VII - Questions

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- Lierre... Lierre ! chuchote une voix près de mon visage.

- Quoi ? Hein, qu'est-c'qui se passe ?

- C'est moi, Océane. Je voulais te parler.

   J'ouvre les yeux et essaie de distinguer les traits de son visage dans l'obscurité. Mais c'est qu'on est beau milieu de la nuit !

- C'est par rapport à tout-à-l'heure, tu sais, avec l'eau.

   Peu à peu les souvenirs de la journée reviennent. Sur le coup je n'y avait pas fait attention, me rattachant encore à l'idée que je rêvait. Car oui, je croyais vraiment rêver un moment venu. Peut-être parce que je ne voulais pas y croire. Mais maintenant, l'événement me parait irréel. Soit on est dans un autre monde, mais quand même !

- Je sait pas se qui s'est passé. J'ai juste effleuré l'eau et pchiiiiit ! elle s'est évaporée ! Comme si... comme si... je lui avait demandé... ajoute-t-elle tout bas, presque imperceptiblement.

- C'est ce qui s'est passé : tu lui as demandé, répond une voix dans notre dos.

   Naïmsa.

- C'est comme ça que fonctionne la relation Éléments-Gardiennes d'après ce qu'on en dit. Vu que ça fait des années et des années qu'on en a pas vu, forcément on a pas tous les détails mais disons que on en sait un minimum, explique-t-elle dans un sourire. Mais c'est à vous de nous le dire à présent vous ne pensez pas ?

   Elle a sûrement raison. 

- Alors comme ça, on est dans un autre monde ?

-  Oui, on peut dire ce comme ça. Mais Morgane vous expliquera mieux.

   J'ai tellement de questions qui fusent dans mon esprit d'un coup que je ne sais pas moi-même par où commencer. Alors comme ça, on a des pouvoirs ? Et comment on les contrôle ? Les autres aussi en ont ? Combien de types de pouvoirs existent ? Quel est ce monde ? Et quel lien entretient-il avec nos mères ? Et qui est vraiment Morgane à la fin ?

   Mais je suis fatiguée, j'ai mal à la tête à force de réfléchir et ça a été une longue journée. On en reparlera demain, on posera nos questions à Naïmsa. Mais pas maintenant.

 *:・゚

   Un rayon de soleil joue avec le rideau pour se poser sur mes yeux. Debout, semble-t-il me dire. Allez, c'est l'heure ! J'enlève les draps et me lève. Je m'étire longuement, baille et m'habille dans un coin de la pièce. Je rassemble mes affaires éparpillées et sors pour laisser les filles.

   Dehors le soleil réchauffe l'air, et le ciel est éclaircit par quelques nuages blancs. Il fait bon. Je m'assois sur un banc de pierre pour profiter du moment. Une légère brise souffle dans mes cheveux courts et la lumière rouge du soleil m'éblouit, ce qui fait que je ne vois pas le visage qui appartient à la silhouette qui s'approche. Élancée, plutôt musclée à première vue, l'ombre s'assoit à côté.

- Il fait beau n'est-ce pas ? lance sa voix grave. Il fais toujours beau depuis...

   Il ne finis pas sa phrase. Est-ce de la tristesse dans sa voix ? Ou juste moi ?

- Enfin, tu sais... ça...

   Eh ben non, je sais pas figure toi ! Enfin, comment peut-il le deviner ? Après tout, des étrangères qui débarquent, ils doivent pas en voir tous les jours !

- Euh... ça quoi ? je demande, gênée.

   Il doit surement penser que je suis bête. Enfin, j'imagine puisque je ne sais pas de quoi il parle !

   Il m'observe attentivement. Je vois enfin son visage. Il a des cheveux noir en bataille, des yeux du même noir, les lèvres fines et pâles, des traits bien dessinés et le visage fin. Son regard me parait triste, et ressemble à..... un feu..... éteint. Oui, c'est ça. Un foyer encore chaud qui a accueillit récemment une étincelle de vie. Comme si quelque chose avait souffler cette bougie. Comme si quelque chose lui avait volé cette lumière.

   Son regard se fait pointu. Il me dévisage comme si il ne comprenait pas qui j'étais. Ni ma question.

   Je me lève et marche lentement à quelque mètres devant. Je m'arrête en haut de la falaise. Des arbres touffus recouvrent la vallée en bas. Des oiseaux chantent de jolis airs. Le vent souffle et sert de connexion entre la nature et moi. Je la sens. Elle m'appelle.

   Un air triste s'élève. Je chante. Je chante mon monde perdu. Ma solitude. Je ne suis pas seule, j'ai des amies. Mais on ne se connait pas tant que ça mine de rien. Une larme coule, involontairement. Je sens son goût salé au coin de mes lèvres.

- Toi aussi, t'es seule ici...

   Je me retourne. Il a compris mon chant. Il a compris ce que je ressens. Il s'est levé. Lui aussi, des larmes roulent sur ses joues. On reste silencieux.

   Et je me fais la promesse intérieure de rallumer coûte-que-coûte cette étincelle dans son regard...

 *:・゚

Toc-Toc-Toc !

- Oui ?

- Je peux entrer ? Vous n'êtes pas en train de vous changer ?

- Non non, répond Flamme en ouvrant la porte. On a remballé nos affaires. On se demandait ou tu étais passée !

- Oh, je suis sortie prendre l'air c'est tout.

- Bon, on repars ? demande Naïmsa impatiente.

- Vous partez ? Où ça ?

   Toutes les filles louchent vers moi. Elles ont bien vu que ce n'était pas ma voix. Et pourquoi aurais-je posé cette question ? 

   L'ombre derrière moi remue et s'avance. Les filles sont étonnées, elle ne le connaisse pas, et moi non plus d'ailleurs ! Je ne connais même pas son nom... Mais il voulait me suivre alors, bon. Je l'interrogerais plus tard.

- Euh... t'es qui ? demande Flamme. Parce que euh, ben...

- Désolé, en fait on s'est croisés, dit-il gêné en me désignant, et euh ben...

- Bon ! coupe Naïmsa. Je suis la princesse et voici nos nouvelles Gardiennes. Nous partons en direction de Morgane.

   Il a un mouvement de recul. Il me regarde étonné, puis ses yeux observe chacune des filles tour à tour.

- La princesse et les Gardiennes, murmure-t-il tout bas comme pour lui.

   Tout à coup, il met le genou au sol et courbe l'échine.

- Excusez mes impolitesses mesdames. Vous avez du bien rigoler tout-à-l'heure, ajout-il en s'adressant à moi, peiné.

- Mais non, je..... je ne t'en est pas parlé car je voulais éviter que tu fasses ce genre de choses... Tu sais, les révérences et tout...

- Mais c'est le protocole, Lierre ! s'indigne Naïmsa.

- Oui, peut-être mais nous on est pas habituées ! On était pas des princesses avant, on était NORMALES ! Mais ça, tu comprends pas !

   Je bouscule le jeune homme en courant à l'extérieur. Je suis si énervée ! C'est pourtant pas compliqué à comprendre ! Avant on était comme tout le monde, et d'un coup, on est des personnes importantes, mais on sait même pas à quoi on sert. On nous explique rien !

   D'un revers de manche, j'essuie les larmes qui ont roulé sur mes joues. Pourquoi c'est si compliqué tout ça ? Je veux juste rentrer chez moi. C'est trop demander ? Apparemment, oui...

Les Quatre Gardiennes ~ Les ClefsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant