21. Une nuit ensemble

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JALEESA

— Qu'est-ce qui t'amène ? continue l'inconnu. C'est pas le genre d'endroit que tu fréquentes, d'habitude.

Son ton est cordial et je me laisserais presque avoir si je n'avais pas remarqué la dureté de son regard. Le contraste entre ses paroles et son regard est perturbant.

Solal roule des yeux.

— Pas de réponse ?

— Tout le monde n'est pas capable de décrypter le langage corporel, alors je vais te l'expliquer : je viens de rouler des yeux et ça veut dire que tu m'emmerdes. Ça ne devrait plus être un secret pour toi, depuis le temps.

L'inconnu contracte sa mâchoire.

— J'ai abandonné mes amis pour te voir, rétorque-t-il en désignant un canapé pas loin du nôtre. Et c'est comme ça que tu m'accueilles ?

Mais c'est quoi son problème ? Je ne le connais peut-être pas mais je connais Solal. Il ne serait pas aussi cassant gratuitement, j'en suis certaine. Ce mec n'est pas son ami et ils n'ont pas l'air de s'entendre non plus. Pourquoi est-ce qu'il tient tant à discuter ? La réponse de Solal était sans équivoque, pourtant.

— Je n'ai rien à te dire, William. On n'a jamais été amis, toi et moi, alors tu peux passer ton chemin. Maintenant, si tu veux bien nous excuser...

Sans plus attendre, Solal me tend la main pour que je l'attrape, ce que je fais volontiers, et nous nous levons. Cependant, ledit William n'a pas l'air décidé à s'écarter du passage. C'est pas possible, il le fait exprès.

— Je vois. Tu cherches à impressionner ton rencard, en fait.

J'hésite à m'interposer pour lui demander de nous foutre la paix, quand il ajoute :

— D'ailleurs, qu'est-ce qu'elle devient ta sœur ? Ça fait un moment que je n'ai pas eu de ses nouvelles.

— Pousse-toi.

— Tu ne comptes pas répondre à cette question non plus ?

— Comme si la réponse t'intéressait. Tout ce qui t'importe c'est que Sofía soit au fond du trou. Tu ne l'as jamais respectée.

— Oui, c'est toujours moi qui suis en tort, changez de disque. Elle savait très bien ce qui l'attendait après notre première dispute, mais elle a choisi de rester. Et après, ça chiale. Si elle est trop sensible et incapable d'assumer les retombées, c'est pas mon problème.

Solal a de plus en plus de mal à prendre son mal en patience. J'amorce alors un pas vers la gauche pour esquiver William. Il n'a pas le temps d'anticiper mon mouvement et nous le contournons avec brio. Malheureusement, William est décidé à jouer la sangsue. Il nous suit jusqu'au couloir menant aux ascenseurs, alors que j'entraîne Solal à ma suite.

— Si j'avais su ce qui m'attendait avec cette pleureuse, je ne me serais jamais mis avec elle, raille William. Le plus drôle, c'est qu'elle ne m'intéressait pas tant que ça, au début.

J'entrelace mes doigts aux doigts de Solal pour lui faire comprendre qu'il n'est pas seul, et accélère le pas pour atteindre un ascenseur le plus vite possible.

— Mais elle avait l'air désespérée et en manque d'affection. Personne ne voulait d'elle. Alors j'ai compati, tout simplement.

— On y est presque, marmonné-je.

— En plus, j'ai toujours fantasmé sur les Latinas, lance cet empaffé qui, décidément, veut vraiment s'en prendre une. Avec Sofía, c'était le jackpot.

C'est la parole de trop. Solal se libère de ma prise, furieux. Il fait un pas, puis un autre, jusqu'à ce qu'il soit à la hauteur de William. Je n'ai jamais vu Solal dans un tel état, lui qui est d'habitude si calme, si souriant. Ses poings sont serrés le long de son corps, à tel point que les jointures de ses doigts en deviennent blanches. Je me sens déglutir, pendant que la panique commence à me gagner. Tout porte à croire que leur altercation va exploser ici, sous les yeux des clients qui traversent le couloir.

His new beginning [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant