Chapitre 2

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C'était une petite station service, moins utilisée aujourd'hui que par le passé, lorsque le passage sur cette route était abondant, mais toujours opérationnelle. Quelques véhicules continuaient de s'y arrêter et elle servait aussi de bar pour les gens des petites villes alentours. Sa devanture style année 70 rappelait un ancien magasin avec ses vitrines séparées de colonnes, et une énorme enseigne, juchée sur le toit, annonçait les services proposés : restaurant, supérette et quelques chambres à coucher.

Un homme sortit de la station, un chiffon à la main. Lorsqu'il m'aperçut, il m'interpella :

« Lola ! Que fais-tu ici à cette heure ? Je n'aime pas que tu viennes quand je suis encore en service !

— Oncle Jo ! »

Son vrai nom était Joachim mais il préférait que je l'appelle ainsi ; ce n'était pas non plus mon oncle mais un très bon ami de mes parents. Je m'approchai donc et nous échangeâmes une étreinte.

« Je suis désolée d'être venue aussi tôt mais je n'avais pas d'autres solutions... »

Je lui expliquai alors tout ce qui c'était passé, du déjeuner à mon arrivée ici. Il ne disait rien, il ne faisait qu'écouter. Cela faisait quelques minutes que je ne parlais plus non plus mais il ne disait toujours rien.

« Oncle Jo ?

— Entrons veux-tu ? »

Puis, sans même un regard, sans même un mot, nous nous engouffrâmes dans la station de service. La grande silhouette de l'homme passa par la porte, l'ouvrant d'une poigne de fer. Il avançait d'un pas lourd et rapide vers une porte que je ne connaissais que trop bien : mon ancienne chambre. Du plus loin dont je me rappelle, mes parents avaient souvent été absents et ne revenaient que pour les occasions comme ce jour-là, mon anniversaire. En conséquence, avant d'intégrer l'internat de mon collège, je logeais dans la station de l'oncle Jo. Rien n'avait bougé. L'armoire décorée d'autocollants multicolores était toujours là, poussiéreuse, surplombant le petit lit sous la fenêtre. Mes tiroirs de jouets étaient toujours là aussi. Les briques de construction, les feutres de coloriage, les poupées et les petites voitures. Vraiment rien n'avait changé hormis la poussière qui recouvrait l'ensemble de la surface.

Mon oncle s'assit sur le lit et un nuage gris s'envola. Une quinte de toux nous prit alors tous les deux et nous fûmes obligés d'ouvrir les fenêtres. Il se pencha, les mains croisées et ses yeux fixés sur moi, penseur.

« As-tu un endroit où dormir cette nuit ? »

La phrase me fit mal au cœur. Non. Je n'avais nulle part où aller. Sans réponse, mon oncle se redressa, se passa les mains sur le crâne et ébouriffa ses cheveux bruns d'un air préoccupé.

« Tu resteras là quelques temps... Il faut juste nettoyer un peu tout ça, dit-il finalement en inspectant la pièce.

— Oncle Jo. Sais-tu comment mes parents... sont devenus ainsi ? »

Comme après chaque phrase qui traversaient mes lèvres depuis mon arrivée, il se tut. Puis, il m'expliqua d'une petite voix qu'on en reparlerait dans la soirée, une fois son service terminé. Il est vrai que nous n'étions qu'en début d'après-midi, il était à peine 15h. Je décidai donc de nettoyer ma chambre afin d'y dormir, si cela m'était possible suite aux évènements.

❦❦❦

Lorsque le dernier client fut parti, oncle Jo revint me voir et, à la vue du nettoyage que j'avais effectué, son visage exprima comme de l'émoi. Il m'amena dans le restaurant désert et nous nous assîmes sur des fauteuils, brun ocre à moitié délavés, se trouvant en face d'une petite table de bois.

Coupable de mon nomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant