Gaffeuse ? Bien sûr.

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    Louis referme la porte, émoussé par l'interruption de Kathleen et l'échec de son accueil. Pour lui, le sourire de compassion que lui a donné Himiko montre sa déception, même si, le connaissant, celle-ci ne s'attendait à rien de spécial. Heureusement pour lui, l'ambiance n'a pas l'air d'être froissée pour ses camarades, qui eux se rencontrent sans attendre.
« Bonsoir les filles, voici Harley, une très bonne amie, présente Hugo.
– Salut ! Moi c'est Himiko et elle, Kathleen ! explique-t-elle, gaiement. 
– Elle ne s'étouffe plus ? s'inquiète la tempétueuse derrière un sourire moqueur.
– Non, rassure la gaffeuse. Tout va bien. »
    La demoiselle détourne alors le regard, baignant ses lèvres dans son mojito pour s'y cacher. La timidité de cette dernière se révèle face à l'imposante Kathleen et ses moqueries. Cela a toujours été son point faible, sur le plan émotionnel. Les autres rigolent et s'amusent, ce qui lui convient malgré la perte d'estime que cela engendre chez elle, et le fait qu'elle se sente telle une moins que rien. La honte l'a gagnée et impose un silence dans la salle, certes camouflé par une musique d'ambiance assez monotone. Ce à quoi se dépêche de remédier Louis.
« Tenez, on vous a pris des bières, j'espère que ça vous convient ! 
– Merci Louis, c'est très gentil, répond l'enthousiaste.
– Tu n'as pas plutôt d'autres mojitos en stock ? La bière ce n'est bon ni pour mon humeur, ni pour mon ventre, rajoute Katie, affichant une mine nauséeuse face à la boisson tendue par l'agité. 
– Bien sûr, bien sûr, acquiesce-t-il en fausse joie. Elle sera pour moi alors !
– Merci Louis », termine la douce pour soutenir son ami.
    Elle lance, juste après, un regard vers son amie à l'attitude méprisante pour lui demander d'être plus sympathique. Celle-ci acquiesce donc légèrement, comprenant la requête de l'anniversée. Hugo soupire en voyant Kathleen se comporter ainsi, lui ayant toujours eu une certaine clairvoyance derrière son visage d'ahuri quotidien. En réalité, s'il se comporte légèrement comme Louis, c'est uniquement pour pouvoir continuer à prendre du recul comme il aime le faire, et ce sans qu'on risque de lui chercher des noises. 

    Il remarque d'ailleurs l'expression gênée de la princesse, désemparée face à ces nouvelles personnes et le flux d'énergie négative transmis par l'une d'entre elles. Il lui donne alors un léger coup de coude, lui souriant sa bonne humeur en espérant la détendre. Cependant, il n'y a rien à faire, Harley est à la fois intriguée et gênée en se pensant en trop. Hugo profite alors que Louis emmène la célébrée sur scène pour discuter avec son amie.
« Désolé pour t'avoir embarquée, lance l'honnête.
– Non, ce n'est pas grave ! Au contraire, je suis contente d'être avec vous, explique l'étudiante. C'est juste que...
– Il ne faut pas le prendre pour toi.
– Ce n'est pas grave tu sais, j'ai l'habitude qu'on s'amuse de moi, sourit-elle en se voulant rassurante.
– Tout comme je sais que tu n'es pas aussi joyeuse que tu ne le prétends, je sais des choses sur Kathleen, avoue Hugo. Tu veux peut-être en savoir plus ?
– Vas-y Himiko ! s'écrie Louis pendant que cette dernière s'essouffle à chanter.
– Je veux bien oui », s'intéresse la gaffeuse.
    Le clairvoyant jette alors un œil à la pièce, vérifiant que tous soient occupés pour se lancer dans ses explications. Voyant qu'Himiko s'amuse avec le karaoké et que Kathleen semble fascinée et heureuse pour cette dernière, il se décide rapidement, sachant pertinemment que Louis n'est pas une oreille à éviter. Il fixe cependant l'habituelle agacée avec hésitation avant de se retourner vers la princesse.
« Alors, déjà, je pense que tu as remarqué le caractère difficile de Kathleen, non ?
– Oui, elle a l'air assez froide et hautaine, sans vouloir être méchante, s'affole la joyeuse.
– À mon avis, ce n'est qu'une carapace. Une carapace à laquelle elle est très attachée. On pourrait croire qu'elle se croit supérieure, mais c'est en fait l'inverse.
– Ah bon ? C'est surprenant, réagit l'étonnée.
– Oui, elle s'impose comme une personne désagréable pour ne pas qu'on lui donne de l'attention. Malheureusement pour elle, ça a eu l'effet inverse, ce qui la réconforte encore plus dans sa méthode. Il y a même des personnes qui l'adorent et l'admirent, notamment sur un groupe social nommé "la reine Kath", soupire-t-il.
– Elle est si célèbre ? questionne Harley, surprise.
– Disons que par ses manières, ce n'est pas la moins connue du coin. Ces personnes lui donnent l'estime qu'elle fuit.
– Mais pourquoi cherche-t-elle à s'exclure de la sorte ? » s'inquiète-t-elle.
    En réalité, cet objectif ressemble sur quelques points au sien, ou du moins, sur la manière d'agir. Elle qui veut s'effacer et se métamorphoser pour le bonheur des personnes qu'elle côtoie, voilà qu'elle rencontre Kathleen : une personne qui cherche à se faire détester pour une partie d'elle, jugée immonde de par ses mœurs. L'une cherche le bonheur d'autrui au détriment d'elle-même, l'autre cherche à se donner raison au détriment des autres. Une paire d'âmes torturées par leurs propres démons.

« En vrai, j'te trouve wow wow wow ! termine la chanteuse, essoufflée. C'est...
– Epuisant hein ? s'en amuse Louis. Viens t'asseoir un coup. »
    Le duo vient alors s'assoir entre Hugo et Kathleen, prenant leurs boissons pour continuer à s'amuser. Ils s'entendent bien et ont beaucoup de traits communs, ce sont deux agités qui se sont bien trouvés. L'essoufflée s'empresse d'embêter Kathleen avec son énergie débordante alors que Louis s'attarde sur les deux calmes. Seulement, lorsqu'Hugo lui demande, il s'empresse d'aller commander de nouvelles boissons pour abreuver ce groupe d'amis bien assoiffés.
« La soirée ne fait que commencer ! » lance l'enthousiaste.
    Harley profite donc de ce moment pour interroger son ami sur la tempétueuse. Elle ne remarque cependant pas que le niveau de nuisance sonore n'est plus aussi élevé qu'il y a quelques minutes.
« Mais, pourquoi est-ce qu'elle se déteste ? 
– En réalité, elle ne se déteste pas elle, mais une partie d'elle, explique le calme.
– Une partie d'elle ? demande l'intriguée.
– Oui. Elle est lesbienne, chuchote-t-il alors, pour se faire discret. 
– Lesbienne ?! » crie la demoiselle, surprise et enthousiaste.
    Un blanc s'installe alors, la tension s'imposant sous le regard colérique de la principale intéressée. La gaffeuse n'a jamais autant mérité ce surnom, consciente que sa joie va causer quelques problèmes. La tempétueuse fixe Hugo d'un regard plus noir que l'ébène, les larmes aux yeux et la mâchoire crispée. Elle se sent jugée et s'empresse de quitter la pièce assez violemment, laissant tout le monde stupéfait.
« Je suis désolée ! s'affole l'innocente en se levant.
– Tu ne pouvais pas savoir, soupire Hugo.
– Je vais aller m'excuser, se convainc-t-elle.
– Laisse, je vais m'en occuper, intervient Himiko en essayant de garder sa lucidité.
– Himiko, laisse-la s'excuser, insiste Hugo, s'appuyant sur une discussion passée pour la faire céder du regard.
– D'accord, vas-y Harley, avant qu'elle disparaisse. » soupire cette dernière.
    La demoiselle se dépêche alors de quitter la pièce à son tour, cherchant à suivre celle qui s'est enfuie sous la honte et la colère.
« Ce qu'il ne faut pas faire, râle Himiko une fois la fautive partie.
– T'inquiète pas, ça va marcher, rassure Louis. Voilà l'événement qu'on attendait.
– D'un côté, ça peut aider... » réfléchit Hugo.
    Une chose est cependant sûre, la soirée emprunte une tournure inattendue.

Grandes sont les fautesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant