L'Etrange histoire des sœurs Siomais

~ Chapitre 1 ~

Louise avait toujours eu pour sa sœur Diana un amour passionnel. Et c'était réciproque. Toujours fourrées ensembles, on les aurait cru jumelles malgré leur année d'écart. Cependant, en grandissant, leurs grandes différences de personnalité s'accentuèrent. Louise, l'aînée, était calme. Elle parlait doucement et articulait chaque mot avec un langage soigneusement choisi. Elle n'aimait pas se faire remarquer, que ce soit par son attitude ou ses vêtements. Elle ne faisait jamais rien d'inhabituel, pas la moindre bêtise ou marque d'insolence depuis le tout début de sa scolarité. Elle n'était pas attirée par la mode et s'habillait de façon neutre. Elle était plutôt jolie et plusieurs fois des garçons lui avait proposé une histoire d'amour ou juste un bisou. Elle avait toujours refusé en rougissant car même si ses formes étaient avancées pour son âge, elle resta petite fille pendant un moment.

En tout cas, on pouvait assurer que Diana, à par son nom de famille, n'avait absolument rien à voir avec sa sœur. Depuis toujours elle s'efforçait avec une certaine facilité d'attirer l'attention que ne prenait pas son aînée. Tout ce que Louise n'était pas, Diana l'était. Excentrique, grande gueule, râleuse, bagarreuse, elle adorait faire les quatre cents coups avec ses amis. Elle était toujours entourée d'un groupe de garçon, non pas pour son joli visage comme sa sœur, mais pour son attitude de garçon manqué. Malicieuse et intrépide, elle jurait, crachait par terre et ne faisait jamais la bise, uniquement des poignées de main.

Toutes deux avaient l'habitude de recevoir des regards étonnés. Comment deux personnes aussi radicalement différentes pouvaient s'entendre aussi bien ? Même en étant sœurs ! La raison principale était que Diana défendait Louise et, d'une certaine façon, Louise défendait Diana. Diana défendait Louise face aux personnes qui l'embêtaient à cause de sa gentillesse extrême. Elle ne dénonçait jamais les offenseurs, prétendant qu'ils plaisantaient, qu'ils n'étaient « pas méchants ». C'était vrai, ils n'étaient pas réellement méchants mais à trop se laisser marcher sur les pieds, les choses commencèrent à dégénérer. Ils l'embêtèrent plus souvent et de façon de plus en plus virulente. Alors Diana était intervenue. Oh l'affaire fut vite expédiée : elle menaça de venger sa sœur puissance 1000 s'ils ne s'excusaient pas et s'ils ne cessaient pas immédiatement. Leur plus grande erreur fut sans doute de lui avoir ri au nez. Ils eurent par ailleurs tout le temps de méditer sur la conséquence de leurs actes à l'infirmerie.

Leur puissante fraternité venait du fait qu'à sa naissance, Diana avait failli mourir. Suite à des complications durant la grossesse, leur mère avait dû faire une césarienne d'urgence. De problèmes en problèmes, la petite eut une crise cardiaque et cessa de respirer. Grâce à l'intervention des infirmières, le bébé avait été sauvé de justesse. Louise, qui avait assisté à tous les événements, du haut de ses 1 an avait vite compris que le bébé était en danger. Même si la notion de mort était inconnue pour la petite fille, elle savait qu'elle risquait de perdre sa petite sœur chérie, celle qu'elle avait attendu pendant 8 mois. Quand enfin le bébé fût sauvé, elle se promit de la protéger toute sa vie.

Mais rapidement ce fut l'inverse qui se produisit. Louise était d'un naturel peureux et prudent. Le moindre chemin, le moindre champ, le moindre ruisseau à franchir devenait un véritable parcours du combattant. Et toujours, c'était Diana qui poussait les gros cailloux, chassait les insectes et coupait les branches basses. Cela ne la dérangeait pas, bien au contraire ! Elle adorait jouer dans la nature ! Grimper aux arbres, courir dans les champs, nager dans les rivières, elle ne passait pas une minute au calme. Chaque jour avait sa dose d'aventure pour les jeunes sœurs, mais pas de la même façon. Pour Louise, c'était un calvaire. Pour Diana, c'était une joie.

Elles avaient toujours eu du mal à se faire des amis. Dès la maternelle, les autres enfants les trouvaient bizarres. Ils les traitaient de folles pour une raison qui leur échappaient. On dit souvent que les enfants sont cruels entre eux. Ils le sont parce qu'ils n'ont pas conscience de la portée de leurs paroles et parce qu'ils ne sont pas assez mûrs pour appréhender certaines situations. Mais est-il plus cruel de dire la vérité quel qu'en soient les conséquences ou de cacher la vérité quel qu'en soient les risques ? Pour les enfants, les adultes préfèrent les faire taire plutôt que d'assumer leurs jugements simples. Alors on a dit aux autres élèves qu'il ne fallait pas être méchants avec leurs nouvelles camarades. Chaque personne est différente, cela n'en fait pas des monstres. Les enfants furent d'abord un peu réticents mais finirent, à force de temps et de patience, à accepter les sœurs.