~ Chapitre 10 ~

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Des murmures l'entouraient. Elle ne voulait pas ouvrir les yeux mais elle voulait les faire taire. Elle ne voulait pas se lever mais elle voulait qu'on lui parle. Des sentiments et des envies contradictoires se pressaient en elle. Elle ne savait plus. Plus rien.

Elle ouvrit lentement les paupières pour voir ses parents et le docteur discuter au-dessus de son lit. Elle était de retour dans sa chambre. En la voyant réveillée tous les trois se turent. Sa mère s'assit à ses côtés sur le lit.

« Comment tu te sens ma chérie ? » Demanda-t-elle.

Fallait-il qu'elle soit honnête ? Oui, elle n'avait pas la force de mentir.

« Mal. »

Les parents se regardèrent sans rien dire. Que pouvaient-ils faire après tout.

« Louise, tu peux m'accorder cinq minutes ? Je pense que tu as besoin d'une conversation privée. »

Exactement. Elle ne voulait plus voir ces parents. Ces êtres qui lui avaient menti toute sa vie, qui l'avaient laissé s'engluer dans ses délires jusqu'à ce qu'elle s'y noie. Leurs simples visages inquiets la rendaient presque malade.

Elle hocha la tête et attendit que ses parents soient sortis pour se redresser. Le docteur s'assit là où se trouvait la mère quelques instants auparavant. Il allait parler. Enfin.

« Tu n'es pas folle Louise, dit-il de but en blanc, crois-moi. Tout ce qu'il se passe autour de toi est le résultat de nos erreurs à nous, adultes. Tous ces changements, ces bouleversements, ces événements étranges ne dépendent pas de toi mais de nous. »

Non pas folle. Je dirais plutôt... malade.

« Tu as lu vos deux dossiers à Diana et toi, je ne pense pas avoir besoin d'entrer dans les détails. Lors de la perte d'un proche il arrive régulièrement que la famille ait un suivi psychologique. Ce n'est d'ailleurs pas loin d'être obligatoire lorsqu'il s'agit des parents d'un enfant. Une mort à l'accouchement est très traumatisante et tes parents ont suivi un long parcours de deuil et sont venus me voir à de nombreuses reprises. Là fut notre première erreur : tu n'as pas été incluse dans ce suivit. »

Il marqua une pause, les souvenirs de cette époque douloureuse refaisant peu à peu surface.

« Les enfants en bas âge ne comprennent pas le concept de mort. Cette idée de la disparition définitive de quelqu'un leur est inconcevable, ce qui est parfaitement normal. Tu n'as donc pas été prise en charge. Mais deux éléments sont entrés en compte. Tout d'abord, tu comprenais bien que tes parents ne te donnaient plus autant d'attention, tout soufflés qu'ils étaient par un tel choc. Quelque chose avait changé, et tu l'avais compris. La deuxième est la manière dont tu t'es approprié la mort de ta sœur. Tu ne l'as pas pris comme quelque chose qui avait disparu, mais comme quelque chose qui n'était jamais arrivé. Pendant des mois on t'avait parlé de ce fameux bébé qui au final ne venait pas malgré ton impatience. Voyant que rien n'y faisait, tu t'es, comme de nombreux enfants, inventé un ami imaginaire. Un ami qui a pris de plus en plus d'importance, si bien qu'il en est devenu réel. »

Il marqua une nouvelle fois une pause. Louise n'était pas sûre de tout comprendre mais au moins quelqu'un lui parlait.

« Là fut notre seconde erreur. Tu avais certes un ami imaginaire mais il était... différent. Bien plus présent que chez un enfant normal. Il s'est alors avéré que tu possédais un puissant trouble de la personnalité. C'est si rare chez un enfant si jeune ! Avant toi j'aurai même affirmé que c'était impossible ! Nous avons donc préféré attendre, te ménager, y aller en douceur. Rien n'y faisait. Ton esprit ne semblait pas vouloir comprendre et encore moins accepter la réalité. Ton esprit fertile avait créé un monde qui, en grandissant, était devenu impossible à détruire. »

La jeune fille fronça les sourcils. Elle voulait des explications rationnelles et scientifiques, elle les avait. Elles étaient pourtant bien plus complexes que la facilité du paranormal.

« Je vais te donner un exemple, décréta le docteur. Tu connais Platon ? Il a écrit un mythe qui s'appelle "L'allégorie de la caverne". En gros, ce sont des hommes, des prisonniers enfermés dans une grotte. Ils sont dos à la sortie, si bien qu'ils ne voient que les ombres des personnes qui passent au-dehors. Ils restèrent ainsi durant des années, si bien que les ombres fictives devinrent leur réalité. C'est normal : ils ne connaissaient rien d'autre ! Mais un jour, l'un d'entre eux arriva à s'enfuir et sortit de la grotte. Il découvrit alors un monde remplit de couleur, si différent de sa réalité. Il avait découvert le vrai, le monde tel qu'il est. Il s'empressa alors de prévenir ses camarades. Ils le traitèrent de fou. "Allons donc ! Une autre réalité ? La réalité est ce que nous avons devant les yeux, ce que nous voyons ! Y a-t-il plus réel que cela ? Tu as sûrement rêvé." »

Le docteur s'arrêta et observa sa patiente. Elle comprenait mieux à présent. Son esprit avait occulté la réalité trop difficile à accepter.

« Tu comprends mieux ? Demanda-t-il. C'est à cause de ce refus que, par exemple, il te semblait que les deux lits de la chambre étaient bel et bien séparés.

-Oui... » Souffla-t-elle.

Elle pouvait mettre des mots sur sa situation, un sens à toute cette folie.

« Tes parents t'aiment plus que tout Louise, reprit le docteur. Vraiment. Tellement qu'ils ont préféré te mentir que de risquer de te briser. Tu te rends compte ? Ils perdent un enfant et voilà que leur fille leur affirme que cet enfant est bien vivant, qu'il joue avec ses poupées et dessine avec ses crayons. Ils souffrent tous les jours de t'entendre parler de cette sœur que tu aimes tant et qu'ils ne peuvent pas voir. Ils souffrent encore plus de la voir prendre le contrôle de ton corps. Ils vivent avec un fantôme depuis des années. Je t'en prie, ne leur en veut pas trop. »

C'est trop dur.

Pour l'instant c'est trop dur.

« Je fais quoi maintenant ? » Cracha-t-elle.

Le docteur parut surpris.

« C'est bien beau de comprendre comment j'en suis arrivée là mais je fais quoi maintenant ? Diana est toujours là. Je ne peux pas me soigner de quelqu'un n'est-ce pas ? »

Le docteur eut une moue bien triste en entendant ces mots.

« Je suis désolé Louise, j'ignore comment t'aider. »

Bien sûr. C'était trop beau. Elle restait seule, seule face à ce parasite qui la ronge de l'intérieur.

« Ne parle pas de moi comme ça. »

Elle releva la tête avec d'égout. Elle ne voulait même pas lui adresser la parole.

« Fais le partir. Faut qu'on parle.

-Un soucis Louise ? S'inquiéta le docteur. »

Cette dernière ne lui offrit pas même un semblant de sourire pour le rassurer.

« J'aimerai être un peu seule s'il vous plaît. Et qu'on ne me dérange pas. »

Le docteur accepta d'un signe de tête et se retira.

« Fais pas genre Louise. Tu ne sera jamais seule. »







En-fin! Voilà donc le fin mot de l'histoire.

Mais... que faire maintenant? Des idées?

Allez je me chauffe je poste la fin ce soir!

L'Etrange histoire des sœurs SiomaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant