Grandes sont les fautes

Maladresse.

« Oh non, Himiko m'harcèle de messages, soupire Kathleen.
– Tu devrais lui répondre, elle doit s'inquiéter, conseille Harley.
– Je lui dis quoi ? questionne la téméraire. Non, laisse tomber, je sais. »
    Lorsque la première rassure son amie, à sa manière, l'autre voit la couleur du ciel changer avec la descente du soleil. Elles se sont tellement reposées que le temps ne s'est pas laissé ressentir, et cela se voit à la mine anxieuse de la plus sérieuse, angoissée à l'idée d'avoir raté quelques cours. La tempétueuse envoie son message et se tourne vers sa complice, un grand sourire sculptant ses lèvres. Les yeux ternes qu'elle arbore habituellement sont maintenant un espace parfait pour le reflet de l'astre, la preuve qu'elle passe un bon moment.
« On y va ? demande la brune, se relevant et s'étirant.
– On a raté des cours, indique l'étudiante, paniquée.
– T'en fais pas, ça arrive. » rassure Kathleen.
    Katie tend alors sa main vers la gentille, venant l'éloigner de ses pensées affolées pour retourner à la vie réelle. Cependant, n'ayant jamais agi de la sorte, la tempétueuse voit son cœur louper un battement lorsque sa complice s'accroche à elle. À peine levée, Harley libère son emprise sous la fuite de sa congénère, étonnée. Elle la regarde alors et voit une femme timide aux pommettes écarlates, ce qui provoque son rire.
« J'ai... Je n'ai pas l'habitude, pour être honnête, balbutie la déstabilisée.
– Il n'y a rien de mal à être gentille tu sais. » console l'autre.
    Elle a peut-être raison, même si ce n'est pas la cause principale de son état.

    Les complices remettent alors doucement leur masque sur le chemin du retour, toutes deux liées par un attachement étrange et effacé. Cela ne fait que quelques jours qu'elles se connaissent, et pourtant, elles ont l'impression d'être si proches, et ce depuis longtemps. Comme si tout ce temps passé l'une sans l'autre n'était que perdu et gaspillé, ce qui les aide à apprécier leur situation actuelle.
    Pour ces deux âmes torturées par leurs propres décisions, leur rencontre s'amène telle une réponse universelle et libératrice. Pourtant, légèrement inquiète face à ce changement qui s'immisce dans sa vie, la téméraire veut garder leurs échanges secrets. Une sorte de sécurité pour éviter de donner sa confiance, et par la même occasion, éviter de détruire l'image qu'elle s'est construite. 
« Les filles ! s'étonne Louis en les voyant arriver. On vous a cherchées de partout !
– Katie ! soupire Himiko, soulagée.
– On était..., commence Kathleen, hésitante.
– À mon coin secret ! révèle l'enthousiaste. On avait besoin de discuter. »
    Le secret n'en est plus un, apparemment. Le temps s'arrête pour la colérique, elle qui se tient à une promesse depuis tous ces jours, voilà qu'elle la pense brisée. En réalité, le pacte tient toujours, vu que les paroles d'Harley restent assez floues, mais la colère qui bout à l'intérieur de la tempétueuse l'empêche de s'intéresser aux nuances.
« Harley ! crie-t-elle.
– Oui ? sursaute-t-elle, aussi abasourdie que les autres face à l'énervée.
– Tu fais semblant d'être heureuse tous les jours et tu peux pas garder un foutu secret ? demande, avec maladresse, celle qui voit ses yeux se gorger de larmes.
– Mais... »

    Une chose est sûre, après cette maladresse commune, la promesse est rompue. Kathleen, dans sa colère, a franchi la ligne sans hésiter, mettant sa complice dans une situation gênante face à leurs amis. La principale désignée prend peur, le visage crispé et la gorge serrée en voyant ses camarades la regarder avec doute. La machinerie se lance, et la téméraire commence à se rendre compte de son erreur.
« Comment ça semblant ? demande Louis, perdu.
– Je... Non ! panique la jeune étudiante.
– Tu n'es pas heureuse ?
– Ce n'est pas ça..., murmure la proie.
– Alors c'est quoi ? insiste-t-il, consterné. Tu n'es qu'une hypocrite, c'est ça ?
– Louis, intervient Hugo. Arrête.
– Ce n'est pas ça..., répète la princesse en retenant ses sanglots.
– Harley ? s'inquiète Kathleen, ayant réprimé sa colère. Je... »
    La demoiselle recule alors, en pleurs, se mettant à courir pour fuir la confrontation qui la fait souffrir au plus haut point. Les reproches ne lui ont jamais fait du bien, elle qui veut le bonheur des autres, savoir que ses efforts lui apportent cette sanction la blesse énormément. Pour le moment, elle veut juste disparaître, et s'exécute, laissant le groupe déboussolé. Kathleen se retourne alors vers son amie qui n'attend pas une seconde pour la gifler.
« Tu es allée trop loin ! réprimande-t-elle. Ta méchanceté me déçoit. »
    Nouveau choc pour la téméraire, celle pour qui elle possède le plus d'affection vient de la sermonner. La seule qui exerce une influence, à l'exception d'Harley, sur la colérique vient d'utiliser son pouvoir, poussant cette dernière à se sentir fautive. Le cœur s'écrasant sous le poids de la culpabilité, Kathleen oublie toute image à tenir et révèle sa sensibilité devant le groupe, pleurant à chaudes larmes son désarroi.
« Désolée, je suis désolée..., crache celle qui ne s'excuse jamais, surtout de la sorte.
– Ce n'est pas à moi qu'il faut dire ça, et tu le sais très bien, explique Himiko, froide.
– Tu as rompu votre promesse, indique Hugo. Elle ne s'ouvre pas facilement, tu sais.
– Je..., hésite la honteuse.
– Rattrape-la, avant qu'il ne soit trop tard. »
    Kathleen acquiesce au conseil d'Hugo, et se met en route légèrement affolée, voulant à tout prix se rattraper. En effet, le lien qui relie ces deux âmes est très spécial, et elle ne veut pas le détruire, même si elle s'est montrée très maladroite, elle ne voulait pas que la situation dégénère ainsi. Contrairement à ce qu'a dit Himiko, elles savent toutes les deux que cette action était dénuée de méchanceté, mais elle devait trouver un moyen de la faire réagir. Au vu de la réaction de l'habituelle téméraire, elle comprend qu'un lien puissant s'est créé en peu de temps, puisque Kathleen arrête toute comédie pour laisser transparaître sa sincérité. Les deux complices se sont alors dévoilées face à leurs amis, ce qui représente un grand pas dans leur objectif commun, malgré l'apparence de la situation. 

« J'ai rien compris, soupire Louis, le plus bête.
– Elle a rompu la promesse dont Hugo avait parlé l'autre jour, mais j'avoue ne pas avoir réellement compris les enjeux, rajoute Himiko.
– On n'a pas réussi donc ? s'étonne Louis, déçu.
– Bien sûr qu'on a réussi, elles se sont rapprochées, sinon leurs réactions n'auraient pas été aussi fortes. Himiko a raison, la promesse a été rompue et elle avait l'air importante, pour que Kathleen soit aussi fébrile, même face à nous, soupire Hugo.
– Mais il y a quoi avec Harley ? demande Louis, surpris.
– Harley est assez déprimée, en réalité, indique l'observateur.
– Comment ça ? Elle pète la forme pourtant.
– En fait, notre princesse est trop gentille. Tu l'as sûrement remarqué, et son plus profond souhait est de rendre les gens heureux, sauf qu'elle pense qu'agir différemment de ce qu'elle est la solution. Ce qui est bien sûr faux, mais on le lui a fait croire par le passé, donc ça reste.
– Mais comment tu sais ça ? Elle ne me l'a jamais dit à moi, digère l'imbécile.
– Hugo est observateur, il a ce don pour voir ce que sont les gens, rajoute Himiko. Tu ne savais pas ?
– Bah non, je veux dire... hésite-t-il.
– Tu es stupide Louis, mais c'est pour ça qu'on t'apprécie, taquine Himiko, le sourire aux lèvres.
– C'est bon j'ai compris, je vais arrêter d'essayer de comprendre ! râle le concerné, faible lorsque la gentille se comporte ainsi.
– Quoi qu'il en soit, notre manœuvre a fait mouche, et ces deux-là ne peuvent plus cacher leur véritable nature, maintenant qu'elles se sont dévoilées, se réjouit l'intelligent.
– Si tu le dis, j'espère que tout ira bien quand même. »
    Maintenant qu'il est clair qu'une connexion existe entre les deux femmes, Himiko s'inquiète quant au fait qu'elle suffise à recoller les morceaux.