. On va bien s'amuser !
– Comment tu veux que je m'amuse avec des personnes qui m'ont vue dans un état pareil ? s'énerve la colérique. 
– Désolée, je ne pensais pas que...
– Tu n'aurais pas dû parler de ça, déjà. Et surtout pas en public, moralise-t-elle en laissant Himiko ralentir derrière elle.
– C'est juste que... Ton bonheur me tient à cœur Katie, et ta foutue fierté gâche tout ! crie l'habituelle gentille, les tripes serrées.
– Nous parlerons de ça plus tard, s'arrête-t-elle. Allons à ce karaoké et ne gâchons pas cette soirée avec des futilités, raisonne Kathleen, étonnement mature.
– Tu as raison. » soupire Himiko.
    Les deux âmes lourdes s'avancent alors à l'intérieur du bâtiment, venant jusqu'à monter devant la salle privée réservée. La plus jeune, et joyeuse, marque une pause avant de toquer, demandant à son amie si tout va bien. Un simple acquiescement muet est fourni en réponse, la soirée peut commencer.
    Elle toque alors.

    Louis ouvre la porte, bière dans l'autre main, joyeux comme personne. Les invitées voient alors Hugo assis à aider une inconnue qui s'étouffe avec sa boisson. La tomate semble juste maladroite et interpelle l'attention de Kathleen, moqueuse.
« Bienvenue à la soirée d'anniversaire... commence l'amusé.
– Hmpf, ça promet, pouffe la tempétueuse, rentrant dans la salle sans attendre que leur receveur finisse de parler.
– D'Himiko... » termine ce dernier, invitant l'anniversée à entrer.

Grandes sont les fautesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant