70. 15 mars 2019

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Une nouvelle routine s'est installée.

Tobio reprend des annihilateurs, mais de manière raisonnable cette fois –jamais de doses C, seulement de quoi le rendre serein. Tooru fait de même de son côté, a affirmé Kageyama en promettant qu'ils pouvaient se faire confiance désormais. Comme quoi, maintenant, il y a de la confiance entre eux.

Il a fallu reprendre leurs habitudes sur cette nouvelle base. Nicolas est toujours bien conscient qu'ils pourront difficilement poursuivre leur relation de couple, mais, presque malheureusement, c'est une proposition d'équilibre susceptible de lui redonner de l'espoir.

Les premiers jours n'ont pas été forcément faciles. Tobio est venu chez Romero le deuxième soir après avoir vu Tooru ; mais quand ils se sont glissés au lit et que Kageyama a entrepris de l'embrasser, Nico a eu un mouvement de recul involontaire. Il s'en est immédiatement voulu, mais Tobio a compris, et a entremêlé ses doigts aux siens en murmurant, les yeux baissés, encore un peu honteux :

-Il ne peut rien sentir. Il prend ses annihilateurs, j'en suis sûr.

Rien ne le prouve, mais Nico n'a eu d'autre choix que de lui faire confiance, encore, espérant avoir raison de le faire cette fois.

Enfin ; pour l'instant, il est chez Tobio avec Kourai et d'autres de leurs amis, dont Ninja Shouyou et son fiancé Kodzuken, et tout semble être rentré dans l'ordre –ils jouent à Mario Kart ensemble, Kageyama et lui flirtent un peu dans la cuisine, profitant de leurs derniers jours avant que Tobio ne parte deux semaines pour ses essais avec l'Ali Roma.

Il se joint avec plaisir à la partie de Just Dance qui s'ensuit tandis que Tobio préfère se réfugier dans le canapé avec les autres introvertis. Ninja et Kourai semblent prêts à en découdre, et le quatrième –un ancien coéquipier de Wakatoshi- semble tout aussi déterminé ; mais Nico a juste envie de bouger. Il aime ça, et danse dès qu'il a l'occasion ; depuis petit dans le salon avec sa mère, quand des musiciens de rue égayaient leur quartier, jusqu'aux interminables soirées avec ses coéquipiers dans les boîtes de nuit cariocas.

Ça fait partie de sa culture, et il est à l'aise dans son corps. Il est dans son élément dans tout ce qui touche au physique, aussi bien les activités comme le sport, volley et danse, que dans une démarche de séduction, et il n'a aucun complexe sur son apparence –ce corps, il a travaillé pour l'avoir, il a le droit d'en être fier. Aussi ne manque-t-il jamais une occasion de s'en servir.

Il s'amuse bien, suivant les mouvements indiqués à l'écran, quand un cri de douleur retentit –et Nico comprend que Ninja vient de frapper Tobio avec sa manette.

-Oh non, mince –Kageyama ! crie Ninja en se précipitant sur Tobio, lequel s'est recroquevillé dans le canapé en se tenant la tête et en jurant.

Malgré le bruit ambiant, Nico entend distinctement son téléphone se mettre à sonner. Il le sort de sa poche arrière, curieux de savoir qui l'appelle, et se retrouve face à un numéro complètement inconnu. Il hésite une seconde, puis s'écarte un peu du groupe toujours concentré autour de Kageyama pour décrocher.

-Allô ?

-Allô, Nicolas ? C'est Oikawa.

Nico a reconnu sa voix immédiatement. Il pince légèrement les lèvres. Tooru a dû sentir que Tobio s'est blessé –mais de là à téléphoner... Est-ce qu'il compte appeler chaque fois qu'il se passe quelque chose ? N'est-il pas censé être sous annihilateurs, d'ailleurs ? Romero se sent mal à l'aise de lui parler. Il a envie de raccrocher et de faire comme si c'était une erreur, mais sa bonne conscience l'en empêche, et Tooru a l'air véritablement paniqué.

-Je te dérange peut-être...

-Oui.

-Mais je suis désolé, je... Le lien... Est-ce que Tobio est là ?

-Oui, il est là.

-Je suis sous dose d'annihilateurs A, et j'ai senti une douleur à la tête. Le... le même genre que le soir de l'enlèvement, alors... Pardon, je sais que c'est stupide d'avoir appelé, mais Tobio va bien ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Il a vraiment mal, non ?

-Non, ça va, répond Nico comme un automate. Ninja l'a frappé pendant qu'on jouait à Just Dance.

Il entend Oikawa soupirer de soulagement. Une fois de plus, ça prouve combien Tooru tient à Tobio. Combien il s'inquiète pour lui. Combien il sera apte à prendre soin de lui et assurer sa sécurité, après, quand ils seront ensemble.

-Rien de grave, alors ? reprend Tooru d'un ton plus léger.

-Non.

Et Nicolas pose la question qui le tracasse depuis le début de cet appel :

-Comment t'as eu mon numéro ?

-Tobio t'a envoyé des messages à partir du téléphone de mon meilleur ami, quand j'étais à l'hôpital. Du coup, il avait ton numéro enregistré et, hm, on a pensé que ça pouvait être utile de le garder. Au cas où, tu sais.

Romero ne sait pas quoi en penser. Il a envie de terminer la conversation et de revenir avec les autres, dans la bulle de confort, d'amusement et de familiarité qui était la leur avant que cet appel ne vienne tout gâcher.

-Hm... D'accord, dit-il d'une voix traînante, qui ne trahit pas vraiment d'accord ni de désaccord.

Il espère que Tooru va le remercier et dire au revoir.

-Est-ce que..., commence Oikawa à la place, est-ce que ça t'ennuie de me passer Tobio ? Juste pour voir comment il va-

Je viens de te le dire, comment il va.

-Pas besoin, répond-il froidement.

-Désolé, s'excuse aussitôt Tooru d'un air sincère, j'ai été intrusif. Hm... A la prochaine, alors, bonne soirée à vous.

-Merci. Au revoir.

Il raccroche sans plus attendre, et prend le temps d'inspirer avant de se retourner vers les autres, lançant son téléphone dans un fauteuil comme si c'était de sa faute. Il sait que les questions vont venir sur l'origine de cet appel et qu'il devra leur dire que c'était l'âme sœur de Tobio –cette âme sœur dont la présence resurgit sans cesse et contre laquelle il ne peut rien.

Il sait qu'il a été froid. Qu'il a été impoli, même, et il s'en veut un peu d'avoir laissé la part possessive prendre le dessus, celle qui dit qu'Oikawa aura Tobio, qu'il l'aura bien sûr –mais que pour l'instant, il est encore à Nico, et qu'il compte bien en profiter encore un peu.

RéfractionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant