Chapitre 1

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        Tu m'avais vue assise sur une balançoire dans le parc près de chez nous. Il faisait froid dehors ce matin-là. J'avais l'air adorable avec mon petit manteau bleu pâle et mon bonnet de laine rose fuchsia. Dans mes petites mains, je tenais un roman que j'avais obtenu à la bibliothèque plus tôt dans la matinée. 

        Jusqu'à ce jour, je ne sais pas vraiment ce qui t'avais incité à venir me parler. Peut-être que tu t'ennuyais et que tu voulais de la compagnie puisque ton ami était occupé à aider sa mère avec les tâches ménagères ou peut-être tu avais été attiré par ma faiblesse et tu me voyais déjà comme une proie. J'aimerais penser que ceci n'était pas le cas puisque nous n'étions que des enfants après tout. Tu étais probablement encore un enfant innocent au cœur pur. 

        J'étais trop immergée dans l'histoire de mon livre que je ne t'avais pas vu t'approcher de moi. J'avais levé les yeux de mon livre alors que j'avais senti ta présence. Un jeune beau garçon se tenait devant moi. Le vent doux de décembre soufflait dans tes cheveux noirs, leur donnant un aspect désordonné. Tu ne portais qu'une mince veste grise et je me souviens de m'être demandé comment tu n'avais pas froid avec une couche de vêtements aussi fine. Mais ce qui m'avait le plus marqué dans ton apparence, c'était tes yeux, d'un bleu glacial, pleins de vie. Ils m'avaient regardé avec une telle intensité comme si je pouvais les réchauffer. Mes yeux n'arrêtaient pas de se poser sur ton visage. Tu m'avais donné ce sentiment de confort comme si je pouvais te faire confiance. C'est drôle comment j'avais toujours pensé que je pouvais faire confiance aux yeux bleus. Dans les histoires, tous les gentils ont les yeux bleus alors que les yeux sombres sont pour les méchants.

        Je m'étais disputée avec mes parents ce matin-là. Maman s'était fâchée parce que j'avais refusé de nettoyer ma chambre. J'avais crié, pleuré et fait une crise de colère. Nous nous disputions toujours parce que je faisais ce que je voulais. Mes parents venaient souvent à la maison pour me voir dessiner ou lire au lieu de faire mes devoirs ce qui menait bien sûr à d'autres disputes. En y repensant maintenant, je le faisais car je voulais attirer l'attention. Je voulais me sentir aimée et choyée, mais mes parents n'étaient jamais à la maison. Ils étaient toujours au travail et le peu de temps qu'ils passaient à la maison, ils travaillaient également sur un cas ou lisaient le profil de leur client. Bien que ces interactions n'étaient pas agréables, c'était le seul moment où mes parents me parlaient.

        J'étais sortie en trombe de la maison et j'avais couru vers le parc le plus proche, où je pouvais habituellement me réfugier et échapper mes problèmes. 

        Ton arrivée m'avait prise par surprise. J'étais une fille assez timide. Les gens n'avaient pas tendance à m'approcher en premier et ils se moquaient souvent de moi pour être si solitaire. Les personnes peuvent parfois être tellement stupides. Elles ne mesurent pas l'impact que peuvent avoir leurs commentaires sur un si jeune enfant.

        J'avais retourné mes yeux sur mon livre en espérant que tu partes, mais à la place tu t'étais assis sur la balançoire à ma droite. Ma curiosité avait pris le dessus et j'avais regardé dans ta direction. Il y avait une étrange sorte de familiarité chez toi. Comme si je te connaissais depuis des années. Tu me regardais avec beaucoup de curiosité et je m'étais soudainement sentie extrêmement consciente de moi-même.

        « Quel est ton nom ? », tu avais demandé. Ta voix était basse et douce, comme si elle était destinée uniquement à moi. Tu avais un accent étrange. L'odeur de lavande fraîche qui venait de toi me chatouillait le nez. Tu avais une petite cicatrice sur la joue gauche, juste sous l'œil. Je voulais te demander ce que tu faisais ici, avec moi. Mais je ne t'avais pas demandé. J'étais trop nerveuse, je crois, et je ne voulais pas que tu penses que j'étais bizarre. En me souriant, je m'étais sentie plus à l'aise.

        « Je suis Chris », tu m'avais dit. Tu avais détourné le regard puis reposé tes yeux sur mon visage à nouveau avant de me tendre la main. Tes doigts étaient chauds et un peu rugueux sur la paume de ma main lorsque tu l'avais prise et tenue, mais ne l'avais pas vraiment secoué. Tu m'avais regardé dans l'expectative et donc je t'avais dit mon nom. Je t'avais parlé de mes romans de mystère préférés et tu m'avais parlé de ta passion pour l'aviation.

        Tu avais été la première personne à réellement s'intéresser à moi, la première personne qui avait vraiment pris le temps de m'écouter. Comment un enfant aussi ambitieux et brillant pourrait-il devenir si sombre, si tordu ?





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